The Geraldine Fibbers - Lost somewhere between the earth and my home

En 12 titres nous parlant à la fois de mint juleps, de la douceur du sud, d’aiguilles plantées dans les yeux, d’inceste et de meurtres et de docteurs qui volent à cause de la drogue, Carla Bozulich déploie des trésors d’originalité en mélangeant sons noisy et guitares sursaturées aux violons et aux guitares folk...


1. Lily Belle
2. Small Song
3. Marmalade
4. Dragon Lady
5. Song About Walls
6. House Is Falling
7. Outside of Town
8. French Song
9. Dusted
10. Richard
11. Blast off Baby
12. Get Thee Gone

date de sortie : 18-07-1995 Label : Virgin

Si un jour un ami vous dit, le plus sérieusement du monde : "Carla Bozulich est cinglée", considérez-le d’un autre oeil. Vous avez affaire à un connaisseur, sûr de sûr. Un gars qui n’a peur ni de l’érudition indie un peu précieuse, ni de la country déjantée, ni du bruitisme profond des Sonic Youth. Car oui, il a raison, Carla Bozulich est folle. Et elle menait un groupe nommé les Geraldine Fibbers dans les années 90.

Un chroniqueur bien connu par ici a d’ailleurs utilisé le nom d’un de leurs albums pour décrire le lieu dans lequel il se trouve bien souvent : "perdu entre la Terre et ma maison"...

Cet album des Geraldine Fibbers, leur premier, en 1995, est quelque chose qu’on a rarement entendu. Ni avant, ni depuis. Une preuve que tout ne se ressemble pas au royaume du rock. Sorte d’hybride étrange entre Tarnation et les Sonic Youth, le groupe, emmené par Carla Bozulich (qui est folle à lier), nous propose un voyage au coeur de l’Amérique profonde des dépressions, de la folie et... des rednecks dégénérés.

En 12 titres nous parlant à la fois de mint juleps, de la douceur du sud, d’aiguilles plantées dans les yeux, d’inceste et de meurtres et de docteurs qui volent à cause de la drogue, Carla Bozulich déploie des trésors d’originalité en mélangeant sons noisy et guitares sursaturées aux violons et aux guitares folk...

Il n’y a qu’a écouter le titre qui donne son nom à l’album, "The Small Song", pour se rendre compte qu’on n’est pas loin des Sonic Youth et consorts... et puis c’est "Outside Of Town" et son mélange, entre le Velvet et la country-folk... Du bonheur pur et simple, des arrangements somptueux, un groupe original au mieux de sa forme (voix, guitares, batterie, contrebasse, violon et alto, quoi de plus classe ?) - Il n’y a qu’en Europe qu’on peut, avec des groupes comme Venus, dire qu’on a une réponse aux Geraldine Fibbers... mais là où Venus fait penser à des chansons de marins, les Geraldine Fibbers font penser à Faulkner, au midwest...

Certes, la comparaison est hâtive, mais il est vrai que ce disque hypnotique, rageur et d’une violence rare dans la douceur, qui fait bien souvent penser au mélange doux-amer, voire SM qu’on a connu chez les groupes de New York comme Ultra Vivid Scene ou le Velvet Underground, est teinté d’une couleur rarement vue dans ces eaux glauques du nihilisme et de la folie mentale : la campagne profonde et miséreuse. Alors, amis anglophones, si vous avez une minute, penchez-vous sur le livret (magnifique, au demeurant) de ce disque, qui est un fac-simile d’un vieux livre emprunté dans une bibliothèque d’une minuscule ville d’un midwest hypothétique, et lisez ces histoires, vous n’en reviendrez pas.

"Lilybelle" s’ouvre sur une magnifique intro au violon alto/guitare, avant de démarrer dans un maelström de son et nous parle de folie : Lilybelle se balance au son des voix dans sa tête... la voix étrange de Carla Bozulich arrive puis le refrain brutal et terrible, hurlé, tombe : Get off of that trip... jusqu’à la litanie finale de "nothing girl" ... Le voyage a commencé.

Si l’album s’appelle "Lost somewhere the Earth and my home", nous, nous sommes bel et bien coincés quelque part entre douceur et rage, entre haine et amour, entre violence et tendresse, entre rock et folk, entre country et noisy... complètement perdus au total.

The Geraldine Fibbers réaliseront bien un autre album, "Butch", mais jamais ils n’atteindront à nouveau la grâce qui touche cet album au final unique et atypique.

Je vous laisse sur les paroles de "Marmalade" : Marmelade, jours d’été, les drogues font que j’ai envie de m’asseoir à tes côtés. Des docteurs flottent ça et là, les poissons rouges s’enfuient. On m’a capturée. Je suis très mal et je veux dormir. Le ciel m’oppresse, je plonge...

Inquiétant.

Chroniques - 09.11.2005 par lloyd_cf