Jay-Jay Johanson - Festival Travelling, L’Etage (Rennes)

le 9/02/2025

Diaporama © Elnorton pour indierockmag.com

Jay-Jay Johanson - Festival Travelling, L’Etage (Rennes)

Quelle belle idée les organisateurs du festival de cinéma Travelling ont-ils eu en programmant un concert de Jay-Jay Johanson au milieu des 300 projections qui, pendant une semaine, ont fait le bonheur des cinéphiles rennais ! Il faut dire que la thématique de cette édition se centrait sur le cinéma suédois, et plus précisément la scène de Stockholm.

Lors d’un aparté au milieu de sa représentation, Jay-Jay Johanson indiquera qu’il ne comprenait guère pourquoi la culture suédoise était ainsi mise à l’honneur dans l’hexagone alors qu’à l’inverse, la France – il cite notamment Michel Legrand – l’a particulièrement inspiré dans son parcours musical. Mais ce seul concert suffit pourtant à lui donner tort et à justifier ce focus sur Stockholm.

En effet, dès le Finally introductif, le Suédois donne le ton de ce que sera ce concert, et qui peut être résumé en seulement deux adjectifs : simple et remarquable. De simplicité, il est nécessairement question lorsque le chanteur fait preuve de gratitude vis-à-vis d’un public qui, rappelle-t-il, le suit depuis « presque trente ans » et arbore un tel sourire. Pas besoin d’être spécialiste en micro-expressions pour établir un diagnostic : ces sourires sont l’authenticité même.

Complice avec ses deux musiciens – un claviériste à gauche de la scène et un batteur à l’autre extrémité – Jay-Jay Johanson n’hésite pas à les remercier ou échanger avec eux entre les morceaux, probablement pour modifier légèrement la setlist prévue qui, à deux exceptions près, ne correspond pas aux titres interprétés. Le tout avec simplicité, donc, et bonhommie. Même quand il demande à ajouter un petit peu de voix dans son retour de scène, il le fait avec une délicatesse rare.

C’est tout le paradoxe, et peut-être la magie, d’un concert de Jay-Jay Johanson. L’artiste longiligne dégage autant de fragilité(s) que d’aisance et de charisme. S’il n’a aucune difficulté à assumer ses sensibilités et à nous amener immédiatement dans son univers, c’est toujours avec pudeur et justesse. Concernant la setlist, après le titre introductif, le Suédois alterne entre classiques de la première heure (So Tell The Girls That I’m Back In Town, It Hurts Me So, Far Away, The Girl I Love Is Gone, Milan, Madrid, Chicago, Paris) et ceux qui le sont devenus ces dernières années (l’excellent Not Time Yet sur lequel les chœurs étaient peut-être un poil trop fort, Smoke et même un Seine magnifié en live).

Et puis, vient le moment de la surprise. L’artiste explique qu’un jour, en sortant du métro de Stockholm, il avait été inspiré par la simplicité du jeu de guitare d’un homme qui jouait « for cash » le Yesterday des Beatles. Jay-Jay a alors immédiatement eu l’idée d’une ritournelle, mais il est resté jusqu’au bout de l’interprétation, par politesse. Arrivé chez lui, il a composé Tomorrow, titre final d’un Antenna qui, pour ainsi dire, est le seul album raté de sa longue discographie. Mais tel un phare au milieu de la nuit, à la toute fin du disque, cette chanson vient apporter une lumière inattendue à un ensemble jouant avec les limites du bon goût.

Plus dépouillée, l’interprétation de Tomorrow est l’un des grands moments de ce show puis, poursuivant avec ce disque, le Suédois lance un « let’s dance » et entame un On The Radio débarrassé, de manière bienvenue, de ses atours discoïdes. Il existe deux Jay-Jay lors de ce show : celui, très concentré, qui happe l’assistance avec un chant hanté, et celui, jovial, qui se met en retrait lors des interludes et parties instrumentales, tapant dans ses mains, distribuant les sourires et gesticulant avec bonhommie sur scène.

Et puisqu’il s’agissait d’un festival de cinéma, il serait dommage de ne pas évoquer les visuels en arrière-plan, rappelant le cinéma en noir et blanc des sixties pour ses gros plans sur des visages expressifs et l’accumulation de paysages industriels. Avec, petite particularité, l’utilisation du mode reverse pour l’ensemble de ces visuels, ce qui pouvait – lorsque l’on osait détourner le regard de la scène – convoquer des scènes étranges d’immeubles se reconstruisant à la vitesse de l’éclair ou d’objets défiant les lois les plus élémentaires de l’attraction terrestre.

Le nouvel incontournable Heard Somebody Whistle plus tard, sur lequel le public accompagne d’ailleurs les sifflements entêtants de la mélodie principale, Jay-Jay Johanson se lance dans un rappel – sans même avoir véritablement quitté la scène – en entonnant un magnifique Whsipering Words a cappella, suivi de Believe In Us et I’m Oldier Now, deux classiques issus de Poison et Whiskey, dans une incroyable communion avec le public, le chanteur serrant avec ferveur les mains de nombreux spectateurs placés dans les premiers rangs.

S’il n’est pas rare d’être touché par un concert – fort heureusement, sinon pourquoi continuerions-nous l’exercice ? – il est en revanche moins usuel d’assister à un moment de beauté aussi évidente. Pour cela, merci au festival Travelling et, évidemment, à Jay-Jay Johanson, ses musiciens et son équipe technique pour ce show mémorable.


( Elnorton )

 


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