Entretiens à Twin Peaks : #62 - Laetitia Shériff

Après quelques mois de pause qui nous auront permis de publier les 11 premiers volets du projet, nos entretiens avec les participants à la compil’ Twin Peaks d’IRM reprennent avec Laetitia Shériff, dont on retrouve le délicatement électrique And It’s Enough au générique d’IRMxTP Part VII - Where We’re From, There’s Always Music in the Air (Heaven Is a Large and Interesting Place) fraîchement sorti et en écoute/téléchargement libre ici.

Aux origines du projet IRMxTP, nous n’osions pas espérer une telle adhésion de la part de ceux qui sont pour beaucoup nos artistes de chevet. La perspective d’en réunir une trentaine aurait déjà satisfait l’ensemble de la rédaction mais, la passion étant contagieuse, il fut rapidement difficile de s’arrêter et la liste des musiciens contactés n’a cessé de s’allonger.

S’il serait ridicule de procéder à tout classement puisque quand on aime - et on aime ! - on ne compte pas, Laetitia Shériff fait néanmoins partie des premiers artistes que nous avons contactés. Il faut dire que, de Codification à Pandemonium, Solace and Stars en passant par Games Over, elle a réalisé des disques incontournables, plébiscités par l’ensemble ou presque de la rédaction.

Au-delà de la grande estime que nous portons à Laetitia Shériff, quelques-unes de ses réalisations, particulièrement le clip de The Living Dead figurant sur Pandemonium, Solace and Stars, nous laissaient soupçonner un certain attrait de la chanteuse pour l’univers de David Lynch.

Pari gagné puisque, comme elle l’évoque au cours de cet entretien, l’artiste, adolescente à l’époque, a très rapidement été attirée par le générique de Twin Peaks et, pour les besoins d’un projet au cours duquel elle témoignera d’autant de gentillesse que de patience (notre volume 7 ayant été maintes fois repoussé), elle a accepté de composer un morceau exclusif, enregistré et mixé par son compagnon Thomas Poli.



L’interview



- IRM : Comment résumerais-tu ton rapport à Twin Peaks ? A l’univers de Lynch en général ?

Laetitia Shériff : Un lien avec mon adolescence. Ma mère regardait Twin Peaks sur la cinq, à l’époque (chaîne appartenant à Berlusconi !). J’étais déjà sensée être couchée les soirs où la série passait mais j’étais tellement folle de la musique du générique que j’attendais, derrière la porte du salon, la fin de l’épisode pour l’entendre de nouveau. Par contre, j’étais effrayée par les dialogues et les sons. Je ne comprenais rien du tout. Ça me fascinait.
On dit souvent que Twin Peaks, c’est compliqué à comprendre, pour info, on regardait aussi Les feux de l’amour à la maison.
Je trouve Lynch libéré ou devrais-je dire libre. J’aime cette façon qu’il a de donner des clefs pour comprendre ou pas le sens de la vie.

- Ton personnage préféré dans la série ?

Dale Cooper !

- Une scène qui t’a particulièrement touché... ou fait flipper ?

La toute dernière. "Oh mais non !"



- Tu as enregistré un morceau pour notre future compilation Twin Peaks, quel aspect de la série t’a inspiré ? Toute anecdote est bienvenue !

Ce morceau, c’est un peu le générique d’une série où tout serait révélé dès le premier épisode. Peut être à cause du format chanson. Je me rappelle que le générique de Twin Peaks était instrumental et quand j’ai découvert la chanson Falling, houlala, ça m’a ouvert des portes. C’est donc aussi un hommage à ce beau morceau d’Angelo Badalamenti interprété par l’étrange Julee Cruise.
J’ai aimé et pleuré sur cette chanson d’Amour (beaucoup moins que Donna quand même). J’avais 13 ans.

- Tu as eu vent de quelques-uns des musiciens impliqués dans ce projet. Duquel es-tu le plus curieux d’entendre la contribution ?

Wouah, il y a du monde ! J’en connais très peu. J’aime beaucoup Benoît Pioulard. Son label Kranky est l’un de mes préférés. Sinon, j’étais contente de voir que Les Marquises et mr.teddybear participaient au projet.

- Un album vers lequel tu reviens quand il te faut ta dose de Garmonbozia ?

Q : are we not men ? A : We are Devo !



- Ta dernière parution discographique, c’est l’EP The Anticipation en 2015. Quelques mots à ce propos ? D’autres projets sur les rails ?

Après mon dernier album (Pandemonium, Solace and Stars), nous avons eu la chance de partir sur la route avec Thomas Poli (qui a enregistré l’album puis qui joue de la guitare et des synthétiseurs en live) et Nicolas Courret (batterie sur l’album et live). Cela coulait de source qu’on aille en studio tous les trois. Comme pour prendre une photo d’un moment qu’on n’a pas envie d’oublier. On a été soutenus par Peter Deimel du Black Box Studio (cinq morceaux enregistrés et mixés en très peu de temps).
Cet EP clôture aussi une trilogie : l’EP Where’s my ID ? (Impersonal Freedom, 2012), Pandemonium, Solace and Stars (Impersonal Freedom/Yotanka, 2014) et donc The Anticipation (Impersonal Freedom/Yotanka, 2015).
Je vais continuer ma route et joyeusement me perdre dans d’autres projets : des musiques pour le premier moyen métrage de Yann Chemin, pour deux pièces de théâtre de la compagnie Unijambiste et aïe aïe aïe, puis poursuivre les ciné-concerts Sa Majesté des Mouches de Peter Brook en solo que je défends depuis 2010 et Le Ballon Rouge d’Albert Lamorisse avec Stéphane Louvain (French Cowboys) et François Ripoche (Francis et ses Peintres). Désolée, ça fait toujours crâneuse de lister ses activités.


Laetitia Shériff sur Bandcamp / Facebook / Youtube



English translation



- IRM : How would you describe your relationship with Twin Peaks ? With the work/world of David Lynch in general ?

Laetitia Shériff : A link with my teenage years. My mother was watching Twin Peaks on the 5th channel at the time (owned by Berlusconi !). I was supposed to be sleeping already the nights when the show was on, but I was so crazy about the music from the ending credits that I was waiting for the episode to end behind the living room door so i could hear it again. On the other hand, I was frightened by the dialogues and sounds. I didn’t understand anything. It fascinated me.
It is often said that Twin Peaks is hard to understand, FYI we were also watching The Young and the Restless at home. I find Lynch liberated... or should I say free. I like the way he has to give us keys to understand - or not - the meaning of life.

- Your favorite character in the series ?

Dale Cooper !

- A scene that particularly moved - or scared - you ?

The very last one. "Oh nooo !"

- You recorded a track for our forthcoming Twin Peaks compilation, what aspect of the series inspired you ? Any anecdote about that ?

This track is kind of like the credits of a series where everything would be revealed from the first episode. Maybe because of the song format. I remember that the music from Twin Peaks opening credits was instrumental and when I discovered the song Falling, wow, it opened some doors for me. It’s also a tribute to this beautiful piece of music from Angelo Badalamenti, sung by the strange Julee Cruise.
I loved and cried over this Love song (much less than Donna though). I was 13 years old.


- You heard about some of the musicians involved in this project. Which one are you the most curious to hear the contribution from ?

Wow, there are a lot of people ! I only know a few of them. I really like Benoît Pioulard. His Kranky label is one of my favorites. Otherwise, I was happy to see that Les Marquises and mr.teddybear were taking part in the project.

- An album you often listen to when you need all your Garmonbozia ?

Q : are we not men ? A : We are Devo !

- The last record you released was The Anticipation EP back in 2015. A few words about it ? Some other projects on the way ?

After my last album (Pandemonium, Solace and Stars), we had the chance to hit the road with Thomas Poli (who recorded the album and plays guitar and synthesizers on stage) and Nicolas Courret (playing drums both on the record and on stage). It went without saying that the three of us should step into a studio together. Like taking a picture of a moment that we didn’t want to forget. We were supported by Peter Deimel from Black Box Studio (five tracks recorded and mixed in a very short time).
This EP also closes a trilogy : the EP Where’s my ID ? (Impersonal Freedom, 2012), Pandemonium, Solace and Stars (Impersonal Freedom/Yotanka, 2014) and thus The Anticipation (Impersonal Freedom/Yotanka, 2015).
I will continue my journey and happily lose myself into other projects : music for Yann Chemin’s first medium-length film, for two plays from the theatre company Unijambiste et aïe aïe aïe, then continue the movie music performances with Peter Brook’s Lord of the Flies that I have been defending in solo since 2010 and Albert Lamorisse’s Le Ballon Rouge with Stéphane Louvain (French Cowboys) and François Ripoche (Francis et ses Peintres). Sorry, it always sounds snotty to list one’s own activities.




Un grand merci à Laetitia Shériff pour avoir joué le jeu de l’interview, et bien sûr pour son morceau And It’s Enough, que voici :




Crédit photo : Yoann Buffeteau.


Interviews - 03.12.2017 par Elnorton, RabbitInYourHeadlights


Le streaming du jour #1738 : IRM presents - 'IRMxTP Part VII - Where We're From, There's Always Music in the Air (Heaven Is a Large and Interesting Place)'

Après le volume 11 vient le 7. Rien de logique dans tout cela, et si Where We’re From, There’s Always Music in the Air (Heaven Is a Large and Interesting Place) était le seul des onze premiers volets de notre projet hommage à Twin Peaks à ne pas encore avoir été partagé, c’est parce que sa réalisation fut pour nous un véritable parcours du (...)