Fontaines D.C. - Romance
Parfois, il faut savoir casser les codes. Si Fontaines D.C. l’a bien compris avec Romance, le chroniqueur doit s’y résoudre. Pas pour jouer aux poseurs de pacotille, mais parce que cet avis dithyrambique dans nos colonnes est pour le moins étonnant.
1. Romance
2. Starburster
3. Here’s The Thing
4. Desire
5. In The Modern World
6. Bug
7. Motorcycle Boy
8. Sundowner
9. Horseness Is The Whatness
10. Death Kink
11. Favourite
Le premier code brisé concernera l’utilisation de la première personne du singulier. Et pour cause, dans les couloirs de la rédaction, j’aurais plutôt intérêt à baisser la tête ces prochains jours, que dis-je, ces prochains mois, et sans doute plus encore en décembre quand il s’agira de rendre sa copie de l’album de l’année et que ce Romance se placera assurément sur le podium. Impossible, donc, de parler au nom de la rédaction qui continue, en grande partie, à éprouver un profond dédain pour le combo irlandais.
Et je dois concéder avoir longtemps partagé une forme, si ce n’est de mépris, au moins d’indifférence, pour Fontaines D.C. À l’exception d’un ou deux titres (Televised Mind en tête), les deux premiers albums ne m’avaient guère impressionné et, aujourd’hui encore, la réécoute ne supporte pas la comparaison avec ce que les Britanniques ont partagé depuis 2022 et le très bon Skinty Fia (qui se classait néanmoins très haut dans la shitlist de mon compère Rabbit). Avec cet album certes inégal (The Couple Across The Way et In ár gCroíthe go deo étaient affreux), Fontaines D.C. changeait légèrement de ton, assouplissant son propos à l’image du sommet I Love You à la basse hypnotique et multipliant les hits underground (Roman Holiday, Jackie Down The Line ou Skinty Fia) pour devenir une formation bien plus subtile que les inintéressants IDLES auxquels ils étaient (trop) souvent comparés.
Un album solo et intimiste du leader Grian Chatten plus tard, voici notre quintette de retour pour un quatrième opus. Et autant l’admettre tout de suite, l’attente était presque insoutenable tant ils avaient utilisé leurs meilleures cartouches pour le teasing de l’album et ses premiers singles. Néanmoins, il n’y a guère de remplissage sur ce disque (allez, admettons que Horseness Is The Whatness est un cran au-dessous) qui explore des contrées variées. Certain(e)s (mauvaises langues) diront que Fontaines D.C. devient un "groupe de stade", mais si les stades entonnent à l’unisson des hymnes tels que Starbuster, alors nous pouvons voir l’avenir avec un optimisme inattendu.
Car ce Starbuster est, de toute évidence, un hit aussi inattendu qu’immédiat, évident et ambitieux. Il ne s’agit pas d’une quasi pop song taillée pour les stations FM comme le très efficace Favourite qui clôt le disque mais d’une réussite audacieuse débutant avec des harmonies lugubres, sublimées par une batterie acérée, le spoken word hanté de Grian Chatten, des guitares et basses aussi tranchantes que dynamiques et, surtout, l’imparable refrain décliné à l’envi : "i’m gonna hit your business if it’s momentary blissness". Le titre de l’année. Pour moi. Mais je suis sûr que même les copains qui vont railler cette chronique pourraient succomber secrètement à son efficacité.
Pourtant ne croyez pas qu’un simple morceau, aussi efficace soit-il, ait suffi à me convertir, détrompez-vous ! Il n’y a qu’à écouter le titre suivant, Here’s The Thing aux riffs électriques imparables, pour s’en convaincre. Avec ce morceau, comme plus tard Death Kink ou les ballades Motorcycle Boy et In The Modern World et ses arrangements de cordes délicats, c’est le spectre des Smashing Pumpkins qui émerge. Pas la facette la plus récente à l’image d’Aghori Mhori Mei sur lequel Billy Corgan chante comme une diva pop et en fait des caisses sur l’électricité aux dépends des mélodies, mais bien celle des années 90, de Mellon Collie ou Adore.
Grian Chatten expliquait récemment que ce disque ouvrait un nouveau chapitre et que les Fontaines D.C. en avaient marre d’être cantonnés à l’image de cinq types avec des guitares. Entre spoken word, arrangements de cordes, mélodies plus pop et même quelques effets que l’on pourrait rapprocher du shoegaze, les Irlandais calment le jeu sans aseptiser leur propos, loin s’en faut. Ce disque est loin d’être parfait (je ne me suis pas attardé sur sa pochette au charme tout relatif) mais, contrairement aux deux premiers, il est profondément humain et ressemble à tout sauf à la commande d’une major, n’en déplaise aux grincheux qui vont tourner le dos au quintette lorsque sa fanbase va (encore) s’élargir. Rien de plus logique, finalement, pour un groupe qui vient d’enchainer un très bel album et un autre encore plus grand en l’espace d’à peine plus de vingt-quatre mois. J’aime cet album de rock s’appuyant sur une vraie voix, et qui va m’accompagner ces prochains mois, sans doute même plus, et tant pis si je dois pour cela être couvert de goudron et de plumes.
On ne change pas un concept qui gagne : pour entamer ma série de bilans de fin d’année, pas forcément les plus mauvais albums de 2022 (quoi que !) mais le pire de ce que j’ai eu le malheur d’écouter parmi ce que beaucoup (trop) de monde semble avoir l’étrange idée de plébisciter. Une liste garantie 100% sans liens (...)
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