Interview Ambre et Blanche

Est-ce pour conjurer le mauvais sort que Blanche a illustré la pochette de son nouvel album d’un chat noir ? Il faut dire que le groupe préféré de The White Stripes a connu quelques déboires ces dernières semaines. Le label américain V2 ayant mis la clé sous la porte, Blanche a dû repousser de plusieurs semaines la sortie de Little Amber Bottles. Mais comme la musique pop folk du groupe de Detroit est intemporelle, ce contretemps n’a pas d’importance en fait. Ce qui compte actuellement, c’est l’esprit et le coeur de Blanche et surtout leurs "Petites Bouteilles d’Ambre". Mais que contiennent-elles ? Plein de bonnes choses, en tous les cas, tout ce qu’il faut pour lutter contre la dépression, comme au bon vieux temps. Tracee et Dan Mae Miller parlent au Mag Indie Rock du mystère qui entoure le groupe de Detroit, de sa musique, de ses à-côtés cinématographiques et de ses Superstitions : "On est vigilant quant aux chats noirs !" Ah bon ?

Indierockmag - Entre la sortie de If We Can’t Trust The Doctors... (2004) et votre deuxième album, Little Amber Bottles, (voir la fiche détaillée de l’album), il s’est écoulé près de trois ans. Pourquoi un si long interlude ?
Tracee Mae Miller : Nous prenons du temps pour tout !
Dan John Miller : Après le premier album, nous avons eu des problèmes. Nous avons vécu des moments tristes, ce qui nous a inspiré pour écrire les chansons de cet album. Après avoir fini l’enregistrement, nous avons été agréablement surpris. Cet album a suscité un vif intérêt auprès du public. Nous sommes partis en tournée et plein de bonnes choses se sont produites. Comme quoi derrière la tristesse se cachent souvent des moments heureux. L’année prochaine, nous passerons un deal avec elles afin de composer nos chansons car c’est important pour nous et pour la plupart des groupes et chanteurs de se nourrir de ses expériences.
Ensuite, nous sommes partis en tournage où nous avons joué dans un film. Cette expérience nous a permis de prendre du recul sur ce que nous avions vécu.
Tracee Mae Miller : Nous devions mettre en avant ce que l’on souhaitait dire à propos de notre expérience.

Indierockmag - À ce propos, Dan John, vous avez interprété le rôle de Luther Perkins dans Walk The Line, film retraçant la vie de Johnny Cash. Comment avez-vous été retenu pour jouer ce rôle ? Comment s’est déroulé le tournage ?

Dan John : Je pense qu’ils voulaient quelqu’un ressemblant à un mort vivant. Le réalisateur, James Mangol, recherchait quelqu’un avec une expérience dans le cinéma et jouant de la guitare. Ce fut pour moi un réel honneur de jouer dans le film retraçant la vie de Johnny Cash car j’aime sa manière très simple de jouer de la guitare. J’avais déjà rencontré Tim Bone Burnett, le producteur musical (Réalisateur de la musique du film O’Brother). Je pense qu’il cherchait quelqu’un en Californie mais ne trouvait pas la bonne personne.
Tracee Mae Miller : Nous nous intéressions beaucoup au travail de Tim Bone Burnett et c’est comme s’il y avait entre lui et Dan John un lien de parenté.
Dan John Miller : Je l’ai rencontré et il a suggéré que je joue dans le film. J’ai passé l’audition et arrivés à Memphis, nous avons réfléchi à qui pouvait jouer le rôle de ma femme dans le film. Donc j’ai dit : « Pourquoi pas Tracee ? » C’était très bien, un grand moment.
Memphis, c’est comme Detroit. Ce n’est pas Paris où ça bouge tout le temps. Detroit et Memphis sont des villes fantômes mais c’est très beau.

Indierockmag - Sur votre premier album, on pouvait noter la participation de Jack White (The White Stripes et The Raconteurs) et de Brendan Benson. Sur votre nouvel album, sont intervenus, entre autres, Lisa Jannon et Jack Little Lawrence (The Greenhornes et The Raconteurs). Quelles sont les raisons de ces invitations ? Etait-ce prévu de longue date ou était-ce une opportunité qui s’est présentée pendant l’enregistrement de Little Amber Bottles ?
Tracee Mae Miller : Patch Boyle, le joueur de banjo a une vie familiale bien remplie puisqu’il est père d’une tripotée de bambins. Il était donc impossible pour lui d’être disponible pour partir en tournée. Ayant un show très important à faire, nous avons donc demandé à Little Jack qui a accepté et aimé.
Dan John Miller : Ce qui est important dans un groupe, c’est de se sentir comme une famille. Tracee et moi sommes la mère et le père. Feeny est comme un oncle sauvage. Lisa, c’est l’ado en crise. Little Jack est un ami depuis longtemps. Même s’il joue de la basse dans un style rock pour The Greenhornes, il a aimé joué du banjo. Quand nous étions en tournée à New York, il a acheté une mandoline et le soir même il a demandé à un musicien qui en jouait dans un groupe de lui montrer comment utiliser pleinement cet instrument. Il fait partie de ces gars un peu fou.

Indierockmag - If We Can’t Trust The Doctors... a connu un beau succès, du moins journalistique, lors de sa sortie. Ceci a-t-il constitué une pression particulière pour l’enregistrement de ce nouvel album ?
Dan John Miller : Je ne pense pas ! Je crois que c’était une période très excitante. Parce qu’avec le premier album, tu joues tellement souvent les morceaux avant l’enregistrement que tu les connais toutes par coeur. Bien sûr, il y a toujours des arrangements. Mais avec ce second album, nous avons écrit les chansons en studio. Donc c’était vraiment excitant de faire de la sorte. C’était une approche totalement neuve.
Tracce Mae Miller : Je ne le vois pas comme une pression. Je pense que le second album est la continuité du premier album. Il est le premier acte et le second album est un très bon deuxième acte de l’histoire qui est racontée. C’est un processus naturel.

Indierockmag - Le mot "blanche" n’est pas vraiment approprié pour qualifier ce qui est rock’n’roll. Ce serait plutôt "noir". Pourquoi avoir choisi un tel patronyme ?
Dan John Miller : C’est surtout pour la sonorité du nom "Blanche". Ça pourrait être le prénom d’une femme. De plus en anglais, lorsque tu a peur, on dit que tu palis. Il y a beaucoup de sens que nous aimons. J’aime "Blanche" parce que c’est assez mystérieux et peut-être interprété de différentes manières. Ça me rappelle aussi « Blanche Dubois » de Tennessee Williams.

Indierockmag - A l’image du nouveau single et votre nouvel EP, What This Town Needs, on constate que votre son s’est durci, il est plus rock. De plus, Tracee Mae Miller, vous chantez plus souvent. Comment expliquez-vous cette évolution ?
Tracee Mae Miller : Non pas du tout. Je ne pense pas qu’il soit plus rock.
Dan John Miller : Le morceau What This Town Needs est plus rock mais je pense que c’est plutôt de la colère, de la déception. Peu de titres sont tristes et calmes. Dans cet album, il y a beaucoup d’amertume et de rédemption.

Indierockmag - Sur If We Can’t Trust The Doctors..., vous aviez repris Jack On Fire du Gun Club et Runnin’ With The Devil de Van Halen. Cette fois-ci, avec le nouvel album, c’est Child Of The Moon de The Rolling Stones. Quelles sont les raisons qui vous poussent à reprendre des titres d’autres groupes ? Hommage, exercice de style...?
Dan John Miller : Je pense que quand tu reprends une chanson, c’est pour la travailler dans ton propre style. C’est le cas avec ces deux titres. Nous aimons vraiment Gun Club. Nous avons essayé de faire quelque chose de très différent et de le faire comme un duo. Child Of The Moon de The Rolling Stones est une chanson rock et triste dans les paroles. Nous avons voulu la jouer lentement et en dégager un sentiment proche du rêve.

Indierockmag - Si on reste sur cette dernière reprise, question plus classique : seriez-vous donc plus Rolling Stones que Beatles ou y a t il un autre artiste plus cher à Blanche ?
Dan John Miller : Peut-être Public Enemy !
(Rire général)
Tracee Mae Miller : Nous sommes inspirés par différents styles de musique, The Calter Family, Lisa Iserwood, The Rolling Stones. Nous nous inspirons de beaucoup de choses, même du cinéma.

Indierockmag - A l’écoute de Little Amber Bottles, se dégage une certaine maturité, ce qui est assez rare pour un toujours « difficile second album ». Estimez-vous que cet album surclasse votre premier effort ?
Dan John Miller : Oui il est bien mieux !
Tracee Mae Miller : Je pense aussi qu’il est mieux.
Dan John Miller : Parce que des choses tristes autour de nous nous sont arrivés, comme des décès et des maladies. La chanson Superstition parle de devenir superstitieux quand on est constamment en train de regarder si la poisse n’arrive pas au prochain carrefour : on est vigilant quant aux chats noirs ! Notre musique était très fragile et nous n’étions pas sûrs de nous. J’aime ça parce que c’est ce qu’était le groupe. Pour le joueur de banjo, c’était la première fois qu’il jouait de cet instrument. Pour Tracee, c’était la première fois qu’elle chantait.
Notre nouvel album est plus sûr et insouciant.

Indierockmag - Que contiennent vos Little Amber Bottles (petites bouteilles d’ambre) qui donnent le titre à votre nouvel album ?
Tracee Mae Miller : La chanson elle-même…
Dan John Miller : …. Tracee qui a écrit cette chanson.
Tracee Mae Miller : C’est une chanson à propos de la recherche de son chemin dans un endroit profondément noir. Trouver la rédemption, le salut.

Indierockmag - Il y a encore une référence à la médecine, pourquoi ?
Tracee Mae Miller : Le symbole des petites bouteilles d’ambre fait référence à ce composant utilisé en médecine. C’est quelque chose que tu utilises pour arriver vers un certain confort. Pas nécessairement à bon escient. Je pense que cette chanson, c’est l’histoire de parvenir à trouver la sortie d’un chemin sombre.
Dan John Miller : Tu mets des composants médicamenteux dans les petites bouteilles d’ambre pour te protéger du soleil parce que les rayons du soleil y sont capturés. Tracee est peintre et elle écrit ses chansons et parle de manière très imagée. Elle est venue avec ses petites bouteilles d’ambre et me les a décrites. J’ai longuement pensé à ça et je me suis dit que si on utilisait l’ambre comme prescription, ce serait peut-être un bon moyen de s’occuper de ses réels sentiments ou peines. Dans cette situation, tu ne veux pas de soleil ou que la réalité brille sur toi. C’est comme une sorte de protection.

Indierockmag - L’ambre en poudre aidait à lutter contre la dépression et l’angoisse et est utilisé pour les fameux filtres d’amour.
Dan John Miller : C’est donc ça que tu as utilisé sur moi.
Tracee Mae Miller : Exactement !

Indierockmag - Pour nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore, comment qualifieriez-vous votre groupe et votre nouvel album ?
Dan John Miller : Nous ne trouvons pas que nous sommes gothiques mais les gens pensent que nous faisons du « Americana gothique ».

Indierockmag - Vous avez l’impression d’être enfermés dans un style qui ne vous convient pas ?
Dan John Miller : C’est peut-être pour ça que nous avons des problèmes aux Etats-Unis. En Europe, les gens sont plus ouverts à la musique et ne mettent pas les groupes dans des catégories.

Indierockmag - Ça se discute !

Tracee Mae Miller : C’est difficile parce que beaucoup de gens me pose tout le temps la question. J’hésite à dire country parce que je ne pense pas que nous soyons exactement country. Il y a beaucoup d’influences et de sensibilités country. Nous essayons de faire de la musique folk.

Indierockmag - Avec votre musique folk-country, vous êtes rentrés dans l’univers indie, ce qui est assez rare, car ce sont, en règle générale, deux univers complètement différents, voire opposés. Quelles sont vos explications ?
Dan John Miller : Il y a peut-être des références à ce style de musique comme chez Gun Club dont nous nous sommes inspirés ou Nick CaveNick Cave a réussi en prenant la musique qui l’inspirait à créer son propre style. C’est ce que nous souhaitons faire aussi. Nous ne voulons pas faire sonner comme Gun Club ou Nick Cave mais j’aime le désespoir qui se dégage de leur musique. Il faut prendre ce qui nous inspire.

Indierockmag - Quelle question auriez-vous aimé que l’on vous pose au cours de cette journée de promo et que l’on ne vous a pas encore posée ?
Tracee Mae Miller : C’est une bonne question !
Dan John Miller : Heu !
Tracee Mae Miller : Je n’ai jamais pensé à ça. Il y en a une qui te vient ?
Dan John Miller : Heu ! Je ne sais pas ! Rien ne nous vient !

Indierockmag - Vous allez pouvoir vous rattraper en nous donnant le qualificatif à apporter à Little Amble Bottles qui vous ferait le plus plaisir ?
Tracee Mae Miller : Pour moi ce sera colère, pardon et rédemption.
Dan John Miller : Inconfortablement beau.

Sites internet :
www.blanchemusic.com
www.myspace.com/blanchedetroit


Interviews - 11.06.2007 par indélise, JohnSteed


Blanche : c'est ce dont vous avez besoin.

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