Un peu oublié pendant 15, 20 ans puis revenu sur les platines des amateurs de musique vintage avec une reformation à la clé il y a une douzaine d’années (et même un nouveau long format en janvier dernier, le soulful et joliment old school Renascence, un brin sirupeux certes mais loin d’être honteux pour autant), Cymande fut un temps le genre de groupe dont on pouvait légitimement se demander, lorsqu’un morceau passait dans la BO d’un film comme le tubesque Bra dans "La 25e heure" de Spike Lee en 2002 par exemple, de quelle époque il pouvait bien dater, la mixture de funk au groove rondelet et de jazz percussif et bluesy des Londoniens d’origine antillaise ne faisant décidément pas son âge, en particulier sur leur premier LP éponyme de 72.

Autant vous dire que c’est justement cet album - comme en témoigne une pochette on ne peut plus mimétique - qu’ont décidé de piller en priorité les excellents Brycon et Maitre D pour donner à des instrus aussi increvables que ceux de Dove, Getting It Back ou The Message, non pas une seconde vie dont ils n’ont pas besoin mais une existence alternative, comme le courant électrique que leur insufflent justement les acapellas samplés du rappeur Andre 3000 (OutKast). De quoi nous rappeler s’il était besoin que ce dernier est décidément meilleur au micro qu’au flutiau ou pire, au piano (cf. son récent EP d’esquisses - c’est lui qui le dit - qu’on n’a même pas osé glisser dans notre agenda des sorties).

Cymandre 3000 donc, comme une évidence tant le génie du mashup des bricoleurs californiens parvient ici à nous faire oublier les originaux du duo d’Atlanta (à l’exception peut-être du tube Hey Ya !, matraqué à l’époque jusqu’à la nausée, la version caribéenne des deux compères ne déméritant néanmoins en rien). Ça ne payait pourtant pas de mine avec Int’l Players Anthem, son beat scolaire quoiqu’efficace ne rendant pas vraiment justice au chef-d’oeuvre Dove du combo britannique, mais à partir d’Elevators la sauce prend véritablement et l’énergie en roue libre du flow d’Andre 3000 ne tarde pas à contaminer le groove des instrus, mentions toutes particulières à Roses télescopant l’un des singles emblématiques de Speakerboxxx/The Love Below et le sommet FUG du deuxième opus de Cymande, Second Time Round, à un Rosa Parks entre fièvre du samedi soir et décontraction du dimanche matin (au son du susmentionné Bra, toujours aussi irrésistible), au virevoltant Wheels of Steel tous scratches en avant, au très afrobeat Bombs Over Baghdad, au tendu Come Home qui fait un sort à Promised Heights ou encore au medley qui lui fait suite, tube à deux vitesses qui ne pouvait rendre plus bel hommage à OutKast et à ses morceaux à tiroirs.

Enfin, idéalement placée en fin de disque, la rencontre de Southernplayalisticadillacmuzik, éponyme du premier album d’Andre 3000 et Big Boi, et du coolissime The Message samplé jusqu’à plus soif dans les 90s (de Masta Ace à Mr. Dibbs en passant par notre MC Solaar national) incarne à la perfection cette fluidité vers laquelle tendent ici Brycon, magicien du plunderphonics, et un Maitre D remarqué ces dernières années pour ses mashups de la Motown : un point de non-retour du sampling où tout semble couler de source, où les époques se mélangent avec gourmandise sans que le temps n’ait plus la moindre prise sur des productions qui pourraient dater d’hier ou d’il y a 30 ans. La puissance de la funk, comme dirait l’autre...