2023 dans le rétro
Une nouvelle fois, c’est dans les marges qu’il aura fallu aller chercher le meilleur de 2023. Retour rapide (et sans véritable classement) sur les albums marquant de cette année par ailleurs bien merdique.
Pour autant, c’est sans conteste le Farewell des Uruguayens de Hangwire qui, à mes yeux, trône au sommet de cette rétrospective. Dans un monde idéal, le groupe d’Andrés D’Souza (dont l’interview est toujours disponible chez nous) ferait la couverture de Rock&Folk ou de toute autre publication mainstream et remplirait des stades de foot. Et si leurs statistiques d’écoutes sur Spotify sont tout à fait honorables, c’est bien plus haut que l’on voudrait les voir. Avec dans leur besace, des titres tels que Dasein (un chef-d’œuvre au niveau des Joy Division et consorts), Permanent/Replica, This Fun Machine ou encore Bones, Hangwire tient la dragée haute aux plus grands des Grands Anciens. Ces gars-là sont du calibre des Pixies, qu’on se le dise.
La vieille Europe n’est pas en reste et il s’en passe encore de belles du côté de Vigo. Et si le Celta se bat pour le maintien, c’est loin d’être le cas de Trajedesaliva & Maud The Moth dont le Bordando El Manto Terrestre joue clairement le haut du tableau. Aussi subtil que puissamment évocateur, ce nouvel album remonte encore d’un cran le niveau -déjà hallucinant- d’Ultratumba. L’écoute des joyaux noirs que sont Perdì Pie, Hilos de Fantasia ou Circulo Roto achèvera de convaincre les sceptiques. L’ombre tutélaire de Badalamenti plane encore sur certaines compositions, mais c’est bien avec ce style qui leur est propre que Trajedesaliva & Maud The Moth emportent tout.
Dans ces colonnes, ce n’est un mystère pour personne, on aime beaucoup Arnaud Chatelard alias Innocent But Guilty. Le musicien et patron du label bordelais Foolish Records a multiplié les collaboration de qualité tout au long de l’année. Mais puisqu’il faut en retenir certaines plutôt que d’autres, rappelons à quel point sa collaboration avec la poétesse francilienne Messyl a marqué les esprits. Leur album Murmure est un bijou à la sensibilité percutante. Quiconque a écouté Gangrène voit bien de quoi on parle. Une discographie n’est pas complète sans cet album. Un album incroyable, c’est bien. Deux, c’est encore mieux. Avec Adrenaline, Innocent But Guilty & Wilfried Hanrath inventent le free jazz du XXIe siècle, ce qui n’est pas rien. Mention spéciale pour le morceau titre long de dix minutes et qu’une fois achevé, l’on trouve encore un peu court.
Qui d’autre serait capable de placer deux albums dans un classement annuel sinon l’immense Natalia Beylis ? Seule (Mermaids) ou en duo (She Came Through the Window to Stand by the Door avec Eimear Reidy), l’Irlandaise rappelle qui est la patronne de l’experimental, faisant entendre une voix singulière dans le paysage -pourtant bien chargé- du (vrai) underground avec ses morceaux aussi sensibles que chaleureux.
Chacun des albums suivants mériterait un développement plus conséquent. Le temps, l’espace et la volonté de ne lasser personne nous en empêche malheureusement. Notons tout de même l’excellent projet FEMMES initié par Antonella Eye Porcelluzzi et qui regroupe pléthore d’artistes explorant le thème de la féminité. On retrouve l’artiste italienne sur l’album Non Uccidere Il Pesce d’Oro avec l’excellent Julien Ash. Le Pape de la musique expérimentale hexagonale a encore marqué l’année de son empreinte. Toute honte bue, je citerai ici An Alternative to Consciousness avec Yuri Cardinal et Ciel de Mouches avec Christophe Petchanatz, tous deux sortis chez Lotophagus Records (mais pas que). Mais ce serait une injustice de ne pas relever son excellent album avec Slawowycz (Les Croisades) et son escapades solitaire en territoire noise indus (Parakinesis for Beginners).
Les amateurs et amatrices de ce que l’on va improprement appeler techno devront absolument se repencher sur les albums de DJane Ki (Random Sweepings) et InHuM’AwZ (Figure of Speech). Différentes à bien des égards, ces deux livraisons partagent pourtant une singularité qui les distingue franchement des autres productions et font entendre une interprétation très personnelle de ce genre musical.
Côté hip-hop, je retiendrai le My Crew de R$kp (ft. The Fillmore Ghosts), le Art Feeling de Maeki Maii & Ljazz et la beat tape Hail Telemetry de Marrow. Trois salles, trois ambiances, trois manières de mettre le feu dans un sous-sol cradingue ou dans un club de jazz cubain. Ces trois-là ne déçoivent jamais. Petit péché mignon mainstream (mais bien agréable) pour compléter la sélection, le mini album 2069’ de PLK.
Rayon ambient, les incontournables de l’année se nomment Dingin avec l’album Daydreaming In A Secluded Garden, II par kavernös et la nouvelle livraison d’A. F. Conde intitulée Echium -tous parus sur l’excellente étiquette uruguayenne V33 Records. On relèvera également le Nueira de Patrick Corcoran et le Royal Water de Deep Cross. Aucun de ces cinq albums ne cède à la facilité tandis que tous synthétisent à la perfection subtilité des textures et puissance évocatrice. Sous-genre de l’ambient, le dungeon synth propose régulièrement de très bons albums et je ne peux que conseiller aux oreilles curieuses de se pencher sur l’EP du Grec Ancient Spirit sorti trois jours après le nouvel an : Uther Pendragon.
Et puisqu’il reste encore quelques artisans pop en ce bas monde, autant les honorer. Et quoi de mieux pour clore cette sélection que le sublime Sanctuary de Crystal Shipsss qui tirerait des larmes même au plus endurci des rednecks flanqué d’une casquette MAGA.
PS : vérification faite, Sanctuary est sorti en décembre 2022, mais ce qui est fait est fait.
Enfin, comment refermer ce bilan sans évoquer la disparition de Dominic Cochrane ? Les drones mélancoliques du musicien expérimental canadien manqueront cruellement aux tympans aventureux. Sous le nom d’HAWAIIAN vest, il avait, entre autres, collaboré avec Nobuhide Tsutsuma sur le superbe Strands et livré en solo le poignant Prospagnosia. Non disponible sur Bandcamp, l’intégrale de sa discographie est encore disponible sur Spotify. Et s’il mérite un hommage plus conséquent (ce à quoi nous allons nous atteler), nous ne pouvons que recommander d’écouter son œuvre. Afin qu’il ne soit pas oublié.
Hangwire sur IRM
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Julien Ash / NLC (Nouvelles Lectures Cosmopolites) sur IRM
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