Le streaming du jour #1227 : Mr. Oizo - ’The Church’
L’album sort demain, la fièvre du samedi soir sur le dancefloor c’était hier, autant dire qu’on est à côté de la plaque pour parler de The Church mais quel meilleur hommage à faire à son auteur que d’associer au jour du seigneur ce drôle de manifeste ironique et déliquescent ?
Brainfeeder semblait s’être assagi depuis son arrivée dans le giron du distributeur Ninja Tune, à lorgner de plus en plus près, pour le meilleur (Taylor McFerrin, Thundercat) comme pour le pire (le raté de Matthewdavid), sur les désormais classiques fusions d’électro downtempo et de musique black type soul/jazz/r’n’b qui font l’identité de l’institution londonienne. A l’heure où le label californien multiplie les incursions pop, souvent avec bonheur d’ailleurs (cf. RYAT ou le dernier Daedelus), autant dire qu’on se réjouit d’y voir débarquer notre Quentin Dupieux national pour insuffler un peu de folie dans le consensus ambiant à coups de bangers dégénérés dont le clubbing minimaliste recèle comme toujours, sur The Church, des abîmes de non-sens névrotique.
On a regretté qu’il ne fut pas signé chez Warp du temps du schizoïde et morbide Moustache (Half A Scissor), label qui aurait certainement donné à ce chef-d’œuvre la place qu’il méritait dans le paysage électro de l’époque. Puis on a déploré qu’il ait pu atterrir et squatter si longtemps chez Ed Banger, racoleurs dancefloor bien trop sérieux et bas du front pour accueillir comme il se doit ses élucubrations malsaines et subversives. Aujourd’hui, bien que la réédition de Moustache il y a trois ans par l’écurie de Flying Lotus en dise long sur l’influence de sa musique sur cette scène californienne psychédélique et décalée, difficile de se représenter Mr. Oizo chez Brainfeeder. Trop absurde, dépravé et faussement putassier, est-ce à dire que le trublion n’est à sa place nulle part ?
Eh bien c’est précisément ça qu’on apprécie chez lui, four-to-the-floor malaisant, synthés décadents et groove taré se taillant une fois de plus la part du lion sur ce successeur de Stade 2. Bon, il faut l’avouer, The Church n’est pas toujours aussi subtil dans son délire, et entre les hachures vocales clinquantes et autres volées de beats en boîtes de Bear Biscuit en ouverture, puis l’autocaricature techno-goth d’un Ham dont Mr. Oizo déclinera heureusement les motifs cheap dans la foulée sur un Destop nettement plus intrigant et ambivalent avec ses incursions planantes aux synthés oniriques, l’album ne démarre pas vraiment sous les meilleurs auspices.
Toutefois, moins sur le fil du tape-à-l’oeil que l’équilibriste mais parfois tapageur Lambs Anger tout en déjouant davantage les codes de la techno que le récent EP d’Handbraekes avec Boys Noize grâce aux gimmicks hip-hop et acid house passés à la moulinette psychopathique de Dry Run, à la 8-bit colorée d’un Mass Doom dont la frénésie faussement légère vous lessive le cerveau en moins de deux, aux rondeurs chill déglinguées de ISoap ou encore au lyrisme vintage d’un Memorex évoquant Giorgio Moroder remixé dans l’éther par Air, l’album finit par trouver comme tous les précédents son emplacement privilégié dans la discographie dada du beatmaker et cinéaste parisien, entre deux virées technoïdes baroques et dérangeantes comme lui seul en a le secret (Machyne, Torero).
Ce qui ne l’empêche pas de clore, avec le morceau-titre, sur un road trip catho aux faux airs de slasher sataniste, tout à fait le genre de virées provocatrices et distordues que l’on s’attend à partager en embarquant dans la poubelle roulante de Flat Eric... on ne se refait pas !
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