Hey Colossus - The Guillotine
Hey Colossus revient ces jours-ci avec The Guillotine. Dans la continuité d’In Black And Gold et Radio Static High (2015), le groupe creuse ses atavismes et en faisant tout pareil, fait encore différent.
1. Honest To God
2. Back In The Room
3. Calenture Boy
4. Experts Toll
5. Potions
6. Englishman
7. In A Collision
8. The Guillotine
La mue se poursuit. Il s’agit bien de ça. Hey Colossus reste ce qu’il est, profondément, indéniablement, mais abandonne de plus en plus son ancienne peau, son habillage. On retrouve pourtant les mêmes contours, la même texture générale, granuleuse et rugueuse, mais les crocs n’apparaissent plus que par intermittence. Pourtant, l’animal ne s’est pas assagi, il n’est pas non plus domestiqué mais il distille différemment son caractère intense et corrosif. Et ce faisant, expose de plus en plus ses blessures. The Guillotine est sans doute son album le plus triste, le plus désespéré mais aussi l’un de ses plus beaux. Pour autant que l’on puisse qualifier ainsi tout ce qui vient des ces six-là. Ça reste toujours aussi indéfini et de guingois, toujours aussi approximatif, le brouillard peuple la moindre parcelle de musique et on ne distingue les angles qu’une fois les avoir pris en pleine poire. L’éther partout, ici, ne provient pas d’un ectoplasme sans substance ni fond mais entoure au contraire une architecture hérissée, contondante, qui fait mal, non plus seulement physiquement mais aussi, désormais, par sa noirceur mise en avant, psychologiquement. Bien sûr, elle a toujours été là, depuis les débuts mais n’avait jamais était exposée ainsi, comme elle peut l’être au détour d’un morceau comme Calenture Boy, par exemple. S’y présente alors un Hey Colossus complètement à poil, seulement armé d’une basse moribonde, de notes de guitare égrainées sans espoir aucun et d’une voix exténuée, complètement délavée, abandonnant pour le coup toute sa vigueur maltée. Ça pourrait être ridicule et tire-larmes, hors de propos et gênant mais pas du tout. La tristesse infinie contenue dans les sillons traverse au contraire les couches tendres de l’épiderme et se diffuse tout à la fois au cortex et aux tripes. Plus loin, d’autres morceaux patraques feront de même, des gouttes de piano de Potions à l’absolue noirceur de The Guillotine, dont la basse chaloupée calque ses pas sur ceux du condamné, Hey Colossus y distille son poison noir et flingue sans sourciller la moindre idée un tant soit peu positive pour un bout de temps. Aucune trace de telles choses dans tout ce qu’a pu sortir le groupe auparavant. Enfin, en tout cas, pas affublé de telles velléités jusqu’au-boutistes.
Mais The Guillotine ne saurait se résumer à ses pics arachnéens car entre eux, il y a encore tout le reste. Tout le reste, c’est ce qu’on connait déjà, les missiles psycho-noise branchés sur courant motorik qui peuvent sembler divaguer quand, en fait, il ne font qu’explorer. Quoi ? Difficile à dire, peut-être les diverses possibilités qu’offre le fait d’être un sextet insulaire à trois guitares sensible à l’agonie du monde. Elles se complètent parfaitement tout en donnant l’impression de n’en faire qu’à leur tête. Sur Englishman, pendant que l’une piétine, l’autre souligne et la troisième lance des giclées intersidérales au sein d’un titre très curieux, d’apparence classique mais parcouru de faux-fuyants et de trajectoires inattendues. Idem lorsqu’elles s’empilent sans crier gare du côté d’In A Collision, enfonçant d’un coup la platine profondément dans les fondations alors que le titre était jusque-là assez ténu, presque suspendu. Ventripotents, les morceaux sont pachydermiques mais peuvent aussi se lancer sans efforts apparents dans une course de haies effrénée à l’assaut des étoiles. Ça se passe par exemple sur Back In The Room où Hey Colossus convie justement Nick Turner d’Hawkwind derrière le micro. D’ailleurs, le chant, c’est aussi l’autre grande nouveauté de The Guillotine. Jusqu’ici noyé dans la masse, il s’en détache aujourd’hui complètement et semble plus exposé que jamais, déversant des mots ombrageux et renfrognés, parallèles à l’environnement qui les porte. Et puis la patine du temps l’a nuancé et à l’invective se superposent aujourd’hui d’autres émotions. Bien sûr, là aussi, tout cela était déjà présent mais l’album apparaît un peu comme une mise au point, révélant des détails qui restaient jusqu’ici floutés ou tout simplement invisibles. La noirceur atavique, la colère, la résignation, l’envie d’en découdre et plus encore, pas vraiment nouveau certes mais désormais bien devant. L’ensemble n’offre plus aucune issue et se lancer dans cet album, c’est accepter de baigner dans un environnement poisseux et affligé tout du long. Après tout, Hey Colossus n’est que le reflet de son époque - carnassier quand il y avait encore des raisons d’espérer, exténué quand il en reste si peu - et la teneur de The Guillotine n’est pas là pour rassurer sur l’état général de celle-ci. C’est bien ce qui fait d’Hey Colossus un grand groupe.
Et de The Guillotine un grand album.
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