2023 en polychromie : les meilleurs EPs - #50 à #26
Alors que le sacro-saint album lui-même continue de reculer face aux playlists, aux singles, au shuffle et on en passe, les EPs sont plus que jamais les grands oubliés des classements de fin d’année en 2023. Un format qui m’est pourtant toujours aussi cher, et qui n’a souvent rien de la compilation de chutes ou de faces-B que les clichés lui prêtent. En témoignent une fois de plus tous ces mini-albums en bonne et due forme et bien d’autres encore, entre terrain d’expérimentation permettant aux artistes de sortir de leur zone de confort et gabarit privilégié pour initier de nouvelles collaborations.
#50. The Dubnihilist - Stargazer
Après la chouette dub techno en apesanteur de Wiener Linien, Oliver Stummer aka Tomoroh Hidari et Death Librarian, habitué de l’excellent label Mahorka, monte d’un cran dans l’hypnotisme et dans la profondeur liquide des textures éthérées avec ce deux-titres très deep qui fait danser les pieds dans l’eau et la tête dans les étoiles.
#49. Goya Gumbani - When The Past Bloomed
Gravitant autour du label Backwoodz Studioz de billy woods qui lui confiait récemment les premières parties d’Armand Hammer, le rappeur londonien se révèle avec cet EP aux choeurs suaves et aux instrumentations cristallines, un hip-hop un brin lascif aux influences jazzy et narcotiques sur lequel on croise notamment les excellents Lord Apex et Pink Siifu.
#48. DzEta & Innocent But Guilty - Sky
Sortie tardive du prolifique Bordelais Arnaud Chatelard sur son label Foolish Records, cette collaboration avec le Limougeaud DzEta déroule sur 11 minutes à peine des trésors de lyrisme électro-acoustique où les mélodies réverbérées se taillent la part du lion, dans une atmosphère scintillante de rêve éveillé aux beats presque absents.
#47. Filthcrawl - Organic Pessimism
Cette étonnante démo du quintette lillois augure du meilleur, entre grindcore belliqueux et beatmaking proche du hip-hop indus aux samples crades et autre spoken word drogué. De la powerviolence qui ne laisse pas l’atmosphère de côté et parvient à développer un vrai petit univers en à peine 7 minutes (pour 12 morceaux tout de même, interludes compris).
#46. Locrian - Solar Lodge
À peine plus d’un an après le très réussi New Catastrophism, les Américains André Foisy, Terence Hannum et Steven Hess sont de retour avec une surprenante reprise martiale et abrasive des séminaux Coil, entre noise rock et doom metal, qu’ils donnent ensuite en pâture à trois remixeurs avec à la clé d’excellentes versions sans concession lorgnant respectivement sur l’électro-indus, le harsh noise ou un drone minimaliste et tempétueux.
#45. Charlie Newton & Tom Caruana - Moving On Down
"Les compos rondelettes aux basses profondes et aux drums organiques de Tom Caruana se parent tantôt de guitares wah-wah (le tendu All of Us), de claviers et cordes baroques (le plus pop 7am flirtant avec l’univers de la regrettée Amy Winehouse) ou de discrets arrangements jazzy ou orchestraux (le magnifique Take A Look Around), et à l’exception peut-être de 7am où le chant, trop frontal, peine à trouver un véritable souffle, les mélodies de Charlie Newton font preuve d’une touchante mélancolie."
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#44. Nouvelles Lectures Cosmopolites & Slawowycz - Les Croisades
"On a beau les savoir touche-à-tout les deux damoiseaux, rien ne nous avait préparés à cette passe d’armes d’un autre temps, plongée en 7 mouvements dans l’ambiance de violence mystique de la première croisade des Francs. On y vit en condensé et comme si l’on y était ces heures sombres de la chrétienté, des choeurs de fin des temps de Départ d’Europe aux menaçants binious arabisants d’un Assaut final dont la tension rythmique sert de climax dramaturgique au disque, en passant par l’élégie piano/cordes du bien-nommé Veillée aux armes."
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#43. Innocent But Guilty & Wilfried Hanrath - Adrenaline
On en remet une couche sur IBG en format plus étiré cette fois, soit trois morceaux pour plus de 27 minutes. Accoquiné avec l’Allemand Wilfried Hanrath, autre stakhanoviste des musiques expérimentales à tendance atmosphérique dont on ne compte plus les sorties en 2023, il s’aventure dans une ambient métamorphe sous-tendue de rythmiques proches du krautrock et de basses syncopées, avant le décoller pour le cosmos psyché d’un Survivorz très Klaus-Schulzien. Un beau voyage vers l’infini (et au-delà).
#42. Ben & The Trinity - Tropismes
Format identique mais en une seule piste en 5 mouvements pour les compères Ben & The Trinity, avec le même Innnocent But Guilty, que l’on retrouve non plus chez Foolish Records comme les deux opus précédents mais du côté de l’essentiel label Lotophagus, toujours avec cette mixture de psychédélisme patchouli entre downtempo aérien et jazz aux influences orientales, et de spoken word capiteux auquel se relaient le leader Ben Coudert et la vocaliste/graphiste Olivia HB. Probablement la sortie la plus immersive et enivrante du projet.
#41. Glåsbird - Sirena
"Exit cette fois les arrangements de cordes et même le piano post-classique à l’exception de quelques discrète cascades d’arpèges au second plan : les nappes oniriques de cette ode aux dernières lueurs des grands fonds se parent plutôt de field recordings océaniques, Where Land Ends se terminant sur l’écho de plus en plus lointain des courants sous-marins tandis que les harmonies évanescentes du bien-nommé Sirena évoquent le chant des dauphins."
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#40. Jim Noir - HELLO
"Ça n’est pas moins d’un format court par mois depuis mai 2022 qu’a partagé le Britannique avec ses "soutiens" sur Patreon. On retrouvait en début d’année le premier d’entre eux, HELLO EP, l’auteur du fabuleux Tower of Love ayant finalement décidé de mettre ces sorties à la disposition d’un plus large public. Si certains titres surprennent peu, à l’image de Gently Down The Stream, vignette psyché-pop bucolique et rétro typique des premiers enregistrements du bonhomme, d’autres continuent de creuser le sillon plus électronique et cotonneux de ses deux dernières excellentes sorties."
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Edit : malheureusement l’EP n’est plus en libre écoute...
#39. Piotr Wiese - I Will Keep Sailing
Dernier arrivant dans la constellation Moderna, l’un des tout meilleurs labels modern classical de ces dernières années, le Polonais a mis 5 ans de sa vie dans ce premier EP de piano solo introspectif aux sonorités légèrement désaccordées, comme érodées par le temps. Spleen du déracinement, euphorie d’un amour naissant ou espoir pour un futur incertain, on y retrouve les grands moments de vie du musicien sous forme de petites vignettes désarmantes d’émotion retenue. Superbe.
#38. Open Mike Eagle - Another Triumph of Ghetto Engineering
Derrière cette pochette à bagouzes un brin flippante se cache un trésor de rap crayola (BET’s rap city), rétro et cotonneux aux expérimentations discrètes, des drums lo-fi et décalés d’I bled on stage at first ave aux synthés Nintendo de mad enough to aim a pyramid at you, en passant par les textures anesthésiées de WFLD 32 ou l’étrange the wire s3 e1 avec Blu et son psychédélisme ambient aux accents tropicalia. Pas encore de quoi nous faire oublier les classiques instantanés du sommet Brick Body Kids Still Daydream, mais un retour en grande forme pour Open Mike Eagle qui s’était fait plus dispensable depuis quelques années, sans jamais sacrifier pour autant sa belle singularité.
#37. Shitao - Aurès 1954
"Après deux excellents EPs l’an passé, Shitao fait plus que jamais coïncider beatmaking, cinéphilie et goût pour les atmosphères immersives avec Aurès 1954, en référence à une région du Sahara et construit autour d’extraits samplés du film "Noua" réalisé par Abdelaziz Tolbi en 1972, racontant l’histoire d’une jeune femme algérienne sur fond de soulèvement nationaliste qui mènera à la guerre d’Algérie puis à l’indépendance du pays. Toujours élégants et minimalistes, les instrus hip-hop du Parisien tout en breakbeats syncopés et claviers cristallins continuent de charrier à parts égales douceur et mélancolie et se nourrissent parfois ici de sonorités percussives évocatrices de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient."
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#36. Jak Tripper - Burden / Jakprogresso - Rootbound
Une demi-douzaine de sorties cette année du côté de Jak Tripper/Jakprogresso, deux facettes du rappeur/producteur new-yorkais le plus glauque de l’underground, parfois proches au point de se confondre. J’ai surtout retenu Burden, court EP au groove dystopique et dégénéré, et Rootbound, collection plus concise encore dont les samples funèbres font la part belle aux cordes (on reconnaîtra notamment le Morricone de "L’oiseau au plumage de cristal") et contribuent d’une atmosphère particulièrement horrifique (à l’aune de sa pochette malsaine empruntée au déviant "Samurai Reincarnation" de Kinji Fukasaku), mais tout le reste était peu ou proue du même acabit.
#35. Gwenn Tremorin & Anatoly Grinberg - Fire Pulsations
"Dans la continuité de l’excellent LP Singularity Spectrum sorti deux mois plus tôt sur le même label Ant-Zen, cette nouvelle collaboration entre le Russe Anatoly Grinberg (Tokee, Massaith) et le Français Gwenn Tremorin (Flint Glass, Tzolk’in) peut être vue comme un addendum à ce dernier opus en date, franche réussite d’électro-indus cinématographique aux impressionnants rouleaux-compresseurs rythmiques, tout en tenant parfaitement la route par lui-même du haut de ses 21 minutes pour 5 titres, dont 3 remixes de haute volée."
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#34. Grosso Gadgetto & Innocent But Guilty - Welcome To The Frontier
Régulièrement associés depuis l’immense Basement en 2021, Innocent But Guilty et Grosso Gadgetto abordent ici une sorte de hip-hop instrumental lorgnant sur l’IDM pour sa dimension d’échappée stellaire mais également sur le trip-hop pour la luxuriance capiteuse de ses arrangements. Un EP particulièrement facile d’accès de la part de ces deux expérimentateurs, qui n’est pas sans évoquer certains projets du New-Yorkais Eddie Palmer (Cloudwarmer, Fields Ohio) pour cette évidence mélodique assez irrésistible qui encourage les écoutes répétées.
#33. Hus KingPin - The Tricky Tape : Side B
Bien qu’ayant chroniqué la première face de cette double sortie hommage au Kid de Bristol, c’est bien cette Side B qui a ma préférence, peut-être pour ses productions plus travaillées dont la constance dans un hip-hop downtempo insidieux noue davantage de liens avec le trip-hop vénéneux de Tricky, même si le parallèle musical est loin d’être évident, comme souvent avec l’ex Tha Connection qui s’était précédemment "attaqué" à Portishead et Björk.
#32. SCVTTERBRVIN - Let’s Take A Trip / Let’s Take A Trip : The Remixes
Difficile de trancher entre ces deux sorties complémentaires du boss du crew de San Diego Red Lotus Klan. Les mêmes morceaux dans l’ordre et pourtant pas grand chose de commun entre le spleen plombé de Let’s Take A Trip, au psychédélisme plutôt sombre et minimaliste, et les influences 60s hymniques et ludiques des remixes, qui ne sont pas sans rappeler les tendances du grand Edan à sampler du rock et de la pop psyché (on reconnaîtra notamment Gainsbourg et son Initials BB) en mode narcotique et David Axelrodesque... si ce n’est un goût pour le baroque typique du rappeur/producteur de feu Masters Of The Universe, qui avait cette fois laissé les manettes à Orko Eloheim (moitié de Nephlim Modulation Systems avec Bigg Jus) avant de reprendre les rênes pour ces relectures somme toute inspirées, avec The Sun en guise de passerelle idéale ("the face of death resembles Taylor Swift" : punchline validée).
#31. Uboa - Empathy Shield
Si elle n’est habituellement pas la dernière à malmener nos tympans, l’Australienne Xandra Metcalfe met ici la pédale douce sur sa noise tourmentée (dont les beaux restes azimutent tout de même le très harsh A Simple Example aux textures voraces sur fond de hurlements lointains) au profit d’une ambient joliment impressionniste et scintillante quoique toujours abrasive et agitée de l’intérieur, nourrie d’un foisonnement de field recordings, d’harmonies vocales éthérées et d’effets électroniques plus abstraits.
#30. Innocent But Guilty & KHΛOMAN - LΛST ΛSHES
Le Bordelais IBG truste décidément cette première moitié de bilan EPs, à la hauteur de sa belle constance cette année dans des univers divers et variés. Avec KHΛOMAN, que l’on apprécie pour son indus/noise apocalyptique aux élans cinématographiques, c’est du côté d’un mini-soundtrack imaginaire aux crescendos martiaux qu’on le retrouve, ses synthés dystopiques réhaussant à la manière d’un John Carpenter du XXIe siècle les brûlots bruitistes du premier, toujours aussi malaisant dans sa mixture organique et déliquescente de beats implosifs et de sampling funeste.
#29. Dominique A - Reflets du monde lointain
Avec ce généreux addendum de 8 titres au superbe Le monde réel, l’increvable Dominique A persiste dans une veine aux orchestrations subtiles et luxuriantes, voguant d’hymnes aux vents et claviers baroques (Les vagues et les regrets) en ballades plus délicates dont les cordes capiteuses (La fadeur et l’intensité, ou surtout La plaine tout en harpe céleste) le disputent aux élans jazzy (Les yeux dans soleil), le tout entrecoupé d’instrus bucoliques et culminant sur les circonvolutions polyphoniques particulièrement fluides et feutrées du merveilleux Chaque enfant dans son monde.
#28. Sluice - Radial Gate
"L’univers du groupe évoque une influence assez palpable, étayée par une étonnante similarité vocale : celle de Bill Callahan et de son défunt projet Smog, pour les crescendos semi-acoustiques aux embardées inattendues (Centurion, Mill), la douceur des ballades alt-country (Fourth Of July, Acts 9:3), ou encore, sur l’immersif et vibrant New Leicester final, cette propension à évoquer les beautés simples du quotidien avec l’ampleur d’un instant d’éternité et une sereine intensité faite d’arrangements aussi minimaux d’émouvants."
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#27. The Bug - Machine III / Machine IV
"Conçus pour faire monter la pression en ouverture de ses concerts, ces nouveaux morceaux plus encore que ceux des deux EPs précédents sont d’une redoutable densité, et des secousses tectoniques de Floored(Point of impact) aux irrépressibles syncopations d’Hypnotised(F-cked up), en passant par le ballet de textures incandescentes de Limbo(Lust and Paralysis) ou les martèlements pernicieux de Drop(Machine Sex), on imagine aisément leur effet viscéral aux volumes sonores extravagants qui caractérise les sorties scéniques du beatmaker de King Midas Sound."
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#26. Fatboi Sharif & Bigg Jus - Insomniac Missile Launcher
"Avec Bigg Jus, on sait à quoi s’en tenir en termes de radicalité et avec ses beats déstructurés et autres drones lancinants, Insomniac Missile Launcher ne déroge pas à la règle. De l’étouffant morceau-titre sans la moindre respiration, sur lequel le flow d’ogre de Fatboi Sharif fait tout autant merveille que celui, atonal et à contretemps, de Bigg Jus, on passe ainsi à un Grimy Squadron Grow A Garden complètement extraterrestre qui semble télescoper musique caribéenne et hip-hop dystopique puis à un Ghost Story aux beats étouffés, où les deux compères rappent sur une ambient papier-de-verre aux harmonies de purgatoire."
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La suite dans quelques jours...
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