Le streaming du jour #1679 : Tricky - ’Ununiform’

La sortie d’un nouvel album de Tricky n’est plus un événement. Actif depuis plus de deux décennies, le Kid de Bristol n’est, il faut bien l’avouer, plus aussi percutant qu’à l’époque des débuts, quand Maxinquaye, Nearly God ou Angels With Dirty Faces brillaient par leurs productions abrasives.

Cela n’a pas empêché Tricky de concocter quelques beaux disques ces dernières années, qu’il s’agisse de False Idols en 2013 ou Skilled Mechanics l’an passé. Mais à côté de ces agréables surprises, le Britannique avait alterné mauvais goût criant (Mixed Race), manque d’inspiration édifiant (Adrian Thaws) et remplissage évident (Knowle West Boy qui n’en contenait pas moins quelques beaux passages).

Bref, presque quinquagénaire, Tricky n’a plus la fougue de ses vingt ans, et ce n’est de toute façon pas (plus) cela que l’on attend de lui. Lui-même pensait-il atteindre un jour cet âge avancé ? Rien n’est moins sûr, et l’ancien collaborateur de Massive Attack jure qu’il n’aspire désormais à rien d’autre qu’une vie bien rangée. Depuis trois ans qu’il vit à Berlin, Tricky décrit une vie routinière dont il semble se satisfaire : je ne connais personne ici. Je mange bien, je me promène, j’ai un vélo. J’essaye de prendre soin de moi. Je ne bois pas ici. Je mène une vie que certains jugeraient ennuyeuse, je me lève à 9 heures et m’endors à 23 heures le soir. Je prends soin de moi".

Avec Ununiform, Tricky n’échappe en tout cas pas à ses vieux démons et compose un disque en forme de patchwork, que le trop grand nombre d’invités rend parfois trop épars. Toutefois, il faut bien avouer que cette paix intérieure que le Bristolien semble avoir trouvée amène un débit moins soutenu et qu’une homogénéité poussée à l’extrême aurait rendu l’ensemble monotone.

Difficile de trouver le bon équilibre et quand certains invités ne donnent guère satisfaction, à l’image d’une Terra Lopez qui semble forcer son propos sur Armor ou le flow lourd de Smoky Mo sur Bang Boogie, d’autres ne semblent pas à leur place sur un disque de Tricky comme Avalon Lurks dont la reprise folk du Doll Parts de Hole ne manque pas de charme mais intervient comme un cheveu sur la soupe entre deux titres aux beats tranchants.

Reste heureusement la bonne surprise Mina Rose qui apporte une nuance bienvenue avec un entrain doux-amer sur la cavalcade électrique saturée de Dark Days avant de dompter les nappes d’un Running Wild minimaliste, et les fidèles que sont Francesca Belmonte, laquelle dynamite un New Stole langoureux à souhait, et évidemment Martina Topley-Bird.

Pour ces grandes retrouvailles avec celle qui fut sa muse sur ses quatre premiers albums, Tricky a réservé à Martina Topley-Bird un titre de choix. When We Die fait déjà office de classique tant, sur une production downtempo mais néanmoins puissante, la voix lézardée de Tricky prépare admirablement le terrain pour le chant aérien dévastateur de l’auteure de Quixotic.

D’autres grands moments apparaissent, qu’il s’agisse de la production cardiaque d’un Blood Of My Blood tranchant ou de l’autre sommet que constitue la ballade The Only Way sur laquelle les contrepoints de piano et la voix susurrée mais affirmée de Tricky évoque des réminiscences réjouissantes de Maxinquaye.

Ununiform contient donc les défauts inhérents aux dernières productions de Tricky, à savoir une diversité de registre excessive qui nuit à la cohérence d’ensemble et quelques prises maladroites parmi ses invités. Pour autant, certains coups d’éclats et la voix sulfureuse d’un Tricky retrouvé suffiront à justifier l’écoute et l’appropriation de ce disque.


Streaming du jour - 27.09.2017 par Elnorton
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