IRM Expr6ss #18 - spécial "revenants" : Doves, Robert Forster, Ichiban Hashface, Mclusky, mr.teddybear, Stereolab

Hiatus interminables, années de vaches maigres et retours passés entre les mailles du filet que ces nouvelles sorties nous donnent l’occasion de rattraper sur le tard : l’actu de ce début d’année ne manque pas de "revenants", pas forcément tous à exorciser d’ailleurs et c’est tant mieux !




- Doves - Constellations For The Lonely (EMI, 28/02)

Les Doves et nous, ce fut une grande histoire d’amour jusqu’au merveilleux Some Cities inclus, les beaux restes de Kingdom of Rust en 2009, et puis la débandade du grandiloquent The Universal Want 11 ans plus tard, aussitôt écouté aussitôt oublié. Heureusement, le chanteur, bassiste et bidouilleur Jimi Goodwin repointaint l’an dernier le bout de son nez aux manettes de NightjaR, passionnant projet abstract hip-hop mi-instru mi-rappé dont la qualité ne laissait aucun doute sur l’inspiration intacte du Britannique. De quoi nous encourager à redonner une chance au trio et bien nous en a pris : 6e long format en 25 ans, Constellations For The Lonely voit la bande reprendre goût aux atmosphères en clair-obscur, aux textures dignes de ce nom (In The Butterfly House, Saint Teresa), aux arrangements scintillants (Stupid Schemes, Southern Bell) et aux crescendos qui temporisent pour mieux saisir l’auditeur dans leurs élans (Renegade, Strange Weather), flirtant par ailleurs avec le trip-hop (Cold Dreaming) ou même le classical ambient (Orlando) avec de jolies réussites à la clé.



- Robert Forster - Strawberries (Tapete Records, 23/05)

Ok, l’ancien co-leader des désarmants Go-Betweens n’a jamais cessé de sortir des disques, son précédent opus The Candle And The Flame ne remontant même qu’à une paire d’années, mais ça faisait un petit moment que l’on n’avait pas entendu d’aussi belles choses sur l’un de ses opus... peut-être bien, allez, depuis The Evangelist en 2008, album du vrai retour 12 ans après le précédent ? Toutes proportions gardées néanmoins car si le songwriting n’est parfois pas si loin d’évoquer certains classiques de l’inépuisable 16 Lovers Lane (Tell It Back To Me, Breakfast On The Train), d’autres titres de ce Strawberries s’avèrent nettement plus dispensables, à l’instar du banal All Of The Time ou du morceau-titre Strawberries, duo sirupeux et daté avec la compagne de l’Australien, Karin Bäumler. On saluera néanmoins le regain d’ambition en particulier dans les arrangements, des cuivres feutrés de Foolish I Know au sax free et furieux de l’excellent final Diamonds.



- Ichiban Hashface - Big O$o vs. the Boar Demon$ (Autoproduction, 18/05)

Ichiban Hashface/Big O$o, on vous en a pas mal (re)parlé ces derniers mois (cf. ici encore il y a quelques jours), mais ça reste un retour improbable comme on les aime, puisque l’Américain n’avait rien proposé de neuf entre 2017 (année de sortie notamment du superbe Wolf Vs Snake) et sa triple livraison de l’an dernier. Pour ce clash entre ces deux identités que l’on pouvait s’imaginer schizophrène à souhait, le MC et beatmaker de Lincoln, Nebraska est au contraire au faîte de son beatmaking au plus près de l’os, entre onirisme jazz languissant (Dark Casino Saga, Chain Link), ascétisme aux arrangements inquiétants (Poison Arrows, Dirty World ou surtout l’immense Fat Pigeons), folklore nippon dépressif (This Not Tea This E&J), boom bap sans chichi (Patented Motel Room, Fire in the City) et spleen baroque aux samples de choeurs éthérés (Red Eyes Dark Blue). Le genre d’album qui ne paie pas de mine au premier abord mais qui finit par vous hanter - autant dire que l’on se réjouit d’ores et déjà d’en découvrir un nouveau, lâché aujourd’hui même.



- Mclusky - The World Is Still Here and So Are We (Ipecac, 9/05)

Efficacité est définitivement le maître-mot de ce retour aux affaires des Gallois de Mclusky, 21 ans après The Difference Between Me and You Is That I’m Not on Fire. Séparés dans la foulée, reformés en 2014 puis auteurs en format single il y a deux ans d’une paire de titres - dont l’électrisante cavalcade introductive Unpopular Parts of a Pig - que l’on retrouve au générique de ce 4e long format désormais défendu par le label de Mike Patton, Ipecac (Too Pure ayant depuis longtemps mis la clé sous la porte), le braillard Falco et ses sbires ressuscitent leur noise/punk/post-hardcore comme si le temps s’était arrêté, une même énergie indomptée irradiant de cet irrésistible The World Is Still Here and So Are We au titre sans équivoque, à peine un chouïa moins crade et spontané que son prédécesseur de 2004. Pas question de réinventer l’eau chaude évidemment, mais après tout qu’importe, du moment qu’on a l’ivresse de morceaux aussi sauvages et déglingués que le théâtral Cops and Coppers (également réminiscent, quelque part, de la belle époque des regrettés Louis XIV), l’abrasif People Person ou ce Juan Party-System qui semble foncer droit dans le mur la tête la première.



- mr.teddybear - TEMPLES EP (Autoproduction, 23/05)

Sur ce coup-là on est un peu en retard, l’album du comeback pour l’ancien beatmaker de Psykick Lyrikah étant plutôt le superbe Dramatiques de septembre dernier, après presque 7 années sans nouvelles (cf. cet inédit funeste pour l’un des volets notre compilation IRMxTP en 2017), un disque que l’on découvre donc avec bonheur 8 mois plus tard et dont l’EP TEMPLES prend la continuité trip-hop et texturée, déroulant sur 4 titres un downtempo sombre et évocateur qui ménage saillies saturées (I, III), orchestrations capiteuses (II) et incursions ambient épurées (IV) et dégage un vrai souffle sans avoir l’air d’y toucher. Le disque le plus court de cette sélection mais peut-être bien le plus réussi.



- Stereolab - Instant Holograms On Metal Film (Warp, 23/05)

Au petit jeu des hiatus à rallonge, les Franco-Britanniques toujours emmenés par notre Laetitia Sadier nationale décrochent la timbale puisque leur précédent opus Not Music remontait à 2010, plusieurs compilations de raretés s’étant chargées entretemps de nous faire patienter jusqu’à ce retour très attendu (trop, devrait-on dire, à en juger par l’emballement démesuré des fans) d’un groupe jamais splitté pour autant. Le problème, lorsque l’on a un leader aux sorties solo à ce point remarquables (mentions toutes particulières à l’increvable Silencio, cf. #9 ici, et au petit dernier Rooting for Love justement très Stereolab-esque), c’est que les retours peuvent ressembler à des pétards mouillés, ce qui est en partie le cas de cet Instant Holograms On Metal Film. Alors certes, on a plaisir à retrouver, presque au grand complet (le guitariste Tim Gane et le bassiste Andy Ramsay au moins sont toujours de la partie), les auteurs dEmperor Tomato Ketchup et Dots and Loops, mais force est d’avouer que ce nouvel album manque désespérément de surprises - une constante chez Warp désormais - et finit surtout par sonner comme un listener’s digest de leurs faits d’armes passés, entre kosmische pop et rétrofuturisme psyché aux accents lounge, les "hauts" (le songwriting imparable du single Aerial Troubles, les tiroirs de Melodie Is A Wound et Esemplastic Creeping Eruption, les arrangements de Vermona F Transistor) contrebalançant heureusement les "bas" (des canons un peu niais aux allures de sous-Bacharach de Le Coeur Et La Force aux boîtes à rythmes poussives de If You Remember I Forgot How To Dream Pt.2 en passant par le régressif Electrified Teenybop ! qui semble tomber comme un cheveu sur la soupe).


Articles - 31.05.2025 par RabbitInYourHeadlights