2020-2024 : une rétro alternative (par Rabbit)

Albums et EPs favoris, artistes et labels emblématiques par "genres", chansons m’ayant tout particulièrement accompagné... c’est l’heure de ma grande rétro de mi-décennie, et si l’ensemble des sorties plébiscitées ici (à l’exception de l’album de 10th Letter passé entre les mailles du filet à sa sortie) avaient déjà été chroniquées dans nos pages et par mes soins, j’espère que certains de ces choix vous surprendront et vous donneront envie d’aller découvrir ces musiciens aux univers singuliers, sous-exposés pour une grande majorité d’entre eux dans un contexte de défrichage réduit au service minimum et de complaisance de la presse musicale avec le mainstream, les recettes précuites et et les têtes de pont les plus racoleuses du music business.

Enfin, ça fait 20 ans ça dure, autant ne plus se faire d’illusions sur le sujet : jamais plus n’émergeront auprès d’une relativement "large" audience des artistes aussi créatifs et exigeants en leur temps que Coil, Massive Attack, Björk, Aphex Twin ou El-P alors même que leurs galaxies musicales respectives ne manquent pas d’inventeurs de formes passionnants, seul le metal parvenant encore, parfois, à concilier à son échelle succès public et véritable réussite artistique.


50 albums :


1. Prefuse 73 - The Failing Institute of Drums & Other Percussion (2021)

"La plus belle réussite de Scott Herren sous ce patronyme, en tout cas la plus enthousiasmante depuis les deux premiers albums du projet, Vocal Studies + Uprock Narratives et One Word Extinguisher. Le musicien s’y est en effet adjoint les services de deux batteurs et percussionnistes qui apportent à ses constructions rythmiques une sensation de liberté flirtant avec le jazz et l’improvisation, et surtout une qualité organique voire boisée épousant à merveille les textures ambient et les mélodies cristallines de ces vignettes électronica/hip-hop plus rêveuses et bucoliques que jamais. Pas un hasard s’il y est question à plusieurs reprises, et même par field recordings interposés, de s’échapper avec les oiseaux, un exercice auquel l’Américain se prêtait brillamment via l’ambient-folk impressionniste de son regretté projet Savath & Savalas, dont il parvient presque ici à égaler les sommets."


2. William Ryan Fritch - Polarity (2023)

"Une approche plus dynamique et dramaturgique laissant de l’espace aux arpeggiators de synthés (A World of Promise and Inaction), aux pulsations électroniques (Excavate, Fully Unrealized), aux glitchs rythmiques (A Fissure Too Wide) et autres percussions boisées (Storm, Swarms of Unfamiliar Swelter, Musk Ox) tout en demeurant très ambient et profondément organique, sous l’impulsion de ces nombreux instruments que le Californien manie avec une maîtrise impressionnante et fusionne avec ses épaisses nappes de textures, qu’il s’agisse de claviers ou de cordes frottées. Les flots de pures harmonies sont toujours là, sur des morceaux parfois même dénués de rythmiques qui magnifient encore l’ampleur atmosphérique de cet album évoquant la crise de l’eau à laquelle de plus en plus de régions du monde sont confrontées (Disunion, Blistering Wind), jusqu’à flirter avec un drone sombre et saturé sur le final Stem the Tide."


3. Melanie De Biasio - Il Viaggio (2023)

"Melanie De Biasio met les bouts pour de bon avec ce voyage hors-format de plus de 80 minutes qui n’aura malheureusement pas fait l’objet de la même aura critique que son prédécesseur Lilies, lequel limitait encore ses tendances immersives et hypnotiques à un "format chansons" de 3 à 6 minutes. Pourtant, imaginez le meilleur de Julee Cruise (Now Is Narrow), Dead Can Dance ou Anne Clarke (le spoken word du poignant We Never Kneel To Pray), mais aussi pourquoi pas d’un David Sylvian voire même de la géniale prêtresse ambient-jazz norvégienne Sidsel Endresen, autant d’artistes ayant contribué à ouvrir à la pop d’infinis horizons expérimentaux aux écrins éthérés, et vous aurez de quoi vous faire une petite idée de ce bien-nommé Il Viaggio dont la première face aux morceaux encore relativement concis suffit déjà à nous perdre dans un océan d’éternité."


4. Ari Balouzian - Ren Faire (2024)

"Le Californien Ari Balouzian (Gabriels) met en musique une étonnante série documentaire de la chaîne HBO qui s’attache aux luttes de pouvoir au sein d’une fête médiévale texane après la retraite de son fondateur. Qu’importe le sujet toutefois, du haut de ses 34 vignettes foisonnantes c’est bien la BO qui nous intéresse, absolue dinguerie aux télescopages inclassables, papillonnant entre jazz cinématographique, soundtrack percussif, élégies orchestrales, collages rétro, library music, chorales anachroniques, néoclassique jazzy à la Moondog, dream-pop (avec même un peu de chant féminin sur le vaporeux How Can I Keep from Singing par exemple), musique de chambre au piano et, forcément, musique baroque, au sens littéral (avec pas mal de clavecin notamment) mais pas seulement, une étrangeté palpable se dégageant d’une grande partie de ces morceaux dont l’atmosphère oscille entre tension hantée, féérie décalée et lyrisme ironique. Un inépuisable monument."


5. Giulio Aldinucci - Shards Of Distant Times (2020)

"L’Italien qui nous habitue désormais à une sortie ambitieuse chaque année atteint à nouveau des sommets sur ce deuxième opus pour le label allemand Karlrecords, après un Disappearing In A Mirror dont les élégies granuleuses avaient hanté longtemps. Tout en marées liturgiques et textures en déréliction, Shards of Distant Times en prend la suite directe et se révèle au fil des écoutes encore plus terrassant, les drones désagrégés venant bousculer le lyrisme des chœurs passés pour faire émerger des harmonies où majesté antique et futur relégué aux limbes de l’imagination trouvent un point de rencontre aussi étrange que poignant, au bord du gouffre de l’oubli."


6. Yma - Purger (2023)

"Ce tout nouveau projet solo d’Oli Barrett aka Petrels rend justice à la citation du compositeur Michael Tippett "I am sunk in a sort of joyful oblivion" qui accompagne la sortie autoproduite de ce premier album Purger, flirtant sans rougir avec l’ampleur et l’intensité des plus grandes réussites d’Aidan Baker ou du label Constellation. Yn Môr en ouverture déroule ainsi sur plus de 20 minutes une crescendo dronesque tout en harmonies de synthés dystopiques et en crépitements organiques, vortex d’intensité absolument terrassant tant sa progression imperceptible emporte tout dans son magma dense et magnétique. Pourtant, ce morceau ne sera finalement qu’une rampe de lancement pour la suite..."


7. Sightless Pit - Lockstep Bloodwar (2023)

"La surprise est de taille avec des beats plus syncopés lorgnant vers l’univers d’un Zonal (soit les ex Techno Animal Justin Broadrick et Kev Martin), un hip-hop indus aux saturations crépitantes sur lequel viennent donner de la voix la regrettée rappeuse Gangsta Boo (Calcified Glass, avec YoshimiO d’OOIOO à la batterie et au chant électroniquement modifié), une déroutante Lane Shi Otayonii (vocaliste du combo Elizabeth Colour Wheel entre punk, sludge et shoegaze) évoquant dans un registre inédit pour elle la Björk dHomogenic, l’excellent Frukwan de feu Stetsasonic et Gravediggaz sur un implosif et larsenisant Low Orbit, ou encore Crownovhornz mimant Kool Keith sur un Shiv belliqueux aux textures fissurées. Un nouveau chef-d’oeuvre radical et suintant l’hostilité, incarnation absolument parfaite de notre époque de constante anxiété, de menace larvée et d’instabilité."


8. Jacaszek - Music for Film (2020)

"Toujours aussi envoûtant, le Polonais - lequel semble avoir élu domicile chez Ghostly International, pour un regain d’exposition qui fait définitivement plaisir aux fans de la première heure que nous sommes - met désormais son art de l’épure au service du cinéma. Sur cet album fabriqué à partir de morceaux choisis, on retrouve la beauté mystérieuse et capiteuse de Treny, les mélodies plus saillantes de Glimmer, les brumes délicates de Kwiaty (le chant en moins), mais aussi quelque chose d’inédit, ces cordes qui parfois surgissent, à nu, pour nimber de leur lyrisme tout en retenue ces atmosphères de rêve éveillé dont les textures demeurent magnifiquement tâtonnantes, organiques, à l’image de cette intrigante pochette. Un bijou."


9. Dolphins of Venice - Mutuals (2022)

"Tim Koch, aventurier électro australien aux multiples alias et à l’univers fragmenté, est associé ici chez Mahorka à l’Américain Adrien Capozzi, des musiciens approchant mine de rien le demi-siècle de carrière à eux deux. Abstract-hip-hop élastique, downtempo onirique, glitch mélodique, sampling psyché, bande originale imaginaire, électro/ambient impressionniste à la Funki Porcini, IDM tribale, jazz synthétique, trip-hop extra-terrestre... difficile de caractériser en quelques mots cet irréductible second opus du duo, captivante réussite à la fois cinématographique et mentale qui cultive le contrepied rythmique avec un sens du groove jamais démenti en dépit de ses constantes et complexes mutations organiques, et use du sample non seulement comme d’un matériau de construction malléable à l’envi mais aussi et surtout comme d’un vecteur des paradoxes du subconscient, télescopant humeurs et sensations en un maelstrom métamorphe aux allures de montagnes russes. Une énorme claque !"


10. Colossloth - Promethean Meat (2022)

"Avec Promethean Meat, réussite absolue pour qui aime se mettre les oreilles en lambeaux, c’est la veine de terroriste sonore du musicien basé à Leicester qui l’emporte, mais dans un bel équilibre flirtant avec le dark ambient des débuts sans jamais prendre le pas sur la puissance d’évocation d’instrus absolument terrassants de noirceur magnétique. A la croisée du harsh futuriste des Slovènes d’Ontervjabbit avec ces synthés orchestrés qui envahissent l’espace, des déluges abstraits d’échardes digitales aux beaux restes industriels de Cindytalk période Mego, d’une ambient bruitiste de caveau des enfers et même d’un metal expérimental liquéfié qui reprend ses droits sur le déluge final Personality Debris où l’on sent poindre les blast beats sous la tempête de verre pilé, Wooly Woolaston ne nous épargne rien, pas même la satisfaction de le voir exceller là où le cousin ricain Crowhurst n’avait qu’à moitié réussi : passer avec le même brio d’un bout à l’autre du spectre des musiques extrêmes."


11. Christophe Bailleau - Shooting Stars Can Last (2022)

"Un disque de collaborations où chacun y va de sa petite pierre, guitare pour le compatriote aMute, arrangements électroniques pour A Limb et Jules Nerbard déjà croisés sur ce gargantuesque EP l’année précédente, voix pour Yuri Cardinal etc, afin d’échafauder le genre d’univers étendu que l’on aimerait être amené à explorer plus souvent dans nos contrées. De cet album-monde où ambient onirique et pop incantatoire, kosmische musik mutante et noise cinématographique font bon ménage, on voudrait citer chaque morceau : le bien-nommé Mère Nature et ses pulsations organiques, Juzz et son élégie aux synthés arpégés, Inia et ses rêveries tribales dignes des plus belles heures du pionnier Steve Roach, le post-industriel Fun in Zombieland au chant carnassier, un Floating Surprise dont l’hypnotisme irisé aux soudaines cavalcades de beats subaquatiques n’est pas sans rappeler Funki Porcini... mais on préfère vous laisser découvrir le reste sans spoiler, car Shooting Stars Can Last est un peu comme un film imaginaire qui déroulerait dans le creux de nos tympans son intrigue à la fois évidente et alambiquée."




12. Tenshun & Bonzo - Hypnagogic Drauma (2021)

"Déluges de drums triturés et distordus comme au temps des raves underground 90s ou du Richard D James de Come to Daddy, Hypnagogic voit Tenshun trouver l’équilibre parfait entre son passif harsh-noiseux aux effets psyché-saturés et son intérêt relativement récent pour un beatmaking épileptique et déstructuré, le tout en mode 100% névrotique et mâtiné de quelques samples inquiétants, histoire de faire le lien avec le cauchemar éveillé qui va suivre. Car Bonzo, fidèle à lui-même, continue de véhiculer sur Drauma son obsession cathartique pour un cinéma bis horrifique et flippant, ses drums downtempo lourds et menaçants vrillés de drones ténébreux sous-tendant une utilisation des samples comme matière première pour façonner des atmosphères hantées dont la tension va crescendo et nous happe pour ne plus nous lâcher."




13. Cloudwarmer - The Covidians Sharpen Their Teeth (2021)

"Taclant avec décontraction l’anxiété générée par la pandémie et ses conséquences conspirationnistes symbolisées par les monologues samplés du tristement célèbre leader de secte Marshall Applewhite, The Covidians Sharpen Their Teeth est probablement la plus belle réussite de l’ex The Fucked Up Beat sous l’identité Cloudwarmer. Eddie Palmer y insuffle une légèreté nouvelle par l’intermédiaire de samples et arrangements influencés par les musiques africaines et asiatiques, mais aussi par le biais de sonorités et de rythmiques plus ouvertement hip-hop voire de réminiscences électro plus frontales. La dimension cinématographique demeure toutefois bien présente et les compos plus virtuoses que jamais avec toujours beaucoup de piano, de beats syncopés, de basses rondes au groove saillant et d’atmosphères surannées faites de choeurs baroques et de sampling anachronique."




14. Nine Inch Nails - Ghosts VI : Locusts (2020)

"Aussi réussi soit Ghost V : Together, Locust s’avère d’un tout autre acabit, comme inspiré par l’état du monde actuel avec ses dissonances angoissantes, ses drones caverneux et ses pianotages insidieux en mineur qui foutent les jetons. Un album plus long, qui renoue avec les crescendos dramatiques des BOs pour David Fincher mais avec plus de métissage et de bruit, des cavalcades tribal-indus et incursions free jazz du bien-nommé Run Like Hell aux cauchemars dronesques de la pièce-maîtresse Turn This Off Please en passant par le piano désarticulé du flippant When It Happens (Don’t Mind Me) ou le minimalisme électro fantasmagorique à la Coil de Your New Normal. Une raison, la seule peut-être, de remercier la pandémie puisque c’est par solidarité avec ses fans que NIN a décidé de lâcher gratuitement ces plus de 2h30 de musique."




15. Laura Marling - Patterns in Repeat (2024)

"La magnificence de Patterns in Repeat, à la mesure de ses thématiques de maternité, d’extraordinaire dans ce qu’il y a pourtant de plus naturel - enfanter, voir son bébé grandir et perpétuer un cycle de vie aussi fragile qu’immuable - tient dans son évidence et son apparente simplicité, paradoxalement doublée d’une ambition inédite chez la Britannique en termes de narration musicale. Au crescendo de textures rêveuses, d’échos et de cordes savamment dosées de Patterns et aux choeurs séraphiques de Your Girl répond ainsi un peu plus loin le sommet désespéré du disque, The Shadows, qui en croise les éléments pour mieux les retourner, de l’espoir au spleen affligé. Quant au capiteux Caroline - très Bert Jansch meets Dylan sous les auspices de Nick Drake aux arrangements -, ses élans ne font que mieux ressortir l’introspection délicatement orchestrée du très beau Looking Back qui lui fait suite puis le repli encore plus intimiste d’un Lullaby bucolique, dont la reprise instrumentale permettra paradoxalement d’ouvrir l’album à une forme d’infini dans sa circularité même, parfaite incarnation de cet éternel recommencement des choses à l’échelle du monde menant à autant de petits bonheurs uniques à notre humble degré... un merveilleux vertige sans avoir l’air d’y toucher."




16. Nadja - Labyrinthine (2022)

"Si ce Labyrinthine, par le biais des beuglantes malsaines de ses guests masculins Alan Dubin (Gnaw, Khanate) et Dylan Walker (Full of Hell) sur le morceau-titre et le final Necroausterity, renoue avec les influences "metal" plus marquées des débuts d’Aidan Baker et de Leah Buckareff (qui s’en sont depuis souvent éloignés, que ce soit en duo ou en solo pour le premier), les choses sont évidemment loin d’être aussi binaires puisque qu’entre-temps, ce sont Rachel Davies (Esben & The Witch) et Lane Shi Otayonii (Elizabeth Colour Wheel) qui viennent traîner leurs timbres tout aussi tourmentés mais autrement plus mélodiques sur le contrasté Rue au final écrasant et l’ultra-saturé Blurred aux guitares abrasives et liquéfiées, deux morceaux tutoyant eux aussi le hors-format (30 minutes à eux deux) qui évoquent davantage, s’il devait y avoir une comparaison capable de rendre justice à ce disque d’une intensité ahurissante, les élégies crépusculaires et mélangeuses de Wrekmeister Harmonies, autre projet entre deux chaises pour lequel le doom n’est qu’une influence parmi d’autres."




17. Grosso Gadgetto - Violenza (2023)

"On retrouve sur ce nouvel opus de longs morceaux caverneux et saturés aux lentes progressions irradiées d’où s’extirpent guitares aux méditations crépusculaires (I), synthés dystopiques et tourbillons de bruit statique (II), d’autres dont la dimension cinématographique se fait encore plus prégnante par le biais de field recordings grouillants et d’harmonies inquiétantes (III) ou d’une poignée de percussions à la fois indus et mystiques qui en démultiplient la tension (V), d’autres enfin particulièrement opaques et abrasifs où les chapes de textures d’une densité terrassante en deviennent proprement asphyxiantes (IV). Chez Grosso Gadgetto, la violence est larvée, elle s’insinue patiemment dans nos tympans jusqu’au cortex pour y réveiller nos peurs primales et autres instincts reptiliens, nous renvoyant le miroir déformé de nos pulsions inavouées. Une plongée dans les tréfonds de la psyché dont vous ne ressortirez pas indemne !"




18. WEEKS - WXY (2023) / Kingbastard - The Research Circle (2023)

"Pour cette nouvelle sortie que nous sommes fiers de diffuser en exclusivité, Chris Weeks (Kingbastard) endosse encore une nouvelle identité. Avec ses imposantes nappes de hiss, de textures mouvantes et de bruit statique, ses synthés brumeux, ses drums syncopés et autres rythmiques glitchées, WXY sonne particulièrement spontané, un trait dominant de sa musique ces dernières années. L’album paraît organique et pourtant abstrait, aussi massif que délicat, ample et intime à la fois. Ludique aussi par moments, mais toujours empli d’anxiété et d’instabilité... autant de paradoxes et d’apparentes contradictions qui en font une sortie captivante et un chef-d’oeuvre de plus à mettre au crédit du musicien anglais. Et puisqu’il n’y a jamais trop d’occasions de mettre en avant ses expérimentations groovesques et texturées, on en remet une couche avec The Research Circle, où le démantèlement d’un vieux piano disséqué pour la beauté de l’art afin qu’il ne soit pas mort en vain donne matière à des trésors d’inventivité, entre rythmiques bitcrushées à danser sur la tête, électroacoustique baroque et fantasmagorique, futurisme ludique et distordu ou encore cavalcades IDM dignes d’Autechre et Tortoise réunis (le sommet Bed of Nails)."




19. David Shea - The Ship (2024)

"Le vétéran ricain des musiques expérimentales, Australien d’adoption qui a depuis élu domicile chez Room40, nous avait laissés sur le très bon The Thousand Buddha Caves en 2021 et son ambient mystique et percussive inspirée par le bouddhisme. 3 ans plus tard, hormis pour sa cover bleutée, les incantations psyché du bien-nommé The Sirens ou les field recordings de chapelle caverneuse de The Waterwheel Mind, The Ship ne saurait être plus différent : né de la BO d’un jeu de réalité virtuelle prenant place sur un bateau à la destination mystérieuse et sur lequel le joueur ne connaît pas la raison de sa présence, l’album est largement investi par le piano, et si la dimension fantasmagorique est toujours présente, tirant aussi bien sur le jazz que sur le dark ambient et la harpe d’une Zeena Parkins sur Light And Dark par exemple, c’est la mélancolie néo-classique qui frappe avant tout par sa grâce intemporelle, quelque part entre Satie et Sakamoto lorsque l’instrument est dans son plus simple appareil (A Ship Alone, The Waves) ou plus proche d’un Ian Hawgood dans ses incursions ambient scintillantes et texturées."




20. Oranssi Pazuzu - Mestarin Kynsi (2020)

"Le quintette finlandais est au sommet de sa créativité et de son intensité sur ce 5e opus colossal. Épique et malaisant, l’album passe de crescendos tempétueux en rituels occultes aux orchestrations déglinguées, d’errances ténébreuses en saillies hardcore aux claviers irradiés et aux drones de guitare abrasifs et lancinants, d’un post-metal massif rythmé par des arpeggiators kosmische à un space rock mythologique du côté obscur, et impressionne par sa production incroyablement lisible pour un univers dont la densité instrumentale n’a d’égale que le métissage, effluves ethniques et digressions psychédéliques nourrissant plus que jamais le post-black metal métamorphe et lourd comme une chape de plomb d’un groupe dont les élans cinématographiques bourdonnants et fiévreux doivent finalement tout autant au post-rock, voire au shoegaze qu’aux musiques extrêmes de tous horizons."




21. Francesco Giannico - L’immagine di me, lontano (2023)

"Plus que jamais à part dans le paysage ambient, l’auteur du merveilleux Destroyed by Madness mêle sampling fantasmagorique, instrumentation électroacoustique et manipulations électroniques en un maelstrom fragmenté de souvenirs et d’impressions, entre introspection et souffle cinématographique. Clair-obscur et d’abord parcouru d’une tension née ici des arpeggiators (Cambiare ancora, Anxiety), ou là de bourdonnements de textures quasi sismiques (In partenza, Un velo sui tuoi occhi), L’immagine di me, lontano évolue peu à peu vers la méditation élégiaque. Toutefois, les sombres recoins de l’imaginaire ne sont jamais bien loin (cf. Le cose che ti hanno sorretto et ses fourmillements entêtants sur fond de synthés affligés), et chaque moment d’apaisement n’en apparaît que plus précieux, à l’image de cette improbable techno-jazz sur la 2e moitié de Fremito et du final Dall’interno dont l’ambient épurée aux pulsations discrètes retrouve enfin le chemin des cieux."




22. Luke Howard - Interlinked (2024)

"Extraordinaire enregistrement symphonique destiné à un ballet contemporain du chorégraphe brésilien Juliano Nunes, Interlinked fait toujours la part belle au piano, notamment en ouverture sur le sensible et douloureux Conception, mais c’est surtout ici la suite éponyme en 5 mouvements qui ne laisse aucun répit à nos petits coeurs fragiles : cordes, cuivres et vents s’y entremêlent en crescendos foudroyants de lyrisme tragique, voire, sur Interlinked – III. Communication, de pure puissance dramatique de film imaginaire, avant que l’album ne déroule sur la harpe cristalline et les choeurs sacrés d’un Solidarity tout en spleen céleste, comme pour nous aider à nous remettre du choc. Si l’on pense encore une fois à Max Richter, que son homologue australien est en train de laisser loin derrière, c’est donc à celui des plus grandes heures, de On the Nature of Daylight au score de la série The Leftovers, c’est dire l’intensité et le sentiment d’éternité qui se dégagent de concert de cette oeuvre terrassante d’émotion sans pour autant chercher à l’être."




23. C. Reider & Christophe Petchanatz - Ghost Factory (2021)

"On retrouve ici Christophe Petchanatz aka Klimperei sous la facette de l’expérimentation ambient hypnotique et inquiétante. En compagnie de C. Reider, le Lyonnais anime sur Ghost Factory une poignée d’ectoplasmes des plus fascinants, faits d’instruments bitcrushés et de phasers mouvants (deux qualificatifs qui siéraient d’ailleurs tout à fait à la pochette du disque), de beats sourds et de drones organiques, de pads cristallins et de field recordings manipulés, ballet de fréquences intrigantes voire anxiogènes mais jamais pesantes qui culmine sur le magnétique Apocalypse Of Absence."




24. Babelfishh - Coma Worthy (2021)

"Rescapé de la grande période du label anglais Decorative Stamp de James P. Honey et Jamesreindeer, c’est un petit évènement que de retrouver le Washingtonien Scott Huber, après quelques années aux sorties plus espacées, avec un chef-d’œuvre absolu de rap lo-fi sans concession dopé à la noise, à l’indus et aux productions de Sixtoo et d’Odd Nosdam chez Anticon il y a 15 ou 20 ans mais également au punk hardcore (Hollow Badges) ou même au black metal pure souche (Sangre Negra) et tout ce que la musique bruitiste peut mêler d’urgent, de névrotique et de décharné, à faire passer Dälek pour un descendant du daisy age."




25. 10th Letter - Spaces Between Light & Time (2023)

Jazzman dans l’âme au point de tourner avec un véritable petit ensemble d’instrumentistes et de sortir un coup sur deux des disques jazz de beatmaker aux cuivres omniprésents marqués par l’univers mystique et psyché de Pharoah Sanders ou Sun Ra (une veine qui culminait en 2017 sur le fabuleux Prism Scale), l’Américain Jeremi Johnson aka 10th Letter brille tout autant dans le hip-hop instru rétrofuturiste et glitch/syncopé façon Brainfeeder de la grande époque, cf. les sommets Reloaded et Ultra Violence inspirés par le cyberpunk et le jeu vidéo vintage qui lui ont valu dans nos pages des comparaisons avec Thavius Beck et Flying Lotus. Bizarrement passé sous nos radars à sa sortie, Spaces Between Light & Time est du même acabit, en plus smooth peut-être, plus jazzy par moments, en apparence plus léger mais excellant dans la déconstruction rythmique discrète jusqu’à lorgner ici et là sur la drum’n’bass, le 2-step ou les musiques tribales, le hip-hop restant par ailleurs une influence prépondérante comme en témoigne la participation sur un titre du voisin d’Atlanta Day Tripper, rappeur des excellents The Difference Machine.




26. Knoll - As Spoken (2024)

"Ce genre de Béhémoth metal terrassant de jusqu’auboutisme et de brutalité, on arrive en général à vous en dégotter un ou deux par année. Déjà bon client en la matière en 2022 avec Metempiric, 2e opus autodistribué du quintette basé dans le Tennessee dont le grind blackisé tout en cavalcades belliqueuses et en breaks vicieux ménageait quelques "accalmies" dark ambient aux fumerolles anxiogènes, Knoll monte encore d’un cran dans la violence dégénérée et la densité étouffante avec As Spoken, dont les morceaux plus longs gagnent autant en consistance qu’en malaise en ralentissant légèrement la cadence (cf. Offering). Moins véloce donc, mais probablement encore plus chaotique (Revile of Light ou Mereward), ce 3e long format en 3 ans s’éloigne du grind en dépit de beaux restes (l’expéditif Fettered Oath) pour trouver un équilibre idéal entre death et black metal (As Spoken, Unto Viewing, Portrait), mâtinés de sludge (Wept Fountain, Shall It Be)."




27. Masayoshi Fujita - Bird Ambience (2021)

"Impressionné comme jamais par ce nouvel opus du Japonais, on en vient à se demander ce qui a vraiment changé, au fond, sur Bird Ambience. Serait-ce donc un surcroît d’ambition narrative dans les constructions de ces 12 titres qui donne à cet album un aspect plus labyrinthique ? Davantage de retenue dans le lyrisme par la disparition soudaine de ces cordes cinématographiques qui venaient parfois étoffer les harmonies du vibraphone, comme toujours central dans l’œuvre du musicien ? Un regain d’expérimentation qui s’insinue discrètement dans des compositions pourtant encore plus sereines qu’à l’accoutumée ? A moins qu’il ne s’agisse de cette sensation d’entendre les percussions se fondre peu à peu dans les nappes de synthés éthérées pour laisser place sur certains morceaux tels que Nord Ambient ou Fabric à de véritables méditations célestes d’une grâce invraisemblable ?"




28. Gimu - The Realm of Higher Things (2020)

"Qu’écrire encore sur Gimu, génie de l’ombre du drone ambient qu’on suit et qu’on chronique depuis plus d’une décennie, façonneur d’atmosphères anxiogènes et d’allégories cathartiques du mal-être qui parvient avec les moyens du bord à donner corps à ce genre d’astres noirs aux abîmes de textures vertigineux, agrémentés ici et là de beats minimalistes comme sur Midnight Masses ou sur le presque industriel If Tomorrow Finds Me Alive, mais où le plus souvent les ouragans de saturations, harmonies d’anti-matière et drones carnassiers suffisent à évoquer les affres de la dépression et de la morbidité. The Realm of Higher Things est à ce titre, avec ses entrelacs de murmures inquiétants, de chœurs voraces et de voix intérieures (cf. Suspended Animation), l’un des albums les plus "doomesques" du Brésilien, un disque étouffant (Ageing Aches) qui larsène dans le néant cosmique (Spanning the Chasm) ou relaie l’écho de quelque mécanique infernale qui semble présider à nos existences tourmentées."




29. The Innocence Mission - See You Tomorrow (2020)

"Alors que l’on ne se remet toujours pas 13 ans après du parfait We Walked In Song, Karen et Don Peris continuent de tracer leur bonhomme de chemin à coups de recueils de pop songs acoustiques à la mélancolie paradoxalement réconfortante, le filet de voix hors de portée du temps qui passe de la chanteuse et pianiste pennsylvanienne y étant assurément pour beaucoup. Introspectif à souhait et délicatement arrangé, See You Tomorrow brille tout particulièrement par le spleen 70s du morceau d’ouverture The Brothers Williams Said digne de Sandy Denny, le charme suranné du lo-fi On Your Side ou le romantisme solaire du final I Would Be There, et laisse plus d’espace au piano avec des ballades chamber pop crève-cœur telles que Movie ou John As Well, Don donnant quant à lui de la voix, tout aussi juvénile pour un quinquagénaire aux plus de 30 années de carrière, sur le duo Mary Margaret in Mid-Air ou en backing de la sérénade luxuriante et plus enlevée Stars That Fall Away from Us."




30. Matmos - Regards​/​Ukłony dla Bogusław Schaeffer (2022)

"Le duo de chirurgiens californiens fête le quart de siècle de carrière discographique avec cet hommage à un certain Bogusław Schaeffer, musicien considéré comme un précurseur de la musique microtonale. Entre ça, les titres de morceaux imprononçables à moins de parler couramment le Polonais et la pochette faisant penser au croisement contre nature d’un artwork de Klaus Schultze et de l’esthétique INA GRM des 70s, il y aurait de quoi prendre ses jambes à son cou... et pourtant ! Si l’univers de Martin Schmidt et Drew Daniel apparaît toujours aussi intrigant, atonal et fourre-tout, Regards​/​Ukłony dla Bogusław Schaeffer s’avère étonnamment plus accessible et surtout beaucoup plus prenant que certaines de leurs dernières sorties, charriant une sorte de lyrisme anxieux et presque cinématographique qui s’insinue dans les synapses pour stimuler le subconscient autant que l’imagination, au gré de ses instrus insaisissables partagés entre groove de chambre séquencé au scalpel à partir de glitchs électroniques, de samples vocaux, d’arpeggiators de synthés et de micro sonorités acoustiques, impros d’orchestres mentaux déglingués et collages ambient flirtant avec la musique contemporaine."




31. Frank Riggio - DRI (2024)

"Dans la lignée des deux opus précédents (cf. #36 ici), ou suivants donc une fois remis dans l’ordre, les harmonies de nappes synthétiques massives et lyriques se taillent la part du lion sur DRI, via des compos plutôt downtempo alternant instrus mélodiques (stone conception) ou tendus et menaçants (triple slit experiment, mechanics), chansons hypnotiques aux litanies minimalistes à la Silver Apples (quantique somme) et morceaux plus épurés à la lisière de l’ambient quoique toujours profondément cinématographiques, qu’ils soient chantés (human construct) ou non (orgold). Souvent, Frank Riggio utilise et mixe sa voix d’une manière plus discrète ici que sur GY (gosdam), moins des mélopées à proprement parler qu’une texture parmi d’autres dans ce grand maelstrom stellaire dynamique et dense aux mutations déstructurées et distordues (in dark matter)."




32. rand - Peripherie (2022)

"Révélés par une paire d’EPs remarquables (le premier ici, le second ), les Berlinois Frank Bogdanowitz (musicien électronique sous le pseudo Dr.Nojoke) et Jan Gerdes (pianiste de formation classique) ont pris leur temps pour parfaire ce premier long-format évoquant toujours l’épure de la paire Sakamoto/Alva Noto, les rythmiques faites de glitchs hypnotiques et rehaussées de blips impressionnistes aidant dès l’introductif Hoola. Avec Peripherie toutefois, on est plus souvent du côté obscur de l’électronique post-classique, avec des crescendos pulsés terrassants de tension (Drangsal), des méditations troublantes aux drones entêtants (Siegfried 2.0) voire caverneux (Blood Moon), une kosmische musik claustrophobe (San Gimignano) et autres rouleaux-compresseurs paradoxalement délicats devant autant au classical ambient qu’à la techno minimale d’outre-Rhin (Future is Certain). Quant au touché de Gerdes, il continue de flirter avec le jazz, louvoyant par exemple du côté de certains projets de John Zorn sur le superbe Permanent Green."




33. Red Snapper - Everybody Is Somebody (2022)

"Pionniers chez Warp au milieu des 90s du genre de fusions entre musiques issues du jazz, de l’electronica et du hip-hop que l’on regroupe faute de mieux sous l’étiquette "bass music", les Anglais Red Snapper emmenés par le contrebassiste et producteur Ali Friend font preuve d’une belle longévité et surtout d’un parcours quasi sans faute. Aussi fureteur et évident que Key, Everybody Is Somebody louvoie entre trip-hop spleenétique aux arrangements acoustiques enivrants, funk rétro-futuriste, jazz ethnique dont la tension convoque celle des géants Heliocentrics, électro ou encore spoken word (un certain Natty Wylah s’y colle avec une désarmante mélancolie sur The Warp and The Weft et Albert’s Day Off), et ménage quelques incursions insidieuses en dépit d’une tonalité générale beaucoup plus lumineuse qu’à l’accoutumée. Une réussite "ligne claire" dont la richesse et les subtilités se révèlent au gré des écoutes, au point d’en faire l’un des derniers classiques d’un genre quelque peu délaissé depuis le déclin d’un label tel que Ninja Tune."




34. The Smile - A Light For Attracting Attention (2022)

"Il aura fallu à Radiohead un changement de paradigme pour finalement retrouver le chemin d’une inspiration débridée et d’un plaisir communicatif de jouer. Radiohead, oui vous avez bien lu, car quoi qu’on en dise Thom Yorke et Jonny Greenwood, auxquels on peut ajouter le fidèle producteur Nigel Godrich, demeurent le centre de gravitation créatif du collectif, et parce qu’ici, la présence de Tom Skinner aux fûts n’a pas vraiment changé la donne, l’influence supposée de son groupe afro-jazz Sons of Kemet se faisant finalement plus que discrète. Et pourtant le changement de line-up a probablement été salvateur à plus d’un titre pour donner naissance à ce petit cousin de A Hail to the Thief et dans une moindre mesure du Amok d’Atoms for Peace (un autre "presque Radiohead" inspiré), capable de la même manière de sauter d’une complainte électro hantée (The Same) à un hymne punk dense et fiévreux aux cuivres dissonants (You Will Never Work in Television Again), d’un beau reste de The King of Limbs au piano majestueux (Pana-vision), à un rock triste rehaussé d’arrangements impressionnistes (Speech Bubbles) puis à une kosmische-pop rêveuse et capiteuse (Open the Floodgates), ou encore d’une cavalcade schizophrène et finement orchestrée (A Hairdryer) à la fausse sérénité ascensionnelle d’un final merveilleux d’épure et de mélancolie (Skrting on the Surface)."




35. Dimitar Bodurov & Ivan Shopov - Coalescence (2020)

"On connaissait surtout Ivan Shopov pour le dubstep et l’IDM aventureux de son projet Balkansky. Pour autant, le Bulgare a toujours eu plus d’une corde à son arc et ce bijou de piano ambient, interprété avec la liberté inhérente à son background jazz et l’influence atonale du classique contemporain par un certain Dimitar Bodurov dans un no man’s land de blips et autres grouillements électroniques anxiogènes, n’a sûrement surpris qu’à moitié les aficionados de l’auteur de The Temple. La production de Shopov y est particulièrement spartiate, mettant en valeur chaque note, chaque écho dans un vide qui prend de plus en plus le pas sur l’instrument d’un titre à l’autre pour en terminer sur l’inquiétant tapis d’antimatière du bien-nommé Event Horizon."




36. Watine - Intrications Quantiques (2020)

"La Parisienne s’avère être de ces musiciennes capables d’inventer et d’explorer un univers entier à chaque album, et celui qui nous occupe ici, avec la gravité de son piano néo-classique (Blurred Shapes, qui secoue l’auditeur à mi-parcours avec un micro-break électronique martial sorti de nulle part), ses mélodies profondément troublantes et spleenétiques (The Lighthouse on the Edge), ses surgissements orchestraux dignes de Philip Glass (Rustling Forest) et ses galaxies intérieures qui semblent naître et s’éteindre le temps d’un morceau dans le background d’atmosphères discrètement tourmentées (Still Waters Run Deep), avait tout pour marquer mon année. Album hanté par l’absence mais album de tous les possibles, qui s’ouvre sur un linceul de tragédie et d’anxiété (Eros & Thanatos) et termine sa course en décollant pour un ailleurs que l’on espère plus clément pour son auteure (le bien-nommé Interstellar Un-Ravel), Intrications Quantiques est en tout cas un autre de ces disques-mondes dont je me réjouis de n’avoir pas su faire le tour trop vite."




37. Vladislav Delay - Rakka II (2021)

"Suite des pérégrinations de Vladislav Delay dans la tounrdra arctique du nord de la Finlande qui avaient donné naissance aux drones pulsatoires urgents et inhospitaliers de Rakka premier du nom, cet opus de l’expérimentateur scandinave flirte toujours avec la musique industrielle et l’épilepsie texturée mais également avec une sorte de techno bruitiste et tachycardique (Ranno), se pare dans son enchevêtrement en flux tendu d’éléments rêches et abstraits d’une aura maximaliste encore plus grandiose par moments (Rakkn), et ménage lui aussi entre deux roulements de percussions sourdes et de basses sismiques son accalmie bienvenue, avec Rakas et son ambient de fonte des glaces."




38. The Necks - Travel (2023)

"Les Australiens emmenés par le pianiste Chris Abrahams explorent à nouveau un "post-jazz" hypnotique et métamorphe, sur un format similaire à celui dUnfold en 2017 ou de Three 3 ans plus tard. C’est toutefois à mi-chemin des deux opus sus-mentionnés, plus ouvertement (free) jazz, et de la mouvance plus sombre et tendue, entre krautrock, darkjazz et soundtrack imaginaire, d’un Vertigo ou d’un Body que Travel déroule ses deux premiers instrumentaux magnétiques, grands flux ininterrompus où la section rythmique du batteur Tony Buck et de Lloyd Swanton à la contrebasse joue d’une répétition subtilement évolutive tandis que le piano tisse des motifs à la fois mélodiques et libertaires, amenant l’auditeur à une forme de transe presque mystique comment souvent avec la musique de ces improvisateurs d’exception."




39. [TH.A] - The Ephemeral Armour (2021)

"Présenté comme le jumeau cinématographique de Scorched Earth Policy Lab, [TH.A] est le dernier-né de Thierry Arnal (Amantra, fragment., Hast...), et distille un dark ambient moins abrasif, plus accessible qui ne s’avère pas pour autant moins captivant ou moins tendu. On y retrouve en effet le genre d’atmosphères hantées où pianotages sépulcraux, chœurs éthérés et vibratos de cordes menaçants viennent donner de l’ampleur aux drones caverneux, sans pour autant saturer le parfait sens de l’épure du Lyonnais, au point que l’on en vient à l’écoute de The Ephemeral Armour à se remémorer les chefs-d’œuvre baroques du Belge Kreng au tournant des années 2010."




40. Vitor Joaquim - The Construction of Time (2020)

"Depuis la sortie de l’album du même nom, on sait que l’impermanence, la relativité des perceptions et la fugacité des sentiments figurent parmi les grands thèmes récurrents de l’œuvre de Vitor Joaquim avec ses marées de textures impressionnistes aux surgissements mélodiques savamment triturés. Après le superbe Nothingness qui en travaillait l’aspect fataliste par le biais d’un minimalisme sépulcral à la tension magnétique, The Construction of Time s’attache au rôle de notre perception toute personnelle du temps et à son lien avec nos émotions. On peut ainsi dire à ce titre que même avec des morceaux-fleuves tels que le bien-nommé No End de plus de 22 minutes, le temps passe vite comme dans tout moment de grande appréciation à l’écoute de ce nouvel opus passionnant, qui laisse une place centrale à la trompette de João Silva, discrètement manipulée sur fond de micro-textures électroniques évanescentes, radiantes et craquelantes, d’affleurements glitch noisy et de samples radiophoniques des conflits irakiens comme érodés par le passage du temps."




41. Esmerine - Everything Was Forever Until It Was No More (2022)

"Après presque 20 ans maintenant d’une discographie en tous points idéale, le groupe du percussionniste Bruce Cawdron (GY !BE) et de la violoncelliste Beckie Foon (A Silver Mt. Zion, Hrsta, Land Of Kush) n’a aujourd’hui plus aucun concurrent sérieux pour challenger son titre de fleuron du label Constellation. Après les élégies orchestrales aux effluves ethniques de Dalmak, la chamber-folk polyrythmique et libertaire de La Lechuza, le post-rock de chambre nomade à la fois puissant et délicat de Lost Voices ou encore le sommet Mechanics Of Dominion qui synthétisait en 2017 le meilleur de tout ça, Everything Was Forever Until It Was No More n’en finit plus d’impressionner par la subtilité avec laquelle il distille une nouvelle fois les multiples influences du groupe. Toujours au service de ces doux élans à la ferveur irrésistible mais jamais dégoulinante qu’on lui connaît, les arrangements se font ici particulièrement atmosphériques et épurés, au gré de morceaux flirtant plus que jamais, surtout en fin de disque, avec le classical ambient."




42. The Body - I’ve Seen All I Need To See (2021)

"Jamais tout à fait là où on les attend mais surtout jamais décevants, Lee Buford et Chip King retrouvent leurs penchants névrotiques sur cet immense I’ve Seen All I Need To See dont les tempêtes noise plus saturées que jamais apparaissant toujours habitées par les hurlements stridents de ce dernier mais aussi, sur Tied Up and Locked In, par le grunt rageur d’une Chrissy Wolpert que l’on était plutôt habitué, depuis le séminal Christs, Redeemers, à entendre chanter telle une Joan Baez torturée sur les incursions les plus éthérées du groupe. Ici toutefois, même si cette dernière se permet quelques pianotages presque cabaret sur The City Is Shelled, on est dans le séisme permanent et c’est à une impitoyable déferlante d’échardes électriques que nous exposent les Portlandiens, au gré de l’assaut des cymbales et des fûts voire des pulsations post-industrielles sur l’hypertendu The Handle/The Blade."




43. Massaith - 4 · My Inner Demons Speaks · Chapter One (2021)

"Usant essentiellement de samples dérangeants et de distorsions déstabilisantes (Bitter), de synthés anxiogènes et d’éclats de beats post-industriels tombant de nulle part comme une pluie de shrapnel (Distress), de glitchs rythmiques (Groan) et de drones en déréliction (Glumness), Anatoly Grinberg évacue ses névroses à grand renfort de fréquences caverneuses et de grouillements atonals, mais sous forme d’assauts subsoniques sur notre subconscient, autant dire loin des standards "progressifs" et souvent pénibles d’un dark ambient moribond. On est en effet plus proche ici d’une rencontre fantasmée entre la violence savamment sculptée d’Ant-Zen (qui héberge ce nouvel album), les abîmes dépressifs et morbides de The Third Eye Foundation et les psychoses abstract/gothiques de Cindytalk ou Coil, croisement au sommet donc qui culmine sur l’hypnotique et proprement infernal Repentant, dans le même temps strident et sépulcral jusqu’au malaise, entre rythmiques faites de bric et de broc, grondements d’outre-tombe et gémissements numériques."




44. Ekca Liena - Skyward Vernacular (2021)

"Passant après deux immenses chefs-d’oeuvre (Gravity and Grace en 2018 et surtout Half Death avec Richard A Ingram l’année suivante), Skyward Vernacular ne démérite en rien, oscillant entre onirisme ambient (Skyward), requiems stellaires (Night Art), drone cosmogonique aux réminiscences krautrock (World Pivot), élégies célestes (Look Your Last) et mysticisme fantasmatique à la Plurals (Always Returns), trio emmené par Daniel WJ Mackenzie qui se cache derrière ce pseudo d’Ekca Liena, le tout avec un sens toujours aussi aigu de la narration instrumentale. Un nouveau sommet aux compositions bigger than life qui culmine notamment sur l’imposant Through Decades et les presque 17 minutes d’un morceau-titre impressionniste et majestueux qui s’élève doucement vers les astres."




45. Shida Shahabi - Living Circle (2023)

"D’épaisses élégies magnétiques d’où le piano cher à la Suédoise d’origine iranienne a presque disparu, faisant la part belle aux lignes langoureuses et impressionnistes de contrebasse et de violoncelle nouées en harmonies parfois sismiques et saturées (Deep Violet Of Gold), non sans atomes crochus avec les morceaux les plus amples et monolithiques du superbe Music for Film and Theatre d’Hania Rani. Lorsque les accords de son instrument de prédilection réapparaissent, comme sur les magnifiques Living Circle et Aestus aux choeurs féminins irréels à mi-chemin de la musique sacrée et du soundtrack dark ambient malaisant, il se contente de donner le tempo et le ton, presque éteint, ne retrouvant un peu de son éclat que sur l’éthéré Remain sans pour autant reprendre l’ascendant sur les textures stratosphériques et enivrantes des nappes ambient et des instruments à cordes frottées."




46. Tom Caruana - Strange Planet (2022)

"C’est à Edan et à son indépassable Beauty and the Beat qu’on a envie, toutes proportions gardées bien sûr, de comparer le Britannique dont les instrus télescopent collages baroques, vibe jazzy (Lost My Way), percussions orientales (Stranded), tension cinématographique des samples de soundtracks vintage (Sandbag Veteran), scratches épiques (Pig Meat) et psychédélisme porté sur le delay et sur les synthés rétro-futuristes. Un univers singulier qu’il étire sur pas moins de 23 titres émaillés par les interventions d’une armada de rappeurs inspirés, avec quelques temps faibles, forcément, mais surtout beaucoup de réussites, des plus smooth (Never Be Kings avec sa mélodie du thème de Rosemary’s Baby dénaturée au vibraphone façon jazz/funk des 70s) aux plus électrisantes (Critical Status avec Lif, digne d’un Dr. Octagon de la grande époque, ou Here’s A Sandwich avec Prince Po de feu Organized Konfusion), des plus minimalistes (ce Where Were You ? suintant d’un groove hypnotique) aux plus mélangeuses et inclassables (les merveilleux Intergalactic Observation et iKnow)."




47. Aho Ssan - Rhizomes (2023)

"Les racines de cet impressionnant Rhizomes se fraient un chemin depuis son terreau drone et glitch-hop vers des horizons souterrains que l’on ne soupçonnait pas forcément chez le Parisien, d’un électro-hip-hop aux allures de trap crépusculaire et déstructurée (Cold Summer Part I, avec le Britannique Blackhaine) à une sorte d’ambient spirituelle et incantatoire (Fermeture) en passant par le noise-rap pur jus (Till The Sun Down, avec Clipping mais également la géniale Polonaise Resina dont le violoncelle manipulé et autres nappes vocales élégiaques contrebalancent cette implosivité déliquescente de tempête sous un crâne) et même le genre de pop expérimentale en suspension chère à David Sylvian, que nos chouchous 9T Antiope et en particulier la voix envoûtante de Sara Bigdeli Shamloo viennent contribuer à esquisser sur le mélancolique Hero Once Been. Une volonté de faire tomber les derniers remparts entre des "genres" qui n’en sont plus vraiment, au profit d’un grand maelstrom de pure créativité à la fois viscérale et abstraite façonnée à parts égales par la pensée (cf. cette influence revendiquée de la philosophie) et par les émotions."




48. Jeremiah Cymerman / Charlie Looker - A Horizon Made Of Canvas (2021)

"Véritable album en duo, A Horizon Made Of Canvas se révèle beaucoup moins jazz que Citadels & Sanctuaries sorti la même année et déroule sur 5 titres seulement, pour la plupart assez longs et immersifs, une atmosphère nettement plus lynchienne, à la croisée d’une ambient de film noir halluciné (The Ecstasy of Betrayal) et d’un doomjazz dénué de section rythmique (Samson), le magnétisme ténébreux de la clarinette du New-Yorkais rejoignant dans ses circonvolutions fébriles le vol frénétique des insectes nécrophages que l’on entend sur le final de l’inquiétant Speaking of Dust face au piano sépulcral (cf. le morceau-titre) et à la guitare aux sinuosités insidieuses (I’ll Show You What You Are) de Charlie Looker (Zs, Extra Life)."




49. The Gaslamp Killer - Heart Math (2020)

"Co-fondateur de Brainfeeder, The Gaslamp Killer en est également, depuis la débandade de Flying Lotus sur le totalement raté Flamagra, le dernier représentant enthousiasmant, d’autant plus attachant qu’un accident de scooter en 2013 avait bien failli le laisser sur le carreau, une expérience de mort imminente qui n’aura pas manqué de nourrir depuis l’abstract en clair-obscur du Californien. Succession de vignettes mystiques et mélangeuses au gré desquelles on croise notamment le violoniste Miguel Atwood-Ferguson, le percussionniste Andres Renteria, le vocaliste et multi-instrumentiste Amir Yaghmai ou encore les Heliocentrics, frères de beatmaking ethno-psyché (cf. le morceau-titre) dont le leader Malcolm Catto assure également le mixage ici en compagnie de Daedelus ou Mario Caldato (producteur historique des Beastie Boys), Heart Math sonne comme la catharsis d’une psyché morcelée, un voyage intérieur entre idées noires, réminiscences cauchemardées et spiritualité retrouvée."




50. VARIÁT - I Can See Everything From Here (2021)

"On connaissait l’Ukrainien Dmytro Fedorenko pour l’électro-indus forcené et le glitch déstructuré de son projet Kotra ou les soundtracks techno post-apocalyptique et vaporeux du duo Cluster Lizard qu’il forme avec sa compagne et graphiste Zavoloka chez Prostir, successeur de leur défunt label Kvitnu. Autant dire que la surprise fut conséquente en découvrant ce premier album de VARIÁT, ovni qui le voit tenir en plus des synthés des instruments tels que guitare, basse et batterie pour accoucher d’un inclassable titan instrumental aux saturations imposantes, à la croisée d’un metal expérimental présentant quelques atomes crochus avec le doom liquéfié des sorties récentes de Nadja, et d’une ambient dystopique et noisy, presque harsh par moments, qui semble s’élever des ruines de la musique industrielle pour inventer son propre langage cinématographique, celui d’une menace mythologique en apparence décrépie mais bien résolue à en découdre dans un dernier élan d’énergie noire et viciée."




10 EPs :


1. Kurious & Cut Beetlez - Monkeyman (2023)

"Cet OVNI hip-hop nous vient d’un vieux briscard du rap new-yorkais qui fit partie du crew Constipated Monkeys avec MF Doom dans les 90s avant de se faire discret. Associé à une paire de producteurs finlandais sortis de nulle part (Cut Beetlez) qui troussent pour lui l’un des écrins les plus singuliers de ce cru 2023 entre sampling rétro ou cartoonesque au groove haché, beats tantôt boom bap ou d’une raideur presque indus, gros morceaux de jazz et scratches extraterrestres, il s’en donne à coeur-joie avec son rap à contre-temps toujours aussi atypique et des featurings au diapason, à commencer par deux interventions de l’excellent et tout aussi libertaire Homeboy Sandman. Une dinguerie comme on dit."


2. Portico Quartet - Next Stop (2022)

"15 ans déjà que les Londoniens de Portico Quartet ont commencé à infuser leur jazz d’électronique. À ce titre, ce nouvel EP culminant dans un déferlement de lyrisme instrumental sur un morceau homonyme proprement épique et flirtant avec le néo-classique pour certains arrangements (le piano de Procession ou les cordes de Youth notamment), est comparable aux plus belles réussites de leurs cousins australiens de Tangents, absolument cadré et renfermant pourtant une infinité qui ne demande qu’à se déverser à chaque frappe de batterie calculée pour la contenir, d’une irrésistible tension rythmique tout en laissant de l’espace aux méditations spleenétiques du saxo."


3. BRUIT ≤ - Apologie du temps perdu, Vol. 1 (2023)

"Au post-rock déjà mélangeur et capiteux de l’excellent The Machine is burning and now everyone knows it could happen again, dont les orchestrations et incursions électroniques rivalisaient déjà avec cette instrumentation guitare/batterie plus typique du genre, répond ici une prise de risque aussi évocatrice qu’émouvante, un grand pas de côté vers l’élégie ambient qui fait la part belle au violoncelle, aux claviers et aux textures de vieilles cassettes, et limite la batterie à une paire d’interventions d’autant plus saisissantes, pour flirter avec l’univers semi-acoustique à la fois virtuose et feutré d’un Christopher Tignor (Wires Under Tension, Slow Six). De toute beauté !"


4. Black Saturn & Grosso Gadgetto - Earth Project (2020) / Earth Science (2022)

"En parfaite alchimie avec le spoken word halluciné de l’Américain Black Saturn, Earth Project est à la croisée du noise-rap lacéré de guitares abrasives de Dalëk et de l’abstract lourd et magnétique des heures les plus sombres et hantées de Massive Attack ou d’UNKLE période DJ Shadow. Des références de prime abord écrasantes et face auxquelles le duo ne démérite en rien, délivrant une demi-douzaine de morceaux imposants où textures lancinantes et beats irrépressibles semblent esquisser un univers post-apocalyptique qui verrait naître, sur un amas de cendres et de gravas, une nouvelle forme de foi. Et même lorsque la paire s’éloigne du bruitisme pour nous offrir avec Earth Science quelques respirations bienvenues, le résultat est magnétique à souhait et envoûtant de bout en bout."




5. Nosdam + Rayon - From Nowhere to North (2021)

"Collaboration tardive de deux musiciens amis qui se tournent autour depuis les grandes heures d’Anticon, Markus Acher de The Notwist (compère de Jel et Doseone au sein de 13&God) et Odd Nosdam (compère du même Doseone mais au sein de cLOUDDEAD et du même Jel sur un certain nombre de sorties en duo). On y retrouve la mélancolie vocale et mélodique du premier, enregistrant sous le pseudo Rayon, et les beats et nappes baroques du second, sur 4 titres de psyché-pop lo-fi lyriques et bariolés auxquels des textures organiques apportent une chaleur toute particulière qui les rend immédiatement et irrésistiblement attachants."




6. Thamel - Ballads In Plain Be Sharp (2021) / When Anything Dives (2023)

"Adepte du Buchla Music Easel, mythique synthé modulaire des années 70, le Belge Thamel aka Jérôme Mardaga compose des rêveries hivernales, pures et malléables comme la neige de la pochette de Ballads In Plain Be Sharp, où les flâneries poétiques entre la nature en sommeil et les astres (Never Cry Swans) côtoient avec la même ampleur le spleen entêtant des souvenirs (Decade) et de longues déambulations aux recoins plus inquiétants à l’image de cette forêt perdue dans la brume en arrière-plan. Quant à When Anything Dives, ses crescendos ambient abrasifs et majestueux avec leurs textures papier-de-verre aux vibrations sismiques doublées d’harmonies presque orchestrales ne sont pas sans rappeler le génial Talvihorros aka Ben Chatwin."




7. pm - Univers-îles (2024)

"Décrit par Patrick Masson comme un disque d’errances nocturnes qui lui aurait permis de redécouvrir une forme de liberté musicalement parlant, Univers​-​​̂îles en compte 8 (d’îlots musicaux) comme autant de micro-univers suffisamment indépendants pour exister par et pour eux-mêmes mais trouvant dans le même temps une redoutable cohérence dans leurs textures instables héritées du sound design. Du ballet d’interférences de l’introductif A new soul for an old man dont les éclats de saturation contrastent avec la délicatesse d’un dark ambient électronique presque introspectif, jusqu’aux 7 minutes d’un morceau-titre au magnétisme drone psyché et aérien, on voyage en tête étrangère au gré des déambulations mentales de pm."




8. Tokee & Tapage - The Collider Circle (2020)

"Deux ex pensionnaires de feu Tympanik Audio à l’équilibre entre leurs expérimentations actuelles et l’IDM futuriste qui fit les grandes heures du label de musique électronique chicagoan. C’est notamment le cas ici de l’épique The Mylingar dont la mélodie cristalline et les rythmes acides évoquent rien de moins que le Richard D. James de l’album du même nom. Les rêveries délicatement déstructurées de Dulchiton Ghost Start et son faux jumeau Dulchiton Ghost End aux arrangements solaires explorent quant à eux une facette plus ambient de cette bande-son inspirée des mythes des folklores slaves et scandinaves. Enfin, Strigoi s’attaque à une dynamique plus industrielle tout en faisant la part belle aux textures, ces fantômes dans la machine qui font écho ici aux fantômes de l’imaginaire collectif."




9. Batard Tronique - Tell Me Your Tales (2023)

"Où Batard Tronique est-il donc allé pêcher cette mélodie du thème de "Shining" transposée à des cuivres sur Your Grand Evening ? L’a-t-il samplée, ou jouée lui-même avec des VST ? Mr. Teddybear, ancien producteur de Psykick Lyrikah, a-t-il envoyé ses bonnes ondes à ce Rainy Day funeste et crépusculaire à souhait ? Ou Oktopus, ex Dälek, au final Ananda Ganjav télescopant musique indienne et drones entêtants et hantés sur fond de rythmiques au cordeau ? Ce qui est certain, c’est que ce Tell Me Your Tales s’avère rudement inspiré et donne envie d’en entendre davantage dans cette veine de la part du très productif beatmaker."




10. Djane Ki & Innocent But Guilty - Remote Exploration (2024)

"2024 venait à peine de démarrer que l’on avait déjà droit à une suite au superbe Transmutation de juin 2023. Un peu plus conséquente en termes de durée avec pas loin de 20 minutes au compteur, cette nouvelle collaboration du patron de Foolish Records avec la beatmaker Djane Ki en profite pour se faire plus immersive et prospective avec une rythmique d’abord feutrée, presque jazzy à la Funki Porcini sur la première moitié du magnétique Last Night aux nappes narcotiques, avant de durcir le ton en bifurquant vers le genre d’IDM futuriste aux accents techno-indus que l’on connaît à Vanessa Jeantrelle en solo."




Les lauréats par genres :

- Pop/rock/folk :

Artiste : Karen Peris (The Innocence Mission)
Label : Bella Union
5 albums :
1. Laura Marling - Patterns in Repeat
2. The Innocence Mission - See You Tomorrow
3. The Smile - A Light For Attracting Attention
4. Karen Peris - A Song Is Way Above the Lawn
5. Beth Orton - Weather Alive

- Drone/expé :

Artiste : William Ryan Fritch (Vieo Abiungo)
Labels : Mahorka / Room40
5 albums :
1. William Ryan Fritch - Polarity
2. Giulio Aldinucci - Shards Of Distant Times
3. Christophe Bailleau - Shooting Stars Can Last
4. Nine Inch Nails - Ghosts VI : Locusts
5. Grosso Gadgetto - Violenza

- Ambient/modern classical :

Artistes : Watine / Francesco Giannico
Label : Quiet Details
5 albums :
1. Melanie De Biasio - Il Viaggio
2. Jacaszek - Music for Film
3. David Shea - The Ship
4. Luke Howard - Interlinked
5. Masayoshi Fujita - Bird Ambience

- Hip-hop :

Artiste : Czarface
Producteurs : Damu / Illinformed
Label : High Focus
5 albums :
1. Kurious & Cut Beetlez - Monkeyman
2. Babelfishh - Coma Worthy
3. Tom Caruana - Strange Planet
4. Beans - ZWAARD
5. Buck 65 - Punk Rock B​-​Boy

- Electronica/beats :

Artistes : Eddie Palmer (Cloudwarmer, Aries Death Cult, Fields Ohio...) / Prefuse 73
Label : Hymen Records
5 albums :
1. Prefuse 73 - The Failing Institute of Drums & Other Percussion
2. Dolphins of Venice - Mutuals
3. Cloudwarmer - The Covidians Sharpen Their Teeth
4. WEEKS - WXY
5. 10th Letter - Spaces Between Light & Time

- Jazz :

Artiste : Colin Stetson
Labels : Gondwana / International Anthem
5 albums :
1. rand - Peripherie
2. Red Snapper - Everybody Is Somebody
3. Dimitar Bodurov & Ivan Shopov - Coalescence
4. The Necks - Travel
5. Colin Stetson - The love it took to leave you

- Musiques extrêmes :

Artiste : The Body
Label : Thrill Jockey
5 albums :
1. Yma - Purger
2. Sightless Pit - Lockstep Bloodwar
3. Colossloth - Promethean Meat
4. Nadja - Labyrinthine
5. Oranssi Pazuzu - Mestarin Kynsi


11 chansons :

Karen Peris - I Would Sing Along (2021)




Belts - Wasted Efforts (2022)




Laura Marling - The Shadows (2024)




Arrested Development - It Couldn’ Be (A Beautiful Night) (2024)




Emilie Zoé & Christian Garcia-Gaucher - The Grand Scheme (2020)




Big Thief - No Reason (2022)




Onry Ozzborn - Glow VVorm (2023)




Melanie De Biasio - We Never Kneel To Pray (2023)




Fliptrix - Eden (feat. Illinformed) (2023)




Other Lives - Nites Out (2020)




Murray A. Lightburn - No New Deaths Today (2023)


Articles - 26.02.2025 par RabbitInYourHeadlights
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