Le streaming du jour #828 : Cyrod On The Iceberg - ’Echo’

Cyrod avait prévenu : « j’y ai mis tout ce que j’avais ». Et ça tombe bien, tout ce qu’il a, c’est un peu tout ce que l’on a nous aussi. C’est bien pourquoi ce nouvel album porte si bien son nom : il joue avec des sons, des réminiscences, des poussières d’époque qui font écho en lui comme en nous. Ancré dans les ’90s et dans un paradigme, le lo-fi, qui, ici, loin d’être une pose, est une nécessité. L’envie d’envoyer valdinguer les fioritures, c’est aussi l’envie de se rapprocher au plus près de ce que l’on a à l’intérieur de soi, de ne pas brouiller le message et de se mettre à nu. Impudique peut-être mais sincère avant tout.

Echo accapare dès le premier titre, Cataract. Une ligne de basse à tomber, une guitare qui déborde de partout et la voix en écho lointain. C’est tout ce qui fait que l’on a aimé un jour la noisy-pop et qu’on l’aime encore aujourd’hui. Commencer un album avec un titre pareil, si objectivement parfait, c’est la promesse de se prendre les pieds dans le tapis juste après. Or, il n’en est rien. Cyrod se maintient à ce niveau stratosphérique les douze morceaux suivants : de la merveilleuse mélodie noyée de Bleak ou de l’éther déchirant de Shovel Part.1 à la pop déglinguée de Fragile ou Forgetting Why qui évoquent les chef-d’œuvres de poche de Chris Knox (rien de moins).

« J’ai cherché à retrouver l’énergie post-adolescente qui traînait sur mes vieilles cassettes 90 » explique-t-il sur son bandcamp et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a réussi son coup : mélancoliques sans être nostalgiques, ses morceaux fuselés et touchants se fraient sans peine un chemin du cortex aux tripes et des tripes à l’épiderme pour y provoquer leur lot de frissons. Car il n’est nul besoin d’avoir les tempes grisonnantes pour apprécier cet Echo qui peut tout aussi bien être appréhendé comme un dispositif de passation : l’écouter, c’est comprendre une époque et retrouver son influence encore aujourd’hui, d’autant plus que les disques d’alors prenaient eux aussi leur source dans des temps encore plus reculés. Et puis, pour être tout à fait honnête, envisager cet album à la seule ombre des grandes figures tutélaires qui l’ont inspiré (en vrac, les insulaires de Flying Nun, My Bloody Valentine, Three Mile Pilot et on ne saurait être de toute façon exhaustif) ce n’est pas rendre justice à Cyrod qui montre ici qu’il peut aisément s’en passer.

C’est qu’il faut avoir de l’aplomb pour sortir un truc pareil à l’heure du grand métissage et de la course à l’échalote qui pousse à écouter une quantité toujours plus importante de disques pour les oublier aussitôt. Echo, c’est la promesse d’une enclave autonome, en dehors du temps, un petit coin de paradis vers lequel on reviendra souvent pour redéfinir ses racines et toucher du doigt une tranche de vie qui correspond à s’y méprendre à la nôtre. Mais trêve de mots, il est temps de retourner écouter ces Talknow, Flowersound, Distraction et tous ces morceaux bruts de décoffrage, baveux et fuselés qui, de par leur imperfection revendiquée, s’approchent de la perfection. « Utilisation minimale des outils »pour sensation maximale. L’équation n’était pas aisée, on tient là l’une de ses solutions.


Streaming du jour - 27.07.2013 par leoluce
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