Jeune chanteuse mancunienne d’à peine 18 ans, Charlie Newton rêve de donner de la voix pour Kendrick Lamar ou Frank Ocean. Chance du débutant, elle a déjà trouvé bien mieux, peut-être même sans le savoir, en la personne de Tom Caruana, l’un de tout meilleurs beatmakers britanniques du moment auquel on doit l’un de nos albums hip-hop favoris de l’an dernier, le superbe Strange Planet où se côtoyaient notamment Mr. Lif, Billy Woods, Lee Scott ou encore Prince Po de feu Organized Konfusion, autant dire qu’il y a pire pour se mettre le pied à l’étrier quand on a l’ambition d’être repérée par les têtes de gondole du rap américain.

D’autant que l’Anglais, aux instruments et à la production, a un sens mélodique aiguisé et qu’il a su sur ce premier EP mettre en valeur le songwriting de relations déçues de sa jeune compatriote et en canaliser les quelques affèteries vocales, lesquelles n’empêchent pas une vraie fraîcheur et une sensibilité palpable. Entre trip-hop langoureux (So Many Excuses) et r’n’b vintage connoté blaxploitation (Lights Out, sommet évoquant rien de moins que la paire Adrian Younge/Ali Shaheed Muhammad), les compos rondelettes aux basses profondes et aux drums organiques de Caruana se parent tantôt de guitares wah-wah (le tendu All of Us), de claviers et cordes baroques (le plus pop 7am flirtant avec l’univers de la regrettée Amy Winehouse) ou de discrets arrangements jazzy ou orchestraux (le magnifique Take A Look Around), et à l’exception peut-être de 7am où le chant, trop frontal, peine à trouver un véritable souffle, les mélodies de Charlie Newton font preuve d’une touchante mélancolie, et ses vocalises, d’un sens harmonique magnifié par les canons de voix dédoublée de Lights Out ou All For Us, au point qu’on l’imaginerait bien chanter pour les Heliocentrics ou Parallel Action, en mode jazz band moderne tenté comme ici par le psychédélisme et une certaine ampleur atmosphérique.