Le streaming du jour #917 : Chris Weeks - ’The Lost Cosmonaut’
Ne vous fiez pas à l’esthétique SF géométrique et aux couleurs chromées de sa pochette, ce nouvel opus de Chris Weeks s’enfonce encore un peu plus dans l’opacité de l’espace, dernière étape d’une mue qui aura vu les titanesques chapes de radiations du musicien anglais passer en l’espace de trois disques d’un drone solaire déjà hanté aux limbes élégiaques d’un vortex de matière noire abyssal et désincarné.
Contemplation Moon plus tôt dans l’année, non sans une certaine fascination pour l’infini des astres qui imprègne d’une manière ou d’une autre chacune de ses sorties, avait déjà fait un pas vers une forme d’aridité paradoxalement touffue du côté du label Nibbana (division ambient de Tigerbeat6) au sortir d’une trilogie d’EPs autoproduits aux flux harmoniques saisissants (cf. ici ou là). Cette fois, c’est Odd John Records qui hérite de cette odyssée de désolation tranchant radicalement avec l’électronica plus ouvertement foisonnante de Kingbastard, projet parallèle dont le prochain album Subspace paraîtra également, fin novembre celui-là, sur le tout jeune label anglais.
D’interférences crépitantes (Comms) en rêveries abrasives (Emission), de poussées nucléaires (Thrust) en nappes ionisées (le bien-nommé Ionosphere), The Lost Cosmonaut nous entraîne avec lui dans une mission d’exploration qui tournera bien vite à l’errance claustrophobe. Tirant son nom d’une théorie selon laquelle plusieurs cosmonautes russes auraient été envoyés dans l’espace avant l’épopée Gagarine, missions fantômes dont ils ne seraient jamais revenus, ce troisième long format d’une telle puissance de suggestion qu’il nous faudra bien plus qu’une poignée d’écoutes pour espérer en faire le tour évoque les derniers instants de lucidité de ces pionniers de l’aventure spatiale abandonnés à leur inéluctable destin, entre solitude oppressante (Stasis d’où affleurent quelques notes anxiogènes et pulsations perdues dans le néant), appel du vide (Aeon et ses vents mauvais) et visions d’enchantement aux allures d’allégorie d’un ultime espoir auquel se raccrocher (le céleste et imposant Lagoon).
Une fatalité que le musicien semble néanmoins vouloir déjouer en la confrontant à la chimère finale d’une Terre retrouvée, amerrissage presque irréel sur fond de ressac et d’aurore scintillante dans lequel chacun sera libre de voir un happy end ou le cruel mirage d’un esprit comateux piégé dans un purgatoire de souvenirs à demi fantasmés, ambiguïté dont la musique du Gallois d’adoption se nourrit plus que jamais dans les interstices les plus reculés de notre subconscient :
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