Disque-carte postale, disque-carnet de voyage, mais un voyage purement cérébral, bien vissé sur son fauteuil… Ride On A Brand New Time nous emmène des mégalopoles déshumanisées de l’hémisphère nord (Ride On Ride On) à la jungle amazonienne (l’intro de Shaadonga Falls) en passant par la Kalakuta Republic de Fela (Oxala Mon Amour). L’album regorge de compositions inventives, zébrées d’électronique et de boucles répétitives, où rigueur mathématique côtoie aisance mélodique et arrangements iconoclastes : les percussions, chiches mais omniprésentes, délivrent des rythmes à la précision toute chirurgicale (difficile d’ailleurs de ne pas penser au toucher de Jaki Liebezeit, le métronome humain de Can), la basse - énorme - transperce les morceaux d’arabesques bien rondes puis le maelström de guitares réverbérées, de voix trafiquées, de claviers, kalimba et bruits divers achève de poser les ambiances. Les ambiances car chaque piste est unique, dévoile son propre univers – très photographique – et développe sa propre idée musicale travaillée, encore et encore, et poussée jusqu’à ses derniers retranchements grâce au talent (et à la science du rythme et des arrangements) des frères Laureau (Nicolas/Don Nino et Fabrice/F.lor) et de Jean-Michel Pires/Mitch (qui succède à Ludovic Morillon derrière les fûts).

Disque-somme ou disque-synthèse également, car ces dix vignettes témoignent des multiples influences (bien digérées) et expériences glanées au fil du parcours musical déjà riche des membres du trio – depuis les débuts post-rock aux accents free de Prohibition jusqu’aux derniers travaux d’illustrations sonores de quelques films (dont le Que Viva Mexico ! d’Eisenstein) de nlf 3 trio, sans oublier les disques de Don Nino – qui enrichissent les ambiances déjà bien métissées de l’ensemble. On retrouve ainsi, pèle-mêle, tout au long de l’album, des accents pop 60’s très frais, hérités des B.O. de Morricone ou Colombier, le groove métronomique de Can, des pointes psyché qui rappellent le Pink Floyd des débuts, des percussions proches à la fois de l’afrobeat de Fela (et aussi du calypso) et des équations de Battles, voire de Tortoise. L’ensemble sonne toutefois très frais tant ces éléments sont distribués avec parcimonie et retenue.

Ride On A Brand New Time vient donc confirmer les subtils changements d’horizons déjà annoncés par Echotropic, leur dernier E.P. de 2008. S’éloignant peu à peu du post-rock aride des débuts, les couleurs musicales de NLF3 se réchauffent et développent une transe sonique légèrement abrasive, très mélodique. Le disque n’est jamais démonstratif et touche toujours au but : provoquer des émotions, faire ressentir, forcer à s’échapper, voyager… S’émouvoir !

Passionnant !

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