Le streaming du jour #570 : Sole - ’A Ruthless Criticism Of Everything Existing’

Au moment d’aborder ce premier véritable album "solo" de Sole depuis le fabuleux Live From Rome de 2005, on se demandait si la verve anarcho de plus en plus radicale de l’ex patron d’Anticon, allait résister à des envies de street rap mélodique et rentre-dedans déjà perceptibles sur son dernier opus en demi-teinte avec le Skyrider Band.

Pas transcendé par Young Sole et sa profession de foi de rappeur vieillissant en quête d’une seconde jeunesse dans l’activisme sur une prod de Factor pétrie de nostalgie facile, on comptait à vrai dire beaucoup sur l’excellent Man Mantis pour revitaliser un bon coup l’univers de l’Américain, dans la foulée du spleen nébuleux de The Untouchables et pourquoi pas de l’élégie martiale du parfait Jungle Of The Real, ode à la sauvagerie sociale de notre époque en crise qui n’aurait pas dépareillé sur Plastique. Un morceau réservé (via l’EP Songs That Went Void en collaboration également avec Egadz, Thavius Beck et Controller 7) aux pledgers ayant permis le financement de ce disque 100% DIY comme aux débuts du label à la fourmi, mais ajouté en guise de conclusion amère à cette avant-première offerte par le rappeur à moins d’une semaine de la sortie officielle de l’album :


Pourtant, Non Workers Of The World en guise d’ouverture guerrière et mélancolique à la fois n’a pas tout à fait le mordant espéré, et il faudra attendre Denver Nights pour retrouver Tim Holland dans un registre surprenant, presque feutré pour mieux se frotter aux évocations gothiques de Leif Kolt. Une atmosphère crépusculaire qui doit sans doute beaucoup aux évènements vécus par le rappeur en première ligne du mouvement Occupy Denver, à l’instar d’Assad Is Dead plus décevant toutefois malgré son appel aux armes et à la lutte contre la répression aveugle par vidéo interposée, la faute aux synthés distordus et autres beats mitraillés bien trop convenus d’un Skyrider décidément en perte de vitesse :


Enragé comme jamais, Sole met pourtant ses tripes sur la table, inspiré par Marx (le titre du disque, emprunté à une lettre du théoricien allemand à son compère le penseur Arnold Ruge) comme par le gangsta rap des origines, mai 68 ou les philosophes révolutionnaires de tous horizons, mais rien à faire, impossible de faire décoller les pesants The Void Which Binds, Animal ou Ruthless, c’est même tout juste si le purgatoire d’anticipation troussé par Busdriver sur The Inferno tire son épingle du jeu. Raison de plus pour louer les deux accalmies du disques qui en sont aussi les moments de grâce : d’abord le fervent Never Work en référence au credo de Guy Debord dont les pointes de lyrisme salvatrices doivent tout aux samples soulful d’Ecid et à ses percussions en liberté, puis l’aérien Definition Of Slave toute en pointillés analogiques délivré par le fidèle Alias au sommet de son talent onirique et baroque.

C’est d’ailleurs bien la vieille garde d’Anticon qui finira de sauver le disque du tout-venant, Odd Nosdam en bonus track transformant Young Sole en l’un de ces petits hymnes lo-fi au groove sismique dont il avait le secret du temps de Live From Rome, orgue, guitare et batterie en avant. A la fois pop et belliqueux, sincère et ouvertement en demande de reconnaissance publique, le cul entre deux chaises en somme, A Ruthless Criticism Of Everything Existing ne convaincra donc qu’à moitié les aficionados de ce grand bonhomme du hip-hop underground d’outre-Atlantique, mais une bien belle moitié tout de même !


Streaming du jour - 07.11.2012 par RabbitInYourHeadlights
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