Chromosome Ubu

Connaissez-vous l’art-thérapie ? Bill Gage non plus, probablement. Bill ne fait pas de musique pour se soigner ; Bill est tout simplement musicien. Certes, Bill est également trisomique, et personne autour de lui ne fait semblant de l’ignorer. Mais quand on écoute BILL, le groupe dont il est le chanteur et l’inspirateur, ce n’est pas forcément à ça qu’on pense. Pour être franc, la première fois que j’ai entendu BILL sur MySpace, j’ai pensé à David Thomas, le leader caractériel de Pere Ubu. Pourtant, ce dernier ne souffre d’aucune anomalie génétique connue, et personne n’osera prétendre qu’il soit intellectuellement diminué. Alors d’où vient la comparaison ? "Est-ce qu’il est en train de dire que David chante comme un mongolien ?" se demanderont, méfiants, les fans de Pere Ubu. Euh, non. Je suis en train de me rendre compte qu’un "mongolien" peut être chanteur de rock. Que si l’on appliquait les critères habituels de "normalité" aux artistes, il n’y aurait tout simplement plus d’art - il ne resterait que l’entertainment, cette forme dégénérée de l’expression artistique dont on a extirpé tout ce qui mérite d’être exprimé pour ne laisser que ce qui sera facile à vendre le plus rapidement possible au plus grand nombre. En cela, Bill est aussi un symbole de résistance, ni plus ni moins que Thomas ou que tous les artistes qui s’obstinent à être eux-mêmes, sans rien sacrifier aux rêves éphémères du "succès". La seule différence réside au fond dans le fait que Thomas possède les outils intellectuels pour théoriser sa déviance. Bill se contente d’être Bill.

Pere Ubu - Birdies
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BILL
Sur scène en octobre dernier.

Quiconque écoute BILL ne peut, bien sûr, ignorer les limitations du vocaliste : ne comptez pas sur lui pour de grandes envolées poétiques, ni même, la plupart du temps, pour des paroles intelligibles ; quant à sa conception de la mélodie, elle est assez rudimentaire. Mais l’essentiel est ailleurs : soutenu par un groupe créatif (emmené par son dévoué frère John), complètement investi dans son art, Bill dégage une passion, une énergie et, pourquoi ne pas le dire, une émotion dépourvues de tout artifice. Sa générosité a de quoi mettre la honte au front de plus d’un chanteur célébré. Alors que l’on pourrait s’attendre à un ânonnage répétitif (rock on, Wesley Willis, on t’aimait beaucoup aussi), sur son album Bat Man , BILL se révèle tour à tour inquiétant (le chanteur aime les films d’épouvante : atmosphérique et menaçant, The Spider colle la trouille, tandis que Big Foot est agressif et grinçant), bizarroïde (Chinese), voire franchement crétin (Steve Pepper ou le heavy metal à la sauce BILL)... Sur les musiques volontairement hétéroclites que lui propose le groupe, Bill pose sa voix avec un instinct souvent épatant, improvisant le texte au gré de l’inspiration du moment. Avec une étonnante versatilité, il vocifère, murmure, crie, apostrophe, bégaie, grogne... Bill aime aussi terminer sur un "THANK YOU" ou un "GOODBYE", histoire de bien nous faire comprendre qu’il a fini.

Pour le coup, j’ai bien envie de m’inspirer de lui. MERCI. AU REVOIR.

www.myspace.com/badclothes


Blog - 22.11.2007 par jediroller
... et plus si affinités ...
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BILL - The Spider