Le streaming du jour #1698 : Open Mike Eagle - ’Brick Body Kids Still Daydream’
Expérimentateur ludique, songwriter trublion, nerd du ghetto aux allures et aux flow débonnaires, Open Mike Eagle c’est un peu l’improbable chaînon manquant entre Jeremiah Jae et Busdriver, beatmaking psychotrope et truculence hip/pop mais à un tel degré de décontraction et de d’humilité que l’on n’avait jamais vraiment réalisé jusqu’à présent le génie qui couvait sous les mélodies et le groove colorés du bonhomme, en dépit de quelques fulgurances ici et là (citons l’irrésistible Protectors of the Heat sur son Hella Personal Film Festival de l’an passé en collaboration avec le producteur londonien Paul White, ou quelques morceaux du déjà bien fameux Dark Comedy).
La faute à l’absence de véritable grand album cohérent et maîtrisé de bout en bout ? C’est désormais chose faite avec Brick Body Kids Still Daydream, disque majeur tout en tonalités mineures où les HLM qui ont vu grandir le natif de Chicago (ces fameux "projects" comme on les appelle de l’autre côté de l’Atlantique) retrouvent visage humain sous la plume intello cool du Californien d’adoption, des trombines d’enfants aux yeux pleins de rêves et de geeks de l’alt-rap aux visions bien trop larges pour rester enfermées longtemps entre quatre murs de béton.
Des visages de gens droits dans leurs baskets, qui se moquent des étiquettes qu’on aimerait bien leur coller, des voisins de pallier - ou de quartier - auxquels on ne dira jamais quoi ressentir ou quoi penser, super-héros ordinaires du tubesque Brick Body Complex animé par un bestiaire qui brandit sa différence telle un étendard. En surplomb des beats trap dégraissés et des basses massives, la douce vélocité du flow smooth et les synthés pastel aux distos oniriques équilibrent les forces, une balance qui penche davantage sur l’ensemble du disque vers la bienveillance des syncopations éthérées ou jazzy, à l’image du tout aussi magique Daydreaming In The Projects, cuivres affables en avant sur le refrain, ou du merveilleusement réconfortant et cristallin 95 Radios, "entre P.M. Dawn et Sun Ra" ponctue l’intéressé.
Le cloud rap est passé par là (le cliquetant Hymnal), le compère Milo du Hellfyre Club également (Breezeway Ritual) ou encore le label Fake Four (TLDR (Smithing) et surtout Happy Wasteland Day) sur lequel l’athlétique rappeur binoclard de L.A. avait sorti 4NML HSPTL en 2012 entre deux collaborations avec Factor. Même les morceaux potentiellement "hymniques" (Legendary Iron Hood / (How Could Anybody) Feel At Home, entame d’album de haute volée) ou "déglingués" (le décalé No Selling (Uncle Butch Pretending It Dont Hurt) où il est question de la jouer cool et tromper la douleur) ne se départissent jamais d’un certain moelleux aérien. Autant dire que Michael Eagle n’avait jamais mieux mérité sa présence chez Mello Music Group, qui n’en finit plus de briller avec une disco impeccable dont Brick Body Kids Still Daydream, sur un versant du catalogue du label de Tucson plus singulier qu’à l’accoutumée, fait déjà figure de futur classique !
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