2011, derniers regards en arrière : 11 albums drone/ambient

A l’heure de tirer les bilans de ce cru annuel particulièrement fourni, plusieurs solutions s’offraient à moi : vous dévoiler mes 1428,57 disques favoris de 2011 et leur évolution en spirale logarithmique tendant vers un nombre ’x’ = infini d’abstractions métaphysiques, ou choisir tout simplement de parler à la première personne pour vous présenter à intervalles tout sauf réguliers mes coups de cœur de l’année par catégories arbitraires, au jour le jour, à l’instant ’t’ et selon mon impulsion du moment. Vous l’aurez compris, l’exercice compulsif éminemment rigide et bien souvent abstrait même pour le lecteur averti s’est donc trouvé relégué côté forum, mais en contrepartie c’est par l’ambient sous toutes ses formes que débutera cette série de regards en arrière, un passage obligé depuis l’avènement de Bandcamp en l’an 10 du règne d’Aidan Baker Le Grand.


Aidan Baker - Lost In The Rat Maze1. Aidan Baker - Lost In The Rat Maze

Cela va peut-être vous étonner, mais je n’ai pas tout à fait tout écouté d’Aidan Baker cette année. Car même pour un fan de la première heure de son projet Nadja, le Canadien peut être décourageant. Du doom le plus poisseux aux impros de guitare les plus lumineuses (cf. le superbe Closer Axioms tout en reverb astrale à paraître la semaine prochaine chez The Miskatonic SoundLab), d’une folk hors format à un jazz moderne réorganisé en boucles abstraites en passant par les jams noisy voire carrément psychédéliques du futur The Spectrum Of Distraction en preview ici, la soif d’exploration du bonhomme en solo comme au gré de ses différents projets collaboratifs semble ne souffrir aucune limite et n’avoir d’égale que la qualité de ses réalisations et leur fréquence de parution proprement insensée.

Interviewé dans nos pages au printemps en compagnie de la New-Yorkaise Noveller citée plus bas dans ce classement, le patron de Broken Spine Productions nous aura ainsi livré cette année rien de moins que son meilleur album à ce jour dans la limite de la connaissance que l’on peut raisonnablement avoir de sa discographie, l’angoissé Lost In The Rat Maze aux errances instrumentales impressionnistes et foisonnantes. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, après la réédition de l’introuvable Broken & Remade déjà haut placé dans mon bilan de 2010, ce fut au tour du plus monolithique et non moins immersif Noise Of Silence daté de 2007 de trouver en début d’été une seconde jeunesse, remastérisé à la perfection par James Plotkin de Khanate pour offrir enfin à ce monument de drone anxiogène parcouru de chuchotements hantés une ampleur sonique à la hauteur de son ambition tourmentée.


< pour en savoir plus >

Sun Thief - Winds2. Sun Thief - Winds

Le vent souffle en bourrasques abrasives sur ce projet solo de l’Américain Adam Wetterhan, moitié de Methuselah qui en attendant le retour prévu pour bientôt du plus mystique des duo drone doom nous offrait avec ce deuxième opus en libre téléchargement la plus inspirée des traversées du désert, errance cinématique sous les radiations d’un soleil de plomb la gorge pleine de sable, de poussière et de cendres. Un no man’s land dont les friches à perte de vue, abandonnées de toute forme de vie, finissent paradoxalement par devenir le plus claustrophobique des mausolées naturels.


< pour en savoir plus >

Demian Johnston & Mink Stole - Trailed & Kept3. Demian Johnston & Mink Stolen - Trailed & Kept

Quand on parle de drone doom, le label Debacle Records a forcément une carte à jouer et d’autant plus depuis l’arrivée dans ses rangs de Demian Johnston, stakhanoviste de Seattle aux multiples projets tous plus étouffants les uns que les autres (dont le dernier en date, Blsphm, lorgne sur le black metal en compagnie de Kevin Gan Yuen avec lequel il signait déjà en avril dernier le plus grouillant et terrifiant des EPs de l’année). Je ne reviendrai pas en détails sur ce Trailed & Kept déjà abordé à plusieurs reprises dans ces pages, si ce n’est pour conseiller une dernière fois aux amateurs d’élégies apocalyptiques de s’envelopper corps et âme dans ce linceul funeste, unique vestige d’une civilisation antique rayée de la carte par quelque incarnation maléfique.


< pour en savoir plus >

Jacaszek - Glimmer4. Jacaszek - Glimmer

Telle une étole précieuse recouverte d’une chape de souffle saturé aux craquements poussiéreux, le classical ambient du génie polonais n’avait jamais encore développé de tels contrastes entre la nostalgie délicate des instruments baroques, clavecin et clarinette en tête, et les pics d’intensité des interférences noisy qui semblent vouloir entraîner ce romantisme anachronique dans les limbes d’une histoire révolue. Une fascinante étreinte que l’on voudrait ne jamais voir se terminer.

00:00 / 00:00
< en écoute intégrale sur Spotify | pour en savoir plus >

Jasper TX - The Black Sun Transmissions5. Jasper TX - The Black Sun Transmissions

Toujours relativement méconnu malgré un passage par le label Miasmah en 2008 avec Black Sleep, le Suédois Dag Rosenqvist a pourtant peu d’équivalent en terme d’ambition dans le drone actuel. Investies d’un véritable souffle mythologique et transcendées tantôt par le spleen délicat d’un piano préparé (White Birds) ou par des arrangements de cordes d’une rare ampleur lyrique (Weight Of Days) qui les rapprocheraient presque du post-rock de la grande époque Constellation, les compositions de Jasper TX semblent évoquer la solitude du dernier survivant d’une civilisation dévastée, déambulant dans les décombres de paysages monumentaux qui n’existeront bientôt plus pour personne. Saisissant.


< en écoute intégrale sur Spotify >

Tim Hecker - Ravedeath, 19726. Tim Hecker - Ravedeath, 1972

Album de la reconnaissance publique pour le Montréalais, seul représentant drone/ambient (à l’exception peut-être du poussif Oneohtrix Point Never) de bien des bilans de fin d’année d’une certaine presse rock courageuse sans être téméraire, Ravedeath, 1972 n’a ni tout à fait la puissance d’évocation de l’épique An Imaginary Country, ni le pouvoir de fascination du magnétique Harmony In Ultraviolet mais se découvre un nouvel équilibre entre fragilité mélodique et soundscaping sismique grâce à l’entrée en scène d’un orgue aux affleurements malmenés par ces nappes d’infrabasses et de bruit blanc en perpétuel mouvement, et même d’un piano tout aussi impressionniste mais dont l’expressivité mélancolique a également trouvé son écrin de prédilection au travers des chutes plus dénudées du bien-nommé Dropped Pianos.

Tim Hecker - Hatred Of Music I by kranky


< en écoute intégrale sur Spotify | 3ème du podium de février du Forum Indie Rock >

Oikos - Ecotono7. Oikos - Ecotono

Le duo espagnol nous révèle sur ce premier long format en solo (un duo en solo... hum, vous suivez ?) la facette la plus introspective du label Utech, préférant aux évocations crépusculaires de Locrian, à la tension fantomatique d’Ural Umbo ou au black metal épuré d’Horseback les pulsations d’un drone certes massif voire parfois inquiétant (cf. Red Forest ou Treshold) mais parsemé de bribes mélodiques tirées d’une guitare à la reverb solaire. Un album envoûtant dont Leoluce vous éclairera mieux que moi les innombrables recoins au fil d’une chronique à parcourir ici.



Cindytalk - Hold Everything Dear8. Cindytalk - Hold Everything Dear

Difficile là encore de passer après Leoluce pour vous vanter les mérites des abstractions hantées de l’Écossais Gordon Sharp et de feu Matt Kinnison, dont le décès en plein enregistrement de ce septième opus a définitivement marqué de son empreinte ces atmosphères désolées alternant drone lunaire, fourmillements mystiques et piano minimaliste aux évocations d’un autre âge. Un disque faussement zen mais véritablement mystérieux et habité qui ne vous lâchera plus.


< en écoute intégrale sur Spotify | 3ème du podium de l’été du Forum Indie Rock >

Vitor Joaquim - Filament9. Vitor Joaquim - Filament

Du post-rock à la chillwave en passant par l’IDM, le Portugal nous aura révélé cet année un vivier de talents insoupçonnés. J’aurais ainsi pu vous reparler de Leonardo Rosado - mentionné parmi les dauphins de ce classement malheureusement bien trop restreint - et de son ambient évanescente et fragile associée désormais à la voix de Birds Of Passage, mais ç’aurait été sans compter sur ma fâcheuse tendance à céder au côté obscur, une faiblesse que sont venues nourrir les nappes instables de Vitor Joaquim dont le dark ambient infrasonique zébré de glitchs fugaces et dissonants porte à la perfection son nom de Filament. L’une des plus belles réussites du label Kvitnu cette année, parmi d’autres sur lesquels j’aurai bientôt l’occasion de m’étendre dans une prochaine sélection consacrée aux musiques électroniques.

Et comme pour me faire mentir, on commence par le seul titre lumineux de l’album :

Vitor Joaquim - Filament by Kvitnu


< en écoute sur Spotify ou sur le site de Kvitnu | pour en savoir plus >

Fennesz + Sakamoto - Flumina10. Fennesz + Sakamoto - Flumina

D’abord réservé au marché japonais, ce double CD marquant les retrouvailles de Fennesz et Sakamoto quatre ans après le superbe Cendre bénéficie aujourd’hui même grâce au label Touch d’une distribution internationale en bonne et due forme. L’occasion de retrouver le piano méditatif à la Satie du compositeur japonais et les glitchs discrets ou drones vaporeux de son complice autrichien sur 24 instrumentaux plus épurés que jamais, privilégiant l’aspect mélodique sur un premier CD touché par la grâce d’une spiritualité mélancolique avant d’opter pour une approche plus atonale voire inquiétante sur une seconde galette aux atmosphères troublantes. L’inspiration à l’état pur, qui jamais ne lasse sur près de deux heures tout de même.

< en écoute intégrale sur Deezer >

Dan Joseph - Dreams Of Seven11. Dan Joseph - Dreams Of Seven

Mettant de côté son inspiration sérielle qui allait reprendre le dessus plus tard dans l’année avec les compositions aventureuses du poétique Tonalization (for the afterlife) interprété à la tête d’un ensemble de formation classique, c’est sur le drone solaire et organique parcouru de cascades cristallines et de vagues délicates d’arpèges acoustiques de ce Dreams Of Seven que culminait cette année le compositeur new-yorkais, dont le hammer dulcimer dévoile ici des sonorités particulièrement rêveuses et nostalgiques au diapason de ce cocon à la zénitude éthérée.




Voilà, ce sera tout pour les commentaires, mais à ceux qui voudraient approfondir le sujet, quelques pistes supplémentaires s’imposent :

12. Roly Porter - Aftertime
13. The Mount Fuji Doomjazz Corporation - Anthropomorphic
14. Noveller - Glacial Glow
15. Paintings For Animals - Kristeater
16. y0t0 - Uriarra Road
17. The Peoples Republic Of Europe - Solipsism
18. Indignant Senility - Consecration Of The Whipstain
19. Field Rotation - Acoustic Tales / And Tomorrow I Will Sleep
20. Thisquietarmy - Vessels
21. aMute - Black Diamond Blues
22. Simon Scott - Bunny

23. Deaf Center - Owl Splinters
24. Leonardo Rosado - Opaque Glitter / Mute Words
25. Bass Communion - Cenotaph
26. Alva Noto + Ryuichi Sakamoto - Summvs
27. Loscil - Coast / Range / Arc
28. Higuma - Pacific Fog Dreams
29. Nebulo & Druc Drac - Urbatectures
30. Brown Cloud - Sax By Candlelight
31. Juv - Juv
32. Barn Owl - Lost In The Glare
33. Hauschka & Hildur Guðnadóttir - Pan Tone