Comité d’écoute IRM - session #3 : The Afghan Whigs, Cibo Matto, Linda Perhacs, Pixies & Tuxedomoon

Ça n’est pas parce qu’on n’en avait pas encore parlé qu’on n’a rien à en dire : chaque semaine, les rédacteurs d’IRM confrontent leurs points de vue sur 5 albums de l’actualité récente - en l’occurrence 5 "retours" de groupes récemment reformés ou d’artistes disparus des radars pendant quelques années.

Mieux que la NSA, le "Comité d’écoute IRM" vous renseigne !




The Afghan Whigs - Do To The Beast (Sub Pop)



Le Crapaud : J’ai bien essayé, écouté, réécouté... mais ce classic rock me laisse indifférent : sans être complètement mauvais, c’est pas super non plus. Cependant, lorsqu’il frise l’emphase de U2, je me décide à classer cet album parmi ceux que je ne réécouterai probablement jamais (dans ma corbeille)...

Rabbit : Bien loin de l’alternative rock grungy et tourmenté d’un Gentlemen, les Afghan Whigs alignent mid-tempos mécaniques, grimaces vocales, hymnes un peu trop ostentatoires et gros riffs appuyés de papis sur le retour. Quelques bons titres (la ballade Algiers, l’efficace Royal Cream) mais pour le coup on espérait bien mieux de Greg Dulli, toujours bien actif et parfois même très bon avec les Twilight Singers et surtout The Gutter Twins.

Elnorton : Une recette éculée qui, pour moi, ne suscite plus beaucoup d’intérêt. Surtout pas quand les codes du rock mainstream sont tellement mis en avant que cela frôle parfois la caricature.

Nono : Je dois d’abord avouer que, si The Afghan Whigs a bercé mon adolescence, les autres projets de Greg Dulli m’ont laissé indifférent. Après avoir visionné la vidéo d’Algiers, extrait de ce Do To The Beast, et appris le départ du guitariste originel, je savais que je devais m’abstenir. En effet, l’absence des riffs acides de Rick Collum se fait cruellement ressentir et seuls quelques morceaux (It Kills, Royal Cream) peinent à relever le niveau d’un album qui me semble, au mieux, anecdotique. La magie n’opère plus.

UnderTheScum : S’il faut reconnaître à Greg Dulli le mérite d’avoir osé autre chose (mais avait-il seulement le choix en l’absence du guitariste Rick McCollum ?), le résultat n’est malheureusement que peu convaincant au regard de ce que fut le groupe et du mariage entre rock alternatif et influences soul music qui avait en grande partie fait son succès.

Riton : Même si j’avoue avoir apprécié des albums comme Congregation ou Gentlemen, l’effort d’écoute ne parvient ici pas à m’atteindre une seule seconde, face à un rock alternatif vieillot et stéréotypé.



Cibo Matto - Hotel Valentine (Chimera Music)



Elnorton : Changements de rythme, groove imparable, ce retour de Cibo Matto est clairement une réussite. Si, en milieu d’album, l’auditeur peut se perdre dans les méandres de ces compositions labyrinthiques mélangeant rock, électronica et trip-hop, elles sont, la majeure partie du temps, stimulantes et abouties.

Le Crapaud : Une électro pop groovy, acidulée et déjantée, plutôt réjouissante. Parfois déconcertante, d’autres fois agaçante, la musique des deux new-yorkaises mène vers des contrées inconnues peuplées de champignons géants et de fraises tagada. Ça vaut le détour !

UnderTheScum : Est-ce parce que la musique a eu le temps d’évoluer en 15 ans et que même Viva ! La Woman ne posséderait pas la même originalité s’il sortait aujourd’hui, ou est-ce tout simplement un manque d’inspiration de la part des deux New-Yorkaises ? Sûrement un peu des deux, toujours est-il que ce retour parait assez fade en terme d’émotion et même la folie semble assez vaine.

Rabbit : Fidèles à elles-mêmes, les filles de Cibo Matto communiquent leur plaisir de jouer avec les codes de la pop, de télescoper les humeurs et les sonorités. J’aurais aimé y retrouver l’influence plus expérimentale des sorties solo de Yuka Honda chez Tzadik ou le groove échevelé de Butter 08 qui les vit s’associer à la fin des 90s avec Russell Simins du Jon Spencer Blues Explosion sur le label des Beastie Boys, mais dans l’ensemble l’album tient ses promesses avec mentions spéciales aux accents tribaux et jazzy du langoureux morceau-titre et surtout au troublant Empty Pool.

Riton : Un album rafraîchissant et bienfaiteur sous ses airs de sucrerie pop, électro et r’n’b moderne taillée pour Tracks. Même les plages trip-hop un peu mollassonnes et le souvenir d’albums passés et de disques solo bien plus aventureux n’y gâchent rien.



Linda Perhacs - The Soul Of All Natural Things (Asthmatic Kitty)



Rabbit : 44 ans après l’éthéré et toujours aussi fascinant Parallelograms qui fit basculer la folk dans la modernité au même titre que les albums de Nick Drake, Jackson C. Frank ou Tim Buckley, l’Américaine sonne toujours aussi généreuse, juvénile et gourmande en chemins de traverse sur cet album qui semble vouloir rattraper quatre décennies de musique, allant jusqu’à se frotter aux guitares claires et tortueuses de Radiohead (Immunity) ou ridiculiser Kate Bush sur son propre terrain (Intensity). Forcément moins essentiel, légèrement trop produit peut-être mais sincèrement, qui pour écrire des mélodies comme celles de Freely ou River Of God aujourd’hui ?

Elnorton : Un disque effectivement fameux dont les sommets tels qu’Immunity ou River of God sont les témoins d’une réelle ambition artistique que Linda Perhacs a toujours les moyens d’assumer.

UnderTheScum : Parallelograms faisant partie de mes classiques et étant moyennement friand des retours, je n’étais pas très rassuré à l’idée de ce nouvel album. Le nom de Julia Holter dans les collaborations m’ayant un peu rassuré j’ai franchi le pas et ce fut une agréable surprise : ces plus de 40 années écoulées n’ont pas entaché la sincérité de l’Américaine qui revient avec un album moderne, teinté de sonorités électroniques. Si elle n’a pas renoncé à ses valeurs le ton se fait en revanche un brin plus mélancolique.

Riton : Une écoute au départ beaucoup trop hantée par les fantômes de Parallelograms, et pourtant finalement facile de se rendre compte à quel point les 44 années passées n’ont étrangement rien changé au caractère fascinant et majestueux de la folk de Linda Perhacs. La musique, toujours aussi belle, a gagné aussi en modernité, à l’instar d’Intensity, dont le nom pourrait très bien qualifier à lui seul l’album.



Pixies - Indie Cindy (PIAS)



Elnorton : Indie Cindy est-il, comme prévu, le plus mauvais album des Pixies ? Assurément, oui. Est-il un ratage total ? En revanche, non. Le cinquième album des Américains, vingt-trois ans après Trompe Le Monde, est inégal au possible, alternant le très bon (What Goes Boom) et l’insipide. La déception reste très relative car, on ne va pas se mentir, on ne s’attendait pas à beaucoup mieux.

Le Crapaud : Après un départ en trombe, (l’effectivement remarquable What Goes Boom), le légendaire groupe de grunge glisse sur une flaque de soupe et effectue une chute vertigineuse dans l’insignifiance. Retour difficile.

Rabbit : Un peu moins sévère que mes camarades car c’est évident que l’on attendait plus rien de la bande à Frank Black depuis l’officialisation du départ de Kim Deal, un premier EP très moyen voire déjà les premiers concerts de reformation qui n’apportaient rien de bon si ce n’est la satisfaction de les avoir vus ou revus sur scène, je sauverai quatre morceaux (What Goes Boom,
Bagboy, Magdalena
et Silver Snail), juste de quoi faire tenir l’album maladroitement debout entre deux abîmes kitsch (le pseudo hard rock de Blue Eyed Hexe) ou dégoulinants (Ring The Bell, Andro Queen) bien indignes de leur indie rock surréaliste et déglingué d’il y a déjà un quart de siècle.

Nono : Sans être à la hauteur de ses légendaires prédécesseurs (cela aurait relevé du miracle), Indie Cindy reste la preuve que Frank Black/Black Francis est, depuis bientôt 30 ans, l’un des meilleurs songwriters. Un disque largement au niveau des productions que l’artiste sort depuis 2007 et son retour en grâce dans ma platine. Je suis persuadé que l’album serait sorti estampillé Frank Black ou Black Francis tout le monde aurait crié au génie.

UnderTheScum : Typiquement le genre de retour que je ne m’explique pas. L’album n’est certes pas une purge, mais pour un groupe de cette envergure revenir vingt ans plus tard pour sortir un album si anecdotique, c’est assez triste. A noter quand même que le format LP passe mieux que les EP pris séparément.

Riton : Était-ce nécessaire franchement ? Il y a beau y avoir quelques sursauts, je doute y revenir aussi souvent que certains de leurs classiques. La faute à de gros à priori, je n’avais d’ailleurs pas l’intention d’écouter ce disque jusqu’à maintenant.



Tuxedomoon - Pink Narcissus (Crammed Discs)



Le Crapaud : Ça se passe dans un caveau où règne un nuage de fumée opaque, Tuxedomoon plante une ambiance langoureuse, entre jazz et drone, méditation et contemplation, une trompette bouchée grince et un piano s’égraine. Un "narcisse rose" aux pétales moites.

Elnorton : Je ne doute pas que les compositions jazzy-downtempo de Tuxedomoon, oscillant entre ambiances éthérées et menaçantes, puissent satisfaire certaines paires d’oreilles averties, mais pour ma part, entre agacement et désintérêt, je peine à y trouver mon compte.

Rabbit : A l’exception des samples anachroniques d’Hassidic Pizza, la mixture narcotique du quintette californien a gagné en finesse depuis quelques années et si les vétérans no wave n’ont rien perdu de leur goût pour les lignes de basse au groove hypnotique et une certaine théâtralité fantasmagorique et névrosée, c’est surtout la dimension darkjazz qui s’impose sur ce Pink Narcissus étonnamment peu médiatisé et pourtant superbe.

Nono : Je n’aimais déjà pas le groupe quand j’étais ado alors...

Riton : Nouvelle bande-son pour le film Pink Narcissus de James Bidgood, dont la teneur érotisante et dérangée semble parfaitement retranscrite. L’avant-garde psychédélique cuivrée du groupe culte américain nous fait planer, mais, en l’absence d’images sans doute, ne parvient pas à éviter les lourdeurs... mais est-ce peut-être voulu ?!

UnderTheScum : Un artiste que je n’ai jamais pris trop le temps d’écouter, sans raison. Ce Pink Narcissus et son fascinant voyage expérimental, tout en restant très accessible, va me pousser à corriger cela.


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