Colin Newman se remettrait-il à écrire des chansons ? Lui qui a pendant des années aimé déclarer dans des interviews que ce temps était révolu et que Wire était désormais tourné vers la recherche d’autres choses, comme l’illustrait l’opus Send, sorti en 2003, fait de rythmiques hallucinatoires propices à la dance music aux accents techno et indus, et de collages expérimentaux à l’atmosphère résolument moderne et oppressante. Opus qui marquait d’ailleurs le retour du groupe après son deuxième break de presque dix ans dans les 90’s.

Or voilà que cinq années plus tard, le recommandable Object 47 écartait d’un grand mouvement de bras ce qui faisait l’unicité de son prédécesseur et nous présentait des morceaux plus épurés, plus directs, plus pop en quelque sorte.
Une orientation conservée par Red Barked Tree comme l’a vaguement laissé penser le single tout justement intitulé Two Minutes, dont les guitares tourbillonnantes ont précédé la sortie de ce nouvel opus. Mais si ce nouvel album contient des sonorités assez similaires à celles d’ Object 47, il est en revanche bien plus audacieux là où son ainé pouvait nous paraître un peu trop sage par moments. En effet l’ensemble, tout en restant homogène, arrive à nous surprendre plus d’une fois en nous emmenant là où on ne l’attend pas.

Ainsi, le premier morceau à l’écriture délicieusement ironique sonne très pop tandis que le suivant, Now Was, n’est pas sans rappeler légèrement les débuts punk du génial Pink Flag. Red Barked Tree nous transporte ainsi, de la ballade abstraite (Adapt) aux beats et mélodies accrocheuses et dansantes de Bad Worn Thing sur un fond de guitares pourtant terriblement mélancoliques qui deviennent ensuite lourdes et tranchantes sur Moreover. L’album culmine sur le morceau jouissif qu’est A Flat Tent, avec ses guitares épiques et son texte satirique assez typique de l’écriture de Newman qui signe là une chanson mémorable. Il convient d’ailleurs de préciser que l’ensemble des paroles de l’album est de qualité, et que l’expérience des années leur a vraisemblablement permis d’affiner leur œil critique et leur sens décalé de la poésie abstraite dans des textes pour la plupart assez remarquables.

(Le groupe au complet depuis le départ du guitariste Bruce Gilbert, peu après la sortie de Send)

De la même manière la production est très travaillée et assez atypique, tout comme sur leurs précédents travaux. Le groupe semble prendre plaisir à modeler le son des morceaux en superposant les couches d’effets, heureusement sans jamais tomber dans l’exagération, et ce travail sur les sonorités peut-être plus poussé que sur Object 47 confère à l’album et surtout aux guitares une aura particulière tout en permettant des subtilités dans les mélodies et les textures. Une volonté de modernisme et d’évolution qui permet au groupe de garder sa crédibilité intacte une trentaine d’années après ses débuts. Combien d’autres formations de la même époque peuvent se targuer d’en faire autant ?

Malgré le caractère expérimental et progressiste qu’a su prendre le travail de Wire au fil de leurs explorations, la musique du groupe est toujours restée relativement accessible. Red Barked Tree vient nous confirmer que malgré un retour à plus de simplicité, apparemment trompeur, et le long chemin parcouru depuis sa trilogie fondatrice de la fin des années 70, Wire est toujours une formation digne d’intérêt, à la fois marginale mais toujours dans le coup. Et j’espère qu’ils continueront, et qu’ils finiront toujours par revenir, que ce soit dans trois, cinq ou dix ans, nous pondre un autre disque intéressant comme celui-là.

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