2020, un bilan non essentiel - Part 1/5 : 20 EPs

Sur quelques 150 EPs écoutés cette année et déjà bien triés sur le volet par affinités (s)électives, voici donc pour commencer cette série de bilans perso la crème de la crème du non essentiel en version courte, 20 disques tout à fait négligeables qui ne feront pas grand chose de plus que nourrir votre esprit et vous coller quelques frissons, étancher votre soif de curiosité et vous apporter un peu de bonheur dans cette actualité anxiogène... si ce n’est peut-être vous donner l’occasion de contribuer à soutenir une petite part d’économie de cette inutile "culture" (késako ?) dont on nous rebat les oreilles ?




1. Black Saturn & Grosso Gadgetto - Earth Project

2020 fut un très beau cru pour le Lyonnais Grosso Gadgetto, en témoignait dès le mois de mai ce petit résumé et plus récemment le classement de l’EP 1984 dans notre top du mois d’octobre. Tout en haut donc, en parfaite alchimie avec le spoken word halluciné de l’Américain Black Saturn, cet Earth Project à la croisée du noise-rap lacéré de guitares abrasives de Dalëk et de l’abstract lourd et magnétique des heures les plus sombres et hantées de Massive Attack ou d’UNKLE période DJ Shadow. Des références de prime abord écrasantes et face auxquelles le duo ne démérite pourtant en rien, délivrant une demi-douzaine de morceaux imposants où textures lancinantes et beats irrépressibles semblent esquisser un univers post-apocalyptique qui verrait naître, sur un amas de cendres et de gravas, une nouvelle forme de foi.


2. Tokee & Tapage - The Collider Circle

"Deux ex pensionnaires de feu l’écurie Tympanik Audio à l’équilibre entre leurs expérimentations actuelles et l’IDM futuriste qui fit les grandes heures du label de musique électronique chicagoan. C’est notamment le cas ici de l’épique The Mylingar dont la mélodie cristalline et les rythmes acides évoquent rien de moins que le Richard D. James de l’album du même nom, avec cette dimension atmosphérique insidieuse et inquiétante typique de l’âge d’or du label Warp, tandis que Zero Point flirte avec les mécaniques et circuits imprimés schizophréniques et angoissés d’Autechre. Les rêveries délicatement déstructurées de Dulchiton Ghost Start et son faux jumeau Dulchiton Ghost End aux arrangements solaires explorent quant à eux une facette plus ambient de cette bande-son inspirée des mythes des folklores slaves et scandinaves. Enfin, Strigoi s’attaque à une dynamique plus industrielle tout en faisant la part belle aux textures, ces fantômes dans la machine qui font écho ici aux fantômes de l’imaginaire collectif."


3. Franck Vigroux - Matériaux

En marge de l’excellent Ballades sur lac gelé sorti chez Raster et que vous retrouverez dans mon bilan albums, Franck Vigroux travaille la matière, comme il le fait si bien en studio et sur scène, sur cet EP tout en stridences, grondements et lames de fond qui laisse momentanément les rythmiques de côté. Essaim d’abeilles numériques (Matériaux I), saturations synthétiques fracassantes (Matériaux II), dissonances horrifiques à la Penderecki (Matériaux VI) et nappes abrasives presque doom (Matériaux VIII) y côtoient des interludes plus feutrés dont les errements insidieux (Matériaux IV) et autres impros tantôt cristallines (Matériaux IX) ou caverneuses (Matériaux V) semblent flotter dans le demi-silence inquiétant des limbes, le final Matériaux X réussissant en quelque sorte à faire la synthèse de tout ça en 4’44 de déflagration noise infernale et de lente redescente au purgatoire des synthés modulaires liquéfiés.


4. Sabiwa & Queimada - Tomorrow you said yesterday

"Enfin une collab en bonne et due forme pour la Taïwanaise et l’Italien qui s’étaient croisés l’an passé sur l’album du second après quelques coopérations plus discrètes. Toujours entre monstruosité et magie, ces deux précurseurs d’une électronique où onirisme et post-modernisme, futurisme et animalité s’assembleraient en fascinants agglomérats mutants font honneur à leurs sorties respectives et plus encore, au gré de sept titres emboîtés dont l’équilibre entre déconstruction plus ou moins mélancolique (Yesterday) ou radicale (Said, You Said Yesterday), groove enchanteur (You, ou Tomorrow You qui n’est pas sans évoquer Daedelus) et atmosphères de rêves glitchés aux marées texturées (Tomorrow You) s’avère idéal. Moins ardu que le claustrophobe et concassé DaBa, l’EP terminé en plein confinement télescope angoisse de l’aliénation et soif de liberté et imagine un flux temporel sans début ni fin, sempiternellement dévoré et régurgité par d’étranges chimères carnassières. Étrange et captivant."


5. Black Swan - Evolution

Auteur cette année de plusieurs singles en attendant espérons-le une suite à l’album The Sentimental Drift que l’on avait quelque peu oublié l’an passé, le New-Yorkais Black Swan fait ce qu’il sait faire de mieux sur ce premier court-format en date : du drone vaporeux d’ampleur presque mythologique aux crescendos discrets mais terrassants, qui laisse une large place à l’improvisation. Plus atypique, le titre Altered States flirte quand à lui avec les textures en déréliction de Terminal Sound System ou Ben Chatwin avant que Serenata : Home avec son halo de voix presque religieux ne vienne mettre un point final réconfortant et chaleureux à cette méditation sur l’évolution de notre spiritualité.


6. Turtle Handz & Hirudini_11 - Paper Mache

"Le rappeur ricain du duo Wrists signé chez les copains d’Atypeek Music et le beatmaker frenchie du label SECTEURFLECHE s’acoquinent sur cet EP qui évoque fort les grandes heures d’Antipop Consortium mâtiné de Company Flow pour son boom-bap électronique haché, futuriste et déstructuré qu’habite un flow tantôt carnassier ou pitché sous hélium dans un surprenant back & forth du MC avec lui-même. Étrange et décadent, lo-fi et volontiers inquiétant comme un Little Johnny from the Hospitul sur lequel Bigg Jus aurait donné de la voix en mode androïde des cités de béton, Paper Mache devrait définitivement laisser des traces sur notre année hip-hop."


7. Tapage - Minimal Remnant

Quant les mathématiques et l’informatique rencontrent l’improvisation, ça donne Minimal Remnant, EP entièrement construit à partir d’algorythmes et de programmation codée. Si l’exercice était venu de quelqu’un d’autre que Tapage, il nous aurait laissé plus que dubitatif sur la papier au point que l’on n’aurait sans doute même pas pris la peine d’écouter. Mais comme il faut s’attendre à tout et surtout au meilleur (cf. la seconde place du présent classement) de la part du Néerlandais anciemment défendu par feu le label Tympanik Audio, on a pu apprécier les circonvolutions paradoxalement organiques et mutantes de ces pièces glitchy en mouvement constant, qui bénéficient des hasards d’entrelacement de ces différentes sessions programmées et ne sont pas sans évoquer les névroses synthétiques d’Autechre ou de Phoenecia, avec davantage d’onirisme (SC_141222_115849), d’espace (SC_200330_205052 0) et de silences (SC_200330_161142) mais tout autant de zones d’ombre (SC_200330_164505).



8. rand - II

On l’attendait au tournant depuis 2019 et les premiers extraits égrenés sur Soundcloud, le duo allemand composé du pianiste Jan Gerdes et du musicien électronique Frank Bogdanowitz aka Dr.Nojoke aura finalement sorti deux beaux EPs pour le prix d’un cette année (au sens littéral, puisque le second est proposé à prix libre sur le Bandcamp du projet), d’abord celui-là, entre ambient et abstraction glitchée, puis sa suite qui nous occupe ici et qui gagne encore en ampleur et en singularité, d’un Lucid sombre et entêtant dont le semblant de "beat" est construit à partir d’un défaut numérique, jusqu’au sépulcral et dissonant San Gimignano que le piano maintient en équilibre juste au bord de l’abîme. Quant à Smouldering, avec son jazz électronique zébré de radiations magnétiques et de clicks & cuts aux allures de battements de coeur, il incarne à la perfection le génie de rand, sorte de cousin tourmenté, voire hanté, de la paire Sakamoto/Alva Noto.


9. Undicii - Resurgence

"Resurgence, dans un monde parfait, bénéficierait des faveurs d’un label tel qu’Erased Tapes ou n5MD. Entre hédonisme jazzy (Structural Disruptions, A New Found Youth) et nostalgie rétro-futuriste (Further Afield, A Moment of Clarity), ambient-techno à l’onirisme délicat (Primary Needs) et envolées Boards-of-Canadesques (le parfait Not that Bad !), Undicii nous emmène d’impressions fugaces en sentiments diffus, évoquant un Kiasmos qui aurait troqué le piano pour les synthés en suspension. Quatre ans après les longs téléscopages libertaires dOre, les influences éclatées du duo nourri aux mutations d’Anticon comme au jazz ou au krautrock ont laissé place à une cohérence faite de productions limpides et détaillées et de beats deep aux structures hypnotiques, un pas vers l’accessibilité mais avec élégance et sincérité... et sans se priver d’une ou deux digressions plus alambiquées à l’image des percussions et beats équilibristes de Not that Bad ! qui ne sont pas sans rappeler les grandes heures du regretté Alias, des arrangements électroniques en porte-à-faux de A New Found Youth ou des affleurements de saxo de James Mainwaring sur Structural Disruptions."


10. Alexandre Navarro - Distil

"En constante évolution, la musique du taulier des Disques Imaginations s’envole de plus en plus souvent vers les étoiles depuis quelques sorties, une direction "kosmische" ici tantôt mystique (le percussif Totemism et son petit quelque chose de krautrock dans l’esprit) ou plus électronique et déconstruite (Mysterium) que déjoue pourtant volontiers ce Distil sorti chez les copains de Microrama, en sautant à pied joints dans l’univers des songes sans savoir s’il saura vraiment en ressortir (le glitch-ambient anxieux de Reveil-moi) tout en faisant le pont avec l’électro-acoustique des débuts (l’épuré Statio) et un goût de toujours pour les field recordings, océaniques en particulier (Navicella). Tout l’art de distiller le meilleur de 15 ans d’expérimentations et de rêveries soniques en moins de 20 minutes !"


11. Dolàn Xakò - Falling Asleep

Entre lyrisme des samples (les superbes Falling Sleep et Raspberry) et implacable simplicité des beats au cordeau (Lullaby Love Song, Sweet Dreams), épopées abstract (ce Nightmares à tiroirs et ses faux-airs du Organ Donor de DJ Shadow) et effluves trip-hop (Run), ce nouvel EP addictif et cinématographique du beatmaker de Périgueux croisé en ouverture du troisième volet de notre compil hommage à Twin Peaks avec le morceau du même nom est assurément l’un des joyaux de sa discographie. Pour le reste, Elnorton a tout dit ici !


12. E L U C I D - Seership !

"C’est souvent dans une forme libertaire en adéquation avec son goût pour l’expérimentation que le metteur en son d’Armand Hammer est le plus captivant, en atteste cette longue piste de 28 minutes qui n’a plus grand chose de hip-hop à l’exception de quelques incursions pitchées ou bitcrushées au micro tant le New-Yorkais s’y amuse à télescoper tout ce qui l’inspire, de l’afrobeat à l’indus en passant par la house, l’ambient à synthés, le spoken word futuriste ou le jazz, au gré d’une longue fantasmagorie tour à tour hédoniste et hantée tentant d’incarner les prophéties et divinations qu’évoque son titre."


13. 7 Arm’d Labyrinth - Floating Mansion

L’un de nos EPs de l’été, de prime abord presque trop "propre" pour le très lo-fi New-Yorkais au rap triste infusé de samples japonais, mais l’on se fait rapidement à ce Floating Mansion composé, comme en attestent les différences de niveau sonore entre les tracks, de morceaux orphelins, laissés de côté lors de précédentes sorties. On y retrouve évidemment ses effets hachés caractéristiques, la mélancolie insondable et la magie atemporelle des samples génialement remodelés sur les sommets Source Hoodie et Cat Soup and Spliff, un esprit qui irrigue essentiellement les instrumentaux tandis que les morceaux rappés comme ce Missing recyclant une reprise improbable de House of the Rising Sun ou le jazzy Persona Brickz d’ouverture s’avèrent parfois plus classiques. Pas tous néanmoins, puisque entre une boucle forcément bien plombée de la mélodie de Rosemary’s Baby sussurrée par Mia Farrow (Upside Down Realm) et des synthés rétro-futuristes abîmés par le temps qui ne sont pas loin d’évoquer Boards of Canada (Dizzy Bustin’), les très beaux Noriko’s Dinner Table et Shadow Orphan parviennent à renouer avec les fééries cafardeuses voire un brin inquiétantes du fabuleux The Shinjukan Spiral de l’année précédente.


14. Lee Scott x Bisk x Sadhu - Gold Dust

En attendant le retour de son collectif Cult Of The Damned qui commence justement à donner des nouvelles (The Church Of, successeur du génial Brick Pelican Posse Crew Gang Syndicate, sortira l’an prochain), Lee Scott nous aura bien fait patienter via une poignée de sorties sur son label Blah Records, la meilleure d’entre elles étant cet EP entièrement produit par Sadhu Gold, moitié de Czardust. Le sample de David Axelrod que l’on reconnaît sans mal sur Camo Blunt donne le ton de la tension rampante d’une première moitié de disque qu’habitent les flows mi décontractés mi menaçants de l’Anglais et de son compère Bisk. Quant à la suite, elle se fait plus jazzy tout en conservant la même économie de moyens, le même minimalisme aux grooves lents et atypiques, mention spéciale à l’ennivrant Rose avec Koncept Jack$on en guest.


15. Crowhurst & Enduser - Cybernetic Warfare

"On avait failli passer à côté de cet EP enregistré en 2018 et relégué aux fonds de tiroirs du Californien Jay Gambit. Pourquoi donc s’intéresser à des morceaux que les musiciens n’avaient pas jugé bon de sortir à l’époque me direz-vous ? Eh bien parce que Crowhurst avait entre-temps viré black metal et que le projet, devenu groupe à part entière avec les concerts et tournées qui vont bien, n’avait alors plus le temps nécessaire pour sortir autant de disques qu’à la grande époque des expérimentations harsh noise tous azimuts de Gambit en solo, en plus d’une volonté évidente de se concentrer sur cette nouvelle direction musicale pour se forger une nouvelle identité. Merci donc au confinement pour ces repêchages qui font plaisir aux fans de la toute première heure, le Cybernetic Warfare en question survolant jusqu’ici la mêlée en tirant le meilleur, hormis peut-être sur un Snakebite au chant clair un peu trop lyrique, du beatmaking de combat d’Enduser et des saturations mortifères de Crowhurst (en particulier sur le lo-fi et menaçant LEDemon), sans oublier bien sûr les atmosphères glauques et anxieuses qui sont un peu leur trait commun (Brown Acid, Beyond Fire)."



16. Le Crapaud et la Morue - EP4 - Pour une aventure ouverte

"Avec toute une série d’EPs aux influences dub et ambient (cf. ici), Le Crapaud et la Morue nous avait habitués d’emblée à un goût du collage et du métissage qui reprend le dessus sur cette sortie au titre-manifeste, qui s’essaie beaucoup au hip-hop et réussit son coup (la déconstruction rétro-abstract de Zwina avec le toujours élégant La Main Gauche, ou le rap du Crapaud sur le bipolaire Sans le dire qui n’hésite pas à convoquer l’esprit de Paul’s Boutique) non sans réinventer quelques éléments familiers, des déambulations guitaristiques de L’Ouverture évoquant un Tortoise drogué aux velléités révolutionnaires de l’étrange et bien-nommé L’Aventure, quelque part entre flamenco, motifs de vibraphone à la Steve Reich, accents jazz, bluesy ou blaxploitation et free rock déglingué avec des extraits de... L’aventure c’est l’aventure. (Le)louche mais parfaitement logique dans l’univers fantasmatique du Crapaud et de la Morue, peut-être ici plus intrigant et captivant que jamais."


17. Adrian Younge & Ali Shaheed Muhammad - Jazz Is Dead 001

"Comblé par la suite de leur géniale BO de la série Luke Cage, le fameux Run This Town, c’est avec tout autant de plaisir que je découvrais ce projet des Californiens qui s’inscrit quant à lui dans la continuité de leur avatar orchestral The Midnight Hour : invités au chant et aux arrangements, hommage à l’esprit du jazz des 70s et volonté de rénover un genre tombé pour beaucoup en désuétude, hormis bien sûr dans ses sphères les plus expérimentales et mélangeuses. Plutôt que de ces dernières, c’est de la nébuleuse Heliocentrics que se rapprochent en partie ici les deux producteurs, par l’entremise peut-être d’une passion commune pour David Axelrod qui du groove à la dimension cinématographique (Hey Lover), n’a pas tout à fait déserté, dans un cas comme dans l’autre, au moment de passer du tout instrumental à l’alternance de chansons et d’instrus. Un très bel EP, qui explore beaucoup en l’espace d’une poignée de titres, du jazz fusion (Distant Mode, Conexão) à la soul luxuriante de Curtis Mayfield (Jazz Is Dead), en passant par l’héritage du tropicalisme et de la bossa nova (Apocalíptico, et Não Saia Da Praça avec Marcos Valle) ou celui du grand Gil Scott-Heron."


18. SWXTCHBLVDE - Episiotomie [Metamorphosis]

Plus de 20 ans déjà dans le "rap game" pour Noventa qui en incarne plus que jamais les derniers vestiges de créativité et d’incompromission - c’était d’ailleurs déjà le cas il y a près d’une décennie avec un album comme Putain de Pauvres, instantané sans concession de violence anthropologique et de misère existentielle dont la noirceur croisait Ligeti et hip-hop industriel. Il y avait l’embarras du choix cette année, les allitérations du circulaire et dissonant nouvel opus du side project Sillon Fermé dont on parlait déjà ici ou la tension minimaliste aux scansions tourmentées du bien-nommé Novlangue (volume 1) par exemple... mais c’est finalement cet EP presque trop concis de son projet SWXTCHBLVDE au côté d’un certain Jason Garcia qui aura laissé le plus de cicatrices sur mon cortex avec sa lourdeur anxiogène (Hospice) voire carrément menaçante (Pas fini de perdre) et son autoflagellation d’artiste guetté par le doute, le découragement et la frustration, alternant instrumentaux aux beats étouffants et morceaux au flow aussi véhément que désespéré.


19. Uboa - The Flesh of the World

"Étonnamment accessible voire aérien (God, Unbounded), ce nouvel opus de l’Australienne fait preuve d’un lyrisme inédit quand on connaît son goût pour le harsh noise le plus ardu et déstructuré. Toujours habité par cette obsession pour le corps et ses limites qui parcourt l’œuvre de l’artiste trans que l’on suit depuis l’immense The Sky May Be, The Flesh of the World démarre délicatement sur des nappes de synthés contemplatives et la mélancolie du chant de Xandra Metcalfe, mi lyrique mi susurré. Aucune trace de violence auditive sur cet Exsanguination et il faudra attendre que s’envolent les arpeggios électroniques d’Inside/Outside pour que frustration et rage refassent surface, d’abord par le biais de vocalises à la frontière du black metal, puis de quelques craquements et hurlements au terme du crescendo presque éthéré de God, Unbounded. Toujours pas plus bruyant, The Flesh of the World en termine sur un requiem choeurs/synthés d’une tristesse insondable, point d’orgue d’une réinvention inattendue que l’on espère bien voir se poursuivre sur un prochain long format."


20. OTRNO SLVANI - Disturbing Echoes

"Beatmaker aux dents longues (celles de Dracula en sa Transylvanie natale, what else ?), OTRNO SLVANI ne pouvait pas nous laisser sans une bonne perfusion d’instrus noise/hip-hop sanguinolents pour Halloween. Tout aussi évocateur de cauchemars sur grand écran que son prédécesseur estival Layer Shapes, Disturbing Echoes est non seulement plus abouti mais aussi plus radical, flirtant avec les psychoses post-indus beuglantes de The Body (le bien-nommé Dripping Ears), télescopant beat sec et thème cristallin de giallo (Trapped in the Wall) ou mélancolie, synthé gothique et perversions samplées (Strange Noises Over Empty Box), tranchant dans le vif d’une boucle orchestrale et d’une basse en mode repeat sur l’entêtant Watery Visions pour en terminer sur un Anguish Gazes à la fois glauque et capiteux, anxiogène et aérien, à l’image de cette étrange et belle pochette aux postures ambivalentes."