WOW - Rosa Di Luce

Rosa Di Luce, nouvel album de WOW, se déleste du moindre poids et pourtant, là encore, le groupe envoute.

1. Rosa Di Luce
2. Primavera
3. Le Montagne E Noi
4. La Radura
5. Creature Fragili
6. Samba E Amore
7. ƒ

date de sortie : 20-06-2025 Label : Maple Death Records

Ça commence par la nuit d’été et ses sons qui enveloppent. On ne fait qu’entendre et pourtant, on sent aussi la chaleur et la moiteur traverser l’épiderme. Rosa Di Luce, le sixième album de WOW, leur doit beaucoup. À moins que ça ne soit l’inverse parce que c’est à se demander comment le crépuscule , la chaleur et la nuit ont pu accepter de se laisser enfermer dans les sillons de ce vinyle forcément noir.
Un drôle d’album. Tout en silence, tout en lenteur. Dans l’exacte trajectoire de Falene (2021) et de Come la Notte (2019) tout en étant complètement ailleurs via son dépouillement extrême. Une basse plus que discrète voire inexistante, pas de batterie (Thurston Mourad et Pippo Grassi n’apparaissent plus dans le line-up), une guitare sèche, parfois légèrement électrisée, des claviers discrets (Leo Non), un saxophone (Ryan Spring Dooley), une flûte (Alessandra Lazzarini) et la voix singulière de China Blu, c’est tout ce qui subsiste à l’intérieur des sept morceaux. WOW atteint l’épure absolue, se débarrassant des dernières épaisseurs pour ne garder que l’impalpable, le ténu, le presque rien et pourtant, comme par magie, avec si peu, les Romains provoquent beaucoup.
Une approche radicale qui ne laisse pourtant personne sur le bord de la route. Les morceaux sont trop bien écrits pour cela et quand on joue ainsi à l’économie, ils ont plutôt intérêt à l’être. Mais ce n’est pas que ça. Le dépouillement laisse aussi transparaître la sincérité et - presque - la mystique qui imprègnent la musique de WOW. Et il en faut pour qu’un titre aussi casse gueule que Creature Fragili par exemple puisse tenir debout : un genre de berceuse très personnelle, un morceau complètement invertébré avec cris et gazouillis de nouveau-né en arrière-plan qui pourtant n’agace jamais. Le saxophone y accole son aura fantomatique au même titre que la guitare fatiguée qui égrène tranquillement ses notes et ça suffit pour dissiper tout risque de sentimentalisme et de mièvrerie.
Les Romains se situent clairement ailleurs et si Rosa Di Luce tourne autour de Mina (à l’origine des cris et gazouillis sur le morceau précité), WOW est trop élégant pour se laisser aller à la bête vulgarité. Un pied bien ancré dans l’Italie (y compris sa variété) et dans le réel, l’autre furetant dans les ’60s/’70s aventureuses dont il ressuscite les métissages, le groupe sonne intemporel et universel tout en demeurant très singulier, donnant l’impression de ne s’adresser qu’a soi.

La musique de Rosa Di Luce est tout à la fois volontaire et exténuée, fragile mais bien ancrée, elle marque par sa grande simplicité mais quand on fait attention à l’ossature, on repère les strates. Les interventions parcimonieuses de chacun faisant jeu égal avec le silence, les motifs qui apparaissent et disparaissent, la grande mélancolie et la fatigue qui habitent le moindre interstice, la liberté totale alors que tout est finement distribué, tout cela façonne sept morceaux qui accrochent complètement.
L’ouverture fine de l’éponyme où résonnent les cigales, la totale élégance de Primavera, la retenue habitée du très beau Le Montagne E Noi qui change de peau en cours de route, la plainte spleenique de La Radura jusqu’à la reprise du Samba E Amore de Chico Buarque et Sergio Bardotti juste rythmé par les aboiements des chiens et le crissement des cigales (toujours), tout cela , on ne sait trop comment - mais c’est habituel avec WOW - s’insinue en profondeur et reconfigure les atomes, laissant une drôle d’empreinte sous la peau.
C’est encore un disque de crépuscule, d’un moment très particulier de la journée, quand la vie mute, abandonnant l’énergie du jour pour celle de la nuit, où on savoure les clopes et l’espace dans lequel on s’affale, un verre à la main. Toujours très racée, la musique de Rosa Di Luce encapsule tout cela et même ici, réduite à l’essentiel, elle s’accorde complètement à la lumière vacillante.
Rien à voir avec les deux précédents donc mais, in fine, tout pareil.
À la toute fin de ƒ, morceau à peine chuchoté qui s’insère pourtant parfaitement dans l’ensemble, on entend le souffle de Mina qui semble dormir à poings fermés - comme sur la pochette - et c’est bien cette quiétude, cette douceur, ce fragment de beau que le disque transmet.

Une nouvelle fois, WOW n’a pas fait mentir son nom.


Chroniques - 25.07.2025 par leoluce