Cet été, le concert de The Limiñanas au festival Beauregard avait généré une grosse frustration. Dès le quatrième morceau, l’excellent J’Adore Le Monde avait été interrompu car la pluie accumulée depuis quelques jours sur le haut de la scène s’était déversée sur les musiciens et leur matériel. Comme une prophétie, les paroles originales du morceau chanté en studio par Bertrand Belin suggèrent que « J’adore le monde / La pluie qui vient du ciel / Du ciel tombé dans l’oubli ».

D’oubli, il ne sera pas question en saisissant au bond l’opportunité de revoir la formation originaire de Cabestany trois mois plus tard. Cette fois, c’était à Saint-Malo dans la très chouette salle de La Nouvelle Vague pour une date co-organisée par La Route du Rock.

Petite cerise sur le gâteau, la première partie assurée par Maxwell Farrington & Le SuperHomard, très intimiste, sera une belle réussite. Sur une bande son jouant notamment les rythmiques, l’Australien se tient droit avec un long imperméable beige. Sa voix, d’une justesse impeccable même en live, rappelle celle de Neil Hannon de The Divine Comedy. Son compère s’affaire brillamment à la guitare et interagit régulièrement avec le public, de manière plutôt drôle avec pleine d’auto-dérision et sans fausse modestie.

Bien qu’Australien, Maxwell Farrington est un petit peu le régional de l’étape puisqu’il vit depuis plusieurs années à Saint-Brieuc et évoque d’ailleurs son amour pour les huîtres de Fréhel sur Oysters. Le duo joue les classiques de Once, sorti en 2021 sur Talitres et de son successeur Please, Wait…, mais aussi une reprise du méconnu The Train de Frank Sinatra. Classieux et intense de bout en bout.

Après un bref interlude, les membres de The Limiñanas débarquent sur scène. Sans manière, sans obséquiosité mais avec une énergie authentique. Pour cette tournée, Lionel et Marie Limiñana, couple à la ville comme sur scène, se sont entourés du chanteur britannique Tom Gorman (ex-Kill The Young), de la bassiste Clémence Lasme (Moodoïd), du guitariste Keith Streng (ex-The Fleshtones) et d’Alban Barate (Hide), presque aussi barbu que Lionel, à la guitare et aux claviers.

Et cette joyeuse assemblée débute tambour battant avec quatre extraits de leur dernier album Faded, à savoir Spirale, Prisoner of Beauty, Shout et l’excellent J’Adore Le Monde qui sera donc cette fois joué en entier. C’est dans la langue de Shakespeare que Tom Gorman chantera le morceau interprété en studio par Bertrand Belin.

The Limiñanas poursuivent un set intense, alternant des morceaux à l’énergie immédiate (on appréciera notamment le jeu de batterie de Marie Limiñana) et d’autres étirés de manière psychédélique et hypnotique (Je Rentrais Par Le Bois… BB), sensation souvent renforcée par les visuels immersifs. Mentions spéciales à un Shadow People revisité (la version originale avec Emmanuelle Seignier rappelle forcément l’excellent side-project L’Epée avec Anton Newcombe du Brian Jonestown Massacre).

Difficile de retranscrire l’émotion, mélange de transe et de décharge de dopamine, qui s’empare d’une foule qui répond à l’appel. La communication verbale du groupe est minimaliste, car il n’y a rien besoin de dire quand la connexion est établie. Le public, composé de fidèles et d’amateurs du répertoire des Limiñanas, bouge autant que Keith Streng lors de solos électriques à base de guitare dans le dos et de pas chaloupés. L’ensemble s’achève par une énième transe collective qui ne laisse place qu’à une conclusion : la prestation offerte par le groupe ce 17 octobre à Saint-Malo, c’est tout simplement ce qu’un concert de rock devrait être. Humains et accessibles, les artistes le prouveront d’ailleurs par leur bonhommie au moment des dédicaces. Un concert qui nous rend encore un petit peu plus fans de The Limiñanas, donc...