My Morning Jacket - Evil Urges

Que reste-t-il lorsque l’on est l’auteur de Z , chef d’œuvre atemporel paru en 2005 ? Comment survivre à cette brillante immortalisation des grands espaces américains ? Prairie remplie d’espace, d’air et de temps où, au coucher du soleil, Neil Young rencontrait Matt Elliott et Sparklehorse au coin d’un feu. Car il est bien question de cela. De survie. Survivre à un tel choc telle est la mission épineuse et gigantesque à laquelle s’attaque My Morning Jacket avec son nouveau-né Evil Urges.

1. Evil Urges
2. Touch Me I’m Going To Scream Part 1
3. Highly Suspicious
4. I’m Amazed
5. Thank You Too
6. Sec Walkin’
7. Two Halves
8. Librarian
9. Look At You
10. Aluminum Park
11. Remnants
12. Smokin From Shootin
13. Touch Me I’m Going To Scream Part 2
14. Good Intentions

date de sortie : 10-06-2008 Label : ATO Records

Ils sont combien ? Combien à avoir coulé après un chef d’œuvre. Tellement. Television et son Marquee Moon, My Bloody Valentine et son Loveless, Oasis et son What’s the Story ? ( Morning Glory) pour ne citer qu’eux. Au moment où résonnent pour la première fois dans nos oreilles les premières mesures d’ Evil Urges, on a de quoi être inquiet. On a tellement vibré et aimé son magnifique prédécesseur que l’on a envie que les 5 du Kentucky se relèvent. Pourtant l’entrée en matière a tout pour faire fuir. Un premier single éponyme tellement étrange que l’on s’est demandé, lorsqu’il est arrivé à la rédaction d’IndieRockMag, s’il ne s’agissait pas d’une erreur. Des rythmes funky et une voix haut perchée qui rappelle Prince (!).

Est-ce là un moyen de dérouter et de détourner les auditeurs sceptiques afin de laisser les charmes d’ Evil Urges ne s’ouvrir qu’aux plus méritants ? En plage 3, l’horrible Highly Suspicious fait définitivement fuir les plus frêles. Pourtant... pourtant le miracle va commencer.

Quelque part on se doutait bien que le groupe allait se relever et nous entrainer à nouveau dans une contemplation du temps tranquille et paisible où l’on n’aurait qu’à se faire guider. Il ne sera pas exactement question de cela. Car Evil Urges est plus complexe et perfide que pouvaient l’être un Z ou un Tennessee Fire. Il est un aller-retour permanent entre échappées bucoliques et oppressantes atmosphères urbaines. Ces changements, ces mouvements permanents fascinent, entrainent, rendent cet album passionnant et nébuleux. Ils obligent l’auditeur à une attention constante. C’est ce changement qui est le plus notable dans ce disque en agitation perpétuelle. Après les grands espaces, My Morning Jacket nous fait découvrir une autre facette des États-Unis que malgré tout ses excès, ils admirent encore tant. Plus éclatée, à la fois urbaine et pastorale.

Mais les répits accordés, les fuites vers le calme et l’inconnu sont d’une beauté si pure qu’ils en semblent presque effrayants ou tout du moins irréels. Plus clairs et presque débarrassés de cette reverb’ dont on avait parfois l’impression qu’elle cachait quelques carences. Ces quelques doutes sont balayés. Comme une évidence. Les ballades sont nues, limpides (Sec Walkin’, Look At You). Les morceaux s’enchainent de façon tellement limpide que cela en devient presque trouble. Malgré ces changements d’ambiance, l’ensemble est incroyablement cohérent. On est constamment en trajet. Entre la bucolique campagne et une ville qui nous est inconnue. Une Ville, la ville. Dense et oppressante, que l’on cherche à fuir sans cesse. Où règnent trafic et pollution.

Les échappées sont vitales. Ces fugaces escapades dont on voudrait qu’elles ne s’arrêtent jamais. Ces après-midis de calme passées à contempler le silence. Alors qu’on était toujours rattrapé à un moment ou à un autre, à partir de Smokin’ For Shootin’ qui fait suite au tendu, enlevé et réussi Remnants, on fuit pour tout oublier. On entend une dernière fois ce qui semble ressembler à de stridentes sirènes de police qui font place au vent. Et cette fois-ci est la bonne. On s’oublie, on se vide. Les évanescents répits passés vont maintenant pouvoir s’éterniser.

Good Intentions et ses 8 secondes permettent de reprendre son souffle après cette course effrénée contre cette suffocante atmosphère urbaine.

En ce mois de juin qui devait s’annoncer calme, les américains de My Morning Jacket viennent d’envoyer un signal fort. Oui, on peut survivre à un chef d’œuvre. C’est même une nouvelle carrière qui commencent pour eux. Oubliez son glorieux ainé pour avancer. Evil Urges a tout d’une renaissance. Sublime et idéale. Peut-être juste un ton en dessous de Z. Ou tout simplement différent. Y donc. C’est parfait.

Chroniques - 10.06.2008 par Casablancas
 


Articles // 14 juin 2011
Top albums - mai 2011

A l’image de nos votants qui semblent avoir pris plaisir à papillonner en cette fin de printemps, butinant de style en style et d’album en album pour finalement en plébisciter une petite dizaine par voie des urnes, quelques mots succincts et un peu de son nous suffiront bien pour vous orienter vers le ou les groupes susceptibles d’obtenir vos (...)




Scruté par l’étrange œil machinique de sa pochette aux faux-airs prog et attendu au tournant par un Holdin’ On To Black Metal au titre évocateur de mille transgressions kitsch, on ne savait pas vraiment quoi attendre de ce Circuital.