Après Portishus en 2021 puis Bjorkingpin et My Beautiful Dark Wave Fantasy l’an passé, le concept aurait pu s’essouffler pour l’ex Tha Connection, mais force est de constater que c’est plutôt le contraire qui se produit. Si Portishus donnait encore à deux ou trois reprises dans l’hommage évident, sample de beat ou de guitare du combo trip-hop à l’appui (tout en faisant de l’oeil à Kool Keith sans que l’on y voit de lien particulier), Bjorkingpin se contentait essentiellement de noms évocateurs en face-A (des références aux albums et morceaux de l’Islandaise), pour carrément mettre les voiles sur une face-B dévoilée quelques mois plus tard. Quant à l’EP dédié à Kanye West, il en retrouvait tout au plus la mélodicité généreuse des débuts sur des titres tels que No Place ou Appalled produits par un certain Manny Megz, loin de la déchéance autotunée que l’on connaît à l’égotrippé Chicagoan depuis près de 15 ans.

Outre l’aspect réjouissant de voir un rappeur de l’underground ricain payer tribut à une scène de Bristol dont l’influence sur le hip-hop moderne, de RZA à DJ Shadow, n’est plus à démontrer (un juste retour de karma pour des artistes aux-mêmes nourris à la culture hip-hop US de la fin des années 80), The Tricky Tape s’avère ainsi particulièrement intelligent dans l’hommage. Par samples interposés d’interviews de l’auteur de Maxinquaye, Hus KingPin y met avant tout en exergue ce qui le fascine chez le Britannique : la sensation de menace, de danger dans sa musique (que l’on retrouve d’emblée sur Weighings Brothers, puis sur Desperados Part 2, remix d’une collab avec Canibus datée de 2021) et cet esprit de collaboration, de communion musicale entre parfaits étrangers qu’il met en application en confiant la production de l’EP à plusieurs beatmakers : l’habitué Manny Megz donc, un Kencussion croisé sur Bjorkingpin ici aux manettes du très blaxploitation The Blueprint (qui s’éteint sur la voix de PJ Harvey via un extrait du merveilleux Broken Homes), et le nouveau-venu Asethic qui signe quant à lui l’onirique The Kotu aux accents psyché.

De la même manière, Maxinquaye-le morceau n’évoque que de loin l’univers du Bristolien par son spleen downtempo, tandis que Cynical Cinema en capte l’esprit malaisant et le contraste entre noirceur et langueur cristalline en lorgnant quelque part sur un DJ Muggs qui avait justement collaboré avec Tricky sur l’album Juxtapose. Seul reproche que l’on puisse faire à cette Tricky Tape en somme, sa trop courte durée qui devrait néanmoins appeler une suite prochainement puisqu’il s’agirait là encore d’une face A à en croire les plateformes de téléchargement officielles... patience !