Le streaming du jour #1056 : Chris Weeks - ’Conductor’ & Kingbastard - ’A Sudden Instance Of Malfunctioning or Irregularity In An Electronic System EP’

Créateur de formes aussi singulier qu’inspiré, l’Anglais Chris Weeks nous livrait le mois dernier chez Odd John deux bijoux aux styles et formats radicalement opposés, avec pour unique point commun les dérèglements trop humains de machines vivant leurs derniers instants.

Nouveau chef-d’œuvre de drone radiant et grésillant dont les saturations démultiplient le magnétisme pénétrant en contrastant avec des harmonies touchées du doigt par le divin, Conductor est ainsi une ode à la fin du règne de l’électricité, usant du bruit statique et autres buzz produits par divers équipements électriques pour donner vie à une symphonie de forces invisibles, ces mêmes forces qui parcourent notre système nerveux et fond du conducteur d’orchestre un objet conducteur lui aussi. En célébrant l’imperfection des vibrations presque organiques qui respirent entre les circuits et que les musiciens électroniques prennent habituellement soin d’éradiquer en post-production, en anticipant leur fin prochaine, l’auteur de The Lost Cosmonaut anticipe également les derniers instants de la civilisation voire de l’humanité, dont la fulgurante évolution depuis deux siècles doit tant à cette énergie naturelle dont on sait désormais qu’elle a créé la vie à partir de rien, ou si peu.

Sur Electric Field puis Amber, le champ électrique semble ainsi incarner à lui seul l’univers tangible, prêt à replonger dans le néant des origines si cette tension vectrice d’une pâleur vacillante dont le cœur irradie doucement la pénombre venait à cesser de battre. Et pourtant, si l’électricité fait désormais partie de nos vies et contribue souvent à ses instants de féérie (Ions), c’est aussi elle qui nous consume comme en témoignent les déferlements harsh des fabuleux Phase Shift et Strange Oscillations ou le titre de l’épopée finale qui vous attend en bonus digital pour tout téléchargement de l’album via Bandcamp, point d’orgue élégiaque et obscur mais pas pour autant dénué d’espoir d’un album dont la majestueuse et austère démesure n’incarne finalement rien d’autre que l’ambiguïté du rêve éternel de l’humanité : aller toujours plus loin dans la conquête des ténèbres, au risque de s’y brûler les ailes, l’âme et le reste.



Quant au nouvel EP de Kingbastard, projet en constante mutation qu’on aura vu passer d’une électro/ambient bucolique à une techno kaléidoscopique et cosmique en l’espace de deux ans, il s’attaque dans une veine tout aussi finement texturée aux derniers soubresauts arythmiques et noisy d’une IDM phagocytée par la machinerie froide et abstraite du numérique. Il y a encore de la vie entre les 1 et les 0 semble nous dire l’intitulé numéraire à rallonge d’un quatrième morceau aux allures de dancefloor martien, et qu’il faille explorer l’antimatière du virtuel (It is Often Used To Describe A Transient Fault That Corrects Itself) ou psychanalyser la folie naissante des circuits en surcharge à la manière des docteurs Booth et Brown d’Autechre (An Interruption In Electric Service, Sanity, Continuity, Or Program Function), Chris Weeks saura à coup sûr la trouver dans ce chaos de blips, de glitchs et de distos :


Streaming du jour - 08.04.2014 par RabbitInYourHeadlights
... et plus si affinités ...
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