The Limiñanas, Wet Leg & Fontaines D.C. - Festival Beauregard (Hérouville-Saint-Clair)

Certaines journées sont convenues, tandis que d’autres sont pleines de surprises. C’est clairement à cette seconde catégorie qu’appartenait ce dimanche 6 juillet passé au festival Beauregard à Hérouville Saint-Clair.

En effet, l’affiche alléchante (et la programmation relativement décevante de La Route du Rock) avait incité à affronter les kilomètres de bitume pour rejoindre la périphérie de Caen, plus visitée depuis neuf ans. Si des groupes de chevet comme Air ou Blonde Redhead se produisaient le jeudi et le vendredi, c’est bien l’enchaînement The Limiñanas/Wet Leg/Fontaines D.C. sur la scène principale le dimanche qui était le plus séduisant.

Soulignons d’emblée l’excellente organisation du festival. Parking très accessible, navettes pour rejoindre le festival, restauration et buvettes de qualité et, malgré les 30.000 festivaliers par soir (en moyenne), une certaine facilité à circuler sur le site. Tout sauf un détail.

Pas le temps de faire un tour sur la grande roue présente sur le site qu’il est déjà l’heure d’assister à la prestation de The Limiñanas, programmés à 16h55. Outre le couple formé par Lionel et Marie, quatre musiciens font leur entrée sur scène, en l’occurrence le chanteur britannique Tom Gorman (ex-Kill The Young, la bassiste Clémence Lasme (Moodoïd), le guitariste Keith Streng (ex-The Fleshtones) et Alban Barate au mellotron.

La mayonnaise prend immédiatement avec Prisoner of Beauty et Shout, deux titres issus de l’album Faded, et heureusement d’ailleurs. En effet, le troisième extrait de cet album sera également le dernier du set. L’excellent J’adore Le Monde, avec ses guitares efficaces et ses visuels immersifs fait décoller l’assistance et c’est peut-être cette électricité ambiante qui mènera le concert à sa perte : un rideau d’eau tombe du haut de la scène et, naïvement, une grande partie du public pense à un effet scénique réussi. Que nenni. La pluie qui s’était abattue en Normandie le matin s’était accumulée sur le haut de la scène et, pourtant sans raison apparente, est tombée sur les musiciens et leurs instruments peu avant la fin du morceau.

Très professionnels, les membres de The Limiñanas ont achevé le morceau et l’organisation est intervenue pour énoncer naturellement le souhait d’assurer la sécurité des musiciens (l’eau et l’électricité ont rarement fait bon ménage) et promettre de tout mettre en œuvre pour proposer un autre créneau au groupe français. Finalement, les instruments étant trop endommagés, l’annonce de l’annulation du concert sera faite sur les écrans géants.

Après une courte pause, c’étaient les musicien.ne.s de Wet Leg qui se présentaient sur cette même scène. Aucun problème technique cette fois-ci, la scène ayant été nettoyée et asséchée, et l’on s’est délecté de la haute qualité du son. Première surprise, le groupe a radicalement modifié sa présentation puisque la guitariste Hester Chambers, qui partageait autrefois la vedette avec Rhian Teasdale sur le devant de la scène, est reléguée au fond, à côté du batteur et derrière les autres musiciens. Les musiciennes ont par ailleurs troqué les vêtements champêtres arborés sur scène lors de la première tournée et sur le clip de leur hit Chaise Longue pour des tenues plus « teenage pop », dirons-nous et qui, de ce point de vue, rapprochent davantage Rhian Teasdale de Britney Spears que d’une chanteuse d’un groupe de rock.

Qu’importe. L’habit ne fait pas le moine et le show n’a rien de mièvre. La batterie est tranchante et les guitares mêlent habilement parties rythmiques et mélodies imparables, tandis que Rhian Teasdale est aussi efficace à la guitare que micro en main, sans compter un charisme évident qui contribue à l’absence totale de temps faible. Surtout, les nouveaux morceaux tiennent la dragée haute aux extraits du premier album homonyme, si bien que l’on suivra attentivement la sortie de Moisturizer ce vendredi, les trois extraits déjà dévoilés ayant été joués et s’avérant aussi efficaces sur scène qu’en studio, qu’il s’agisse de Davina Mccall, mais surtout CPR et Catch These Fists, classiques immédiats qui rejoindront rapidement Chaise Longue, Wet Dream ou Oh No parmi les évidences des setlists à venir. En une heure, pas la moindre baisse d’attention du public, un regain d’énergie permanent des musiciens et une efficacité musicale de tous les instants. Une véritable réussite.

Après une pause gourmande, les Irlandais de Fontaines D.C. prendront donc le relais devant une assemblée massive. Il faut dire que les t-shirts à l’effigie du groupe étaient extrêmement nombreux dans l’assistance. Visuel du groupe affiché sur le haut de la scène (qui n’était désormais plus humide) et drapeau de la Palestine sur la batterie, les musiciens entrent sur scène alors que retentit encore Starburster / In Heaven (Lady in the Radiator song), version piano/voix revisitée du hit Starbuster. Et quand démarre l’excellent Here’s The Thing, c’est une déception qui envahit le public.

Bien que très grand fan de Fontaines D.C. depuis l’album Skinty Fia, la qualité du son est, pour le moins, étonnante. Pour ne pas dire dérangeante. Les guitares sont ultra saturées et stridentes, si bien que la voix de Grian Chatten est étouffée. Dommage puisqu’il s’agit de l’un des points forts du groupe. Seule la batterie semble réglée avec justesse mais les mélodies, pourtant imparables sur l’excellent Romance chroniqué l’an passé dans nos colonnes, sont à peine audibles. Il faut vraiment apprécier le groupe et connaître son répertoire pour se raccrocher à ce que l’on connaît des titres. Quel dommage. Pire, on le savait déjà mais le constater rend toujours amer, la communication du groupe est minimaliste. Presque hautaine. Grian Chatten semble s’auto-congratuler, lui qui adopte de plus en plus le style de Liam Gallagher. Les réglages s’ajustent en fin de set, avec l’excellent diptyque I Love You/Starbuster, sans doute les deux meilleurs morceaux de leur répertoire gardés pour la fin, mais rien n’y fait, l’humeur est à la déception. On continuera à suivre les aventures du groupe en studio, mais il ne s’agira plus de s’enfiler des centaines de kilomètres pour une telle prestation.

En somme, avec une excellente organisation, on ne peut que conseiller un détour vers le festival Beauregard pour les prochaines éditions. Cette journée aura en tout cas été pleine de surprises puisque le déplacement était principalement justifié par les présences de The Limiñanas et Fontaines D.C. qui auront constitué deux douches froides (au sens propre puis au figuré) alors que Wet Leg apparaissait, rétrospectivement, comme un possible bonus. Au final, ce sont bien les originaires de l’Île de Wight qui auront donné un grand concert de rock. Et dont les chansons ont tourné en boucle dans la voiture sur le (long) chemin du retour.


Articles - 08.07.2025 par Elnorton
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