The Somnambulist - Moda Borderline

Premier album d’un trio cosmopolite, Moda Borderline sied parfaitement aux musiciens aguerris de The Somnambulist : une musique qui se joue des frontières et des chapelles, élégante et captivante.

1. Red Carpet
2. Don’t You Want To Devour This War ?
3. Luce
4. Moda Borderline
5. 80s Violence
6. Quinto Mistero Della Gioia
7. God Is Not A Good Shot
8. Alice Never

date de sortie : 28-05-2010 Label : Acid Cobra Records

Cosmopolite, The Somnambulist. Par son line-up et surtout par sa musique. Un trio de musiciens expérimentés aux origines multiples puisqu’on y trouve un Français, Rafael Bord – membre un temps des Hurlements d’Léo puis de La République du Sauvage (regroupement entre les bordelais et les italiens de l’Enfance Rouge), tournant également avec des groupes en provenance des Balkans (BudZillus ou Shmaltz) – qui officie au violon, à la viole, à l’oud et au thérémine aux côtés des fûts de Marcello S. Busato, batteur berlinois évoluant dans les sphères expérimentales et le jazz contemporain (Sink notamment, il a également collaboré avec Chris Abrahams, Axel Dörner ou encore Els Vandeweyer). Un multi-instrumentiste italien complète enfin le line-up : Marco Bianciardi qui prête sa voix aux groupes Hotel Ambiente, Jane Walton ou Elton Junk et sa guitare à Caboto, il compose également des scores pour le théâtre. Dans The Somnambulist, c’est lui qui s’occupe d’un peu tout ce dont les autres intervenants ne s’occupent pas : voix, guitares mais aussi batterie quand le besoin s’en fait sentir, piano et samples. Moda Borderline, leur premier album sorti il y a quelque temps déjà, est clairement pétri de tous ces parcours.

Un album d’une grande élégance, envoûtant et subtil, même dans ses moments les plus enlevés où le trio prouve qu’il n’est nullement besoin d’être nombreux pour faire un beau raffut. C’est avec beaucoup de plaisir que l’on suit les tribulations de ce violon qui voyage de l’est de l’Europe au nord de l’Afrique en passant par l’Amérique, épaulé par une guitare au vocabulaire on ne plus délicat mais qui n’hésite pas à montrer ses crocs quand il le faut, carrée dans ses riffs et joliment déliquescente dans ses arpèges. De toute façon, il y a toujours les peaux (qu’il s’agisse de celles de la batterie ou d’autres percussions) pour rattraper tout ça, solide squelette aux os fins auquel tout ce joyeux foutoir s’attache et qui maintient la cohérence de l’ensemble. Et puis la voix de Marco Bianciardi qui semble avoir assoupli ses cordes vocales avec force alcool et nicotine. Une voix qui ressemble de loin à celle de Tom Waits (sans l’égaler bien sûr, mais cela est-il possible ?) et qui officie majoritairement dans le rauque et le caverneux.

Photographie de Christian Del Monte

L’ouverture basique guitare-batterie de Red Carpet est une assez bonne illustration de la musique de The Somnambulist car elle est très vite rejointe par les trilles du violon qui vitriolent l’ensemble et lui apportent toute son originalité. Et quand guitare et violon exultent dans une explosion conjointe, le groupe montre toute la puissance dont il est capable. Ce premier morceau convoque sur la fin le fantôme du dEUS d’ Ideal Crash, mais un dEUS des Balkans aux cordes fureteuses comme en témoignent ailleurs Don’t You Want To Devour This War ? ou l’instrumental inquiet et rampant Quinto Mistero Della Gioia. L’oud quant à lui emmène Luce du côté du Maghreb, beau morceau qui après une introduction rappelant fortement Caravan (oui, le standard de Duke Ellington) opère sous le voile rauque de la voix un mélange instable et casse-gueule mais qui s’avère véritablement hypnotique entre mélopées arabisantes et soubassements noise. Mélange poussé plus loin encore sur le magnifique 80s Violence à l’explosion finale très free qui pourrait parfaitement illustrer les ambiances crues développées par Paul Bowles dans ses recueils de nouvelles comme Le Scorpion ou Un Thé Sur La Montagne. Le côté free, voire expérimental, de The Somnambulist ressurgit plus clairement encore au moment de God Is Not A Good Shot, un morceau qui, porté tout du long par les stridences du violon, alterne déchaînement instrumental et accalmies où la voix se met en avant, résumant parfaitement toutes les facettes du groupe en sept minutes trente. Un disque aux ambiances interlopes qui se clôt idéalement par un Alice Never plus apaisé, sorte de marche funèbre aux faux airs de valse déglinguée à l’issue de laquelle on se dit que The Somnambulist ne ressemble vraiment à personne. Un premier disque agréablement déconcertant et en permanence brillant, hors du temps et donc indémodable, à l’âme profonde, fruit de la rencontre de musiciens d’horizons variés mais ayant le désir commun d’aller voir ailleurs ce qu’il s’y passe : un disque nomade commis par des nomades que l’on suit les yeux fermés.

Et qui mieux que Berlin – ville par essence cosmopolite – et qu’Acid Cobra – label situé à Londres, tenu par un Français (Amaury Cambuzat, faut-il le rappeler) au catalogue majoritairement transalpin – pour accueillir pareille musique inclassable et envoûtante ? Un disque qui rappelle si besoin était, en huit titres fiévreux et passionnés, qu’il fait décidément bon ouvrir les frontières et que la richesse naît toujours de la diversité.


Vidéo de Red Carpet, premier titre de Moda Borderline.

La page myspace et le site officiel de The Somnambulist.

Chroniques - 24.12.2010 par leoluce
 


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