Andrés D’Souza (Hangwire) : "cesser d’essayer de trouver un sens au non-sens"

Celles et ceux qui pensent que le rock à guitares n’a ni avenir ni présent n’ont probablement jamais entendu une note de sa musique. Si Shut Up the Alarms ! était sorti en 1968, il trônerait entre Forever Changes et le CQ des Outsiders dans toutes les anthologies du psychédélisme et autres discothèques idéales. Si Charlie’s First Shape et Face of Stone étaient sortis en 1992, leurs clips passeraient en rotation lourde sur MTV et Skintaker aurait partagé la scène du Loollapalooza aux côtés de Nine Inch Nails et des Butthole Surfers. Et si Farewell était sorti en 1979, probable que vous n’auriez jamais entendu parler de Cure ou de Joy Division. J’exagère ? Jetez donc une oreille sur les liens au fil de l’interview et débattons-en si vous n’êtes pas convaincus. En attendant, délectez-vous de ce long entretien avec le Roi Midas de l’underground uruguayen, l’immense Andrés D’Souza, qui revient avec une franchise absolue sur dix années d’une carrière trépidante.




IRM : Tu es uruguayen et, avant toute chose, pour les Français, l’Uruguay, c’est surtout le football. Qu’en est-il de la scène alternative dans ton pays ?

Andrés D’Souza : Je suis tout à fait d’accord avec toi. En général, pour les autres pays, principalement les États-Unis et l’Europe, l’Uruguay est souvent associé au football, mais je pense que l’on sait très peu de choses sur la musique qui s’y développe. Je ne suis pas sûr qu’il y ait une scène définie, car avec Hangwire, nous n’avons pas vraiment l’impression d’en faire partie (pour être honnête, dans aucun de nos autres projets nous n’avons l’impression de faire partie d’un collectif). Mais il y a des groupes qui vont à l’encontre du mainstream (je ne veux citer personne). Je connais des groupes qui, à un moment donné, ont essayé de former une scène, comme Mountain Castles dirigé par Ignacio Vecino, associé à d’autres groupes comme Adan Yeti, pour n’en citer que quelques-uns. Il existe également d’autres collectifs de musiciens et d’artistes, bien que ma connaissance soit superficielle. Il y a Feel de Agua avec des groupes comme Mux, Amigovio (je ne suis pas sûr qu’ils fassent partie de ce groupe d’artistes) ou Señor Faraón, et il y a Paulino Records avec des groupes comme Alucinaciones en Familia et Jesús Negro y los Putos. Je me concentre principalement sur la capitale, mais à l’intérieur du pays, il y a des groupes comme Las Cobras de Canelones ou Incluso Si es un Susurro Soviético de Tacuarembó. Mais oui, il y a des tonnes d’excellents groupes ici, comme nos amis bien-aimés de Música Para Humanos, Flor Sakeo, Naoko, Martes Mártir, Niña Lobo, Hablan Por La Espalda, Los Nuevos Creyentes (je ne veux oublier personne mais je ne voudrais pas non plus que cette réponse soit trop longue). Tous ces musiciens sont incroyables et très créatifs. En substance, je pense qu’à un moment donné, le paradigme changera, et peut-être que la scène plus alternative s’imposera. Je ne peux cependant pas l’affirmer avec exactitude, car il y a ici, malheureusement, des gens qui décident qui a "la carte" et qui ne l’a pas. 

C’est aussi le cas, en France, je te rassure. On va entrer dans le vif du sujet. Tu viens de sortir un album, Farewell, avec ton groupe Hangwire. Du pur post punk / new wave. Peux-tu nous dire quelques mots sur ce projet ?

Ce furent trois années d’enregistrement difficiles. Nous avons commencé environ un mois après l’attaque cérébrale de mon père et au début de la pandémie (imagine : mon père était dans un coma profond depuis février 2020 alors qu’il n’y avait pas d’urgence sanitaire déclarée, et deux mois plus tard, à son réveil, il a découvert que nous étions au milieu d’une épidémie mondiale, ce qui était assez surréaliste pour lui). Tout a commencé comme un projet désintéressé entre Andrés Faliú (Phalioo) et moi. Nous avons commencé avec la chanson Quarantine et lorsque nous l’avons vu évoluer vers plus qu’un simple duo, nous sommes devenus un véritable groupe avec Federico Texeira (guitare) et Joaquín Brazeiro (batterie). L’idée était de sortir un EP de chansons à l’esthétique post-punk et drone, quelque chose entre l’instrumental et l’expérimental. Mais j’ai retrouvé des enregistrements de 2014/15 que j’avais jetés parce qu’ils ne correspondaient pas aux projets que j’avais à l’époque. Par exemple, il y avait This Fun Machine, le refrain de Dasein, des bribes de Quarantine, ou la ligne de basse Stockholm Syndrome, qui a failli se trouver sur l’album de Velvet Hallucinations and the Furry Animals, mais que nous avions à l’époque écartée. Avec le recul, on peut dire que c’était une bonne chose, car ça a permis au morceau de mûrir et le résultat est ce tu peux entendre sur l’album maintenant. Comme je l’ai expliqué plus tôt, le son devait être complètement différent, mais ma soif d’explorer un de mes styles préférés, le post-punk, m’a conduit à adopter cette esthétique sonore, mélangée à des éléments gothiques, shoegaze et new wave. La majeure partie de l’album a été enregistrée par moi, à l’exception de la basse sur Glimpse et de quelques parties de basse sur Bones. Certaines guitares sur Dasein et Stockholm Syndrome ont été jouées par Federico  ; il a également enregistré 95% des guitares et des synthétiseurs sur Exploding-Head Syndrome. Joaquín Brazeiro a joué toute la batterie de l’album. La même année, Nicholas Bank a rejoint le projet et a participé à la création du premier pont de la chanson Bones. Enfin, Gastón Leites nous a rejoints et a joué un rôle crucial dans le remixage de certaines chansons, le mastering de la plupart d’entre elles, ainsi que dans la création et le montage du clip vidéo d’Exploding Head Syndrome, entre autres choses. Mon grand ami et excellent guitariste Emiliano Leiva faisait également partie du projet, mais il est malheureusement parti en raison de contraintes de temps et de travail - il est difficile de se consacrer à 100 % à la musique si nos parents ne sont pas riches (rires). En résumé, un duo s’est transformé en un sextet avec un album complet où chacun a contribué à sa matérialisation et à sa réalisation.

Je crois que l’enregistrement a été épique avec des prises de batteries dans ton appartement qui ont donné lieu à des anecdotes assez dingues. Peux-tu nous raconter ?

Oui, ce fut une véritable odyssée, car les batteries ont été enregistrés pendant la pandémie, à une époque où nous ne pouvions pas avoir beaucoup de contacts les uns avec les autres. Ensuite, il y a eu des problèmes avec le bruit dans l’immeuble où vivait Joaquín parce que la plupart des batteries y ont été enregistrés (pauvres voisins, même si je pense qu’ils étaient compréhensifs). Certaines prises sonnaient très mal, et nous avons dû les réenregistrer, essayer différents placements de micros, et faire face à tous les dilemmes qui viennent avec l’enregistrement en tant qu’amateurs ainsi qu’à l’apprentissage au cours du processus. Mais nous avons fini par obtenir des enregistrements intéressants, que nous avons évidemment utilisés. Il n’y a que deux chansons qui ont été enregistrées avec une batterie électronique dans mon appartement, Glimpse et Bones. Quarantine et Shimmer ont été enregistrées dans un studio appelé Sala Jackson, géré par Inti Berro. La partie la plus folle a eu lieu avant cela, lorsque nous avons commencé à enregistrer l’album dans le silence le plus complet (je veux dire avec des écouteurs pour ne pas déranger l’immeuble). Nous avons utilisé des VST comme Guitar Rig, puis nous avons ré-amplifié avec mon amplificateur analogique (merci à Ignacio Vecino de Mountain Castles pour m’avoir appris cette technique). Il y a eu un moment où une de mes voisines s’est mise à avoir des épisodes de folie extrême. Elle est devenu obsédée par l’idée de me déranger, moi mais aussi d’autres voisins. Je me souviens d’avoir enregistré et entendu frapper fort à ma porte, et lorsque je l’ai ouverte, j’ai vu un couteau qui avait été planté dedans (elle l’a fait à quatre reprises). Elle a également volé les paillassons de mon appartement et laissé de l’urine sur le sol et les escaliers. Pendant plusieurs semaines, elle montait et descendait sans cesse les escaliers du 3ème au 1er étage, en criant, en bafouillant et en crachant. Nous avons dû installer une caméra de surveillance à l’étage pour prouver que ces événements étaient réels. Heureusement, elle a déménagé par la suite et nous n’avons plus jamais entendu parler d’elle. Honnêtement, cela a rendu l’enregistrement des voix difficile parce qu’on pouvait parfois entendre ses cris insensés dans les enregistrements, mais certains de ces cris ou coups frappés à ma porte ont pu se retrouver sur l’album.


Cette histoire est incroyable ! Les textes sont très sombres et assez introspectifs, il me semble. Où puises tu ton inspiration ?

Les paroles sont parfois porteuses de sens, et parfois elles n’ont aucune signification particulière. Je veux dire par là que la musique naît souvent avant les paroles, et que nous essayons de déchiffrer des balbutiements ou des mots qui ont été dits. À partir de là, j’essaie de rester aussi fidèle que possible à l’idée originale, en associant des mots qui se rapportent à ce type de chant à des mots aléatoires, ce qui donne lieu à un collage de phrases insensées (c’est ainsi que naissent les métaphores de nos chansons, je crois). Souvent, c’est à un observateur extérieur (l’auditeur, donc) qu’il revient de donner un sens à une phrase qui en est dépourvue, laissant libre cours à l’interprétation. C’est une première idée.
Car par ailleurs, il y a des chansons dans lesquelles nous essayons d’écrire quelque chose que nous ressentons, comme le refrain de Dasein, les paroles de Exploding-Head Syndrome ou celles de Satellites. Dans la première, nous explorons le caractère insensé de l’absurdité et la question qui préoccupe de nombreux philosophes : le suicide. La seconde parle d’un amour qui ne tient qu’à un fil, dans lequel il ne reste que des fantômes de ce qu’il a été et de l’incertitude qu’il génère lorsque cette relation s’automatise vers le néant. La troisième chanson est un texte où l’on se dit : "Mets ton pied sur le frein, gare-toi sur le côté de la route, et observe simplement le ciel majestueux, où au moins dans ces moments-là, rien d’autre n’a d’importance".
Mais oui, en termes d’inspiration, il y a eu beaucoup d’influence de l’absurdisme de Camus, un peu de l’existentialisme de Sartre (et là, je me rends compte que la France a eu une influence significative sur la musique que nous faisons). Il y a aussi le nihilisme pessimiste de Schopenhauer, les romans de Kafka comme "Le Procès", ou la poésie de notre pionnier uruguayen de la prose alternative Julio Inverso, que nous admirons beaucoup. D’autre part, j’ai lu beaucoup de Dylan Thomas, Sylvia Plath, et pourquoi pas des musiciens et des paroliers comme Ian Curtis, Robert Smith, Thom Yorke, Titãs, et notre cher Eduardo Darnauchans. Il y en a bien d’autres, mais ce sont ceux vers lesquels nous nous tournons le plus pour trouver l’inspiration.

Pour rester sur les textes, il semble y avoir chez toi une grande influence littéraire. Sartre et l’existentialisme influençaient Shut Up the Alarms ! et sur Farewell on retrouve une référence à Heidegger dans un titre comme Dasein. Quelle part joue la littérature dans ton processus créatif ?

Oui, tout à fait. J’ai mentionné certaines de ces influences plus tôt, et dans l’album Shut Up The Alarms !, on pourrait dire qu’il s’agissait d’un "début conceptuel" concernant les paroles abordées dans Farewell . Bien qu’il s’agisse de deux projets différents, la question de l’être humain jeté dans ce monde pour exister ou le fait de prendre le mythe de Sisyphe comme thème central continue d’être présent dans Hangwire parce que, précisément dans la musique que l’on entend généralement, les thèmes tabous tels que le suicide, la douleur, l’angoisse, la folie, la perte ou la mort elle-même sont souvent évités. Il s’agit de sentiments, d’émotions et d’événements dont nous ferons inévitablement l’expérience, car les cacher sous le tapis avec des banalités superficielles est un sujet sérieux qui devrait être abordé, dont on devrait parler, et même dont on devrait se souvenir, comme l’expression classique Memento mori. Je crois que nous avons été entraînés à rechercher constamment le bonheur alors que ce sentiment est éphémère. Pourquoi ne pas rechercher la paix mentale, cesser d’essayer de trouver un sens au non-sens ? Cela nous aiderait beaucoup à atteindre cette paix et à accepter que nous sommes destinés à être seuls. Nous devons embrasser cette solitude et aussi faire amende honorable avec l’ombre que Jung théorise, avec ce que nous enfouissons au plus profond de notre subconscient. Je ne doute pas qu’à trop laisser le monde extérieur influencer notre monde intérieur, nous finissions par le fermer presque hermétiquement. Parfois, quand ça explose comme une cocotte-minute, on finit par voir quelque chose que l’on n’aime pas chez soi, mais qui fait partie de ce que l’on est (désolé si je me répète), et c’est là que l’on doit savoir comment l’accepter.
En ce qui concerne Heidegger, il s’agit d’une figure controversée en raison de son penchant politico-idéologique, auquel je ne m’identifie pas. Cependant, j’étais intéressé par des concepts philosophiques tels que celui de "Dasein", qui serait quelque chose comme l’existence en allemand. Je pense qu’en espagnol, c’est la dichotomie des mots ser et ahí. La phénoménologie existentielle qu’il développe est fantastique : de la vie avec un but et une intensité à la compréhension que la vie a ses propres possibilités. Évidemment, je ne m’étendrai pas sur sa pensée ou sur ce que j’ai compris à partir de ce que j’ai lu. Cela pourrait prendre beaucoup de temps et conviendrait mieux à une conversation comme celle-ci dans un café (rires). Mais j’ai lu certains de ses écrits, ainsi que ceux de divers philosophes ou poètes qui ont été et continueront d’être des sources vers lesquelles je me tourne sans aucun doute lorsque j’écris des paroles pour ce projet ou tout autre. Il est bon de discuter des pulsions qui ne sont pas seulement celles d’Eros et d’être conscient de Thanatos.

Farewell regorge de morceaux extraordinaires. Tu as plusieurs évoqué Dasein et, justement, c’est pour moi un chef-d’œuvre total, largement au niveau - au-dessus ? - des Joy Division et autres. Peux-tu développer encore un peu sur ce titre ?

Merci beaucoup pour la reconnaissance que tu nous as toujours accordée et pour avoir été là, à l’écoute, dès la première maquette. Vraiment, l’affection et l’admiration sont réciproques. Dasein évoque une période de ma vie où j’ai vécu ce que l’on appelle la dépersonnalisation/déréalisation, où l’on croit constamment que rien n’existe autour de soi et que tout est un produit ou une création de l’esprit. Cela inclut le fait de se regarder dans le miroir et de ne pas reconnaître le visage en face de soi, ou parfois de le reconnaître mais de croire qu’il ne vous appartient pas. C’est ce qui m’a le plus rapproché de la "nausée" décrite par Sartre dans son célèbre roman. J’ai vécu cela pendant trois ans, de manière chronique. Je n’arrivais pas à mettre des mots sur l’"étrangeté" que je ressentais, parfois dans ma poitrine, dans ma tête, au bout de mes doigts voire même en dehors de mon corps. J’ai souvent pensé à m’abandonner, à céder à l’absurde et à me jeter dans le "néant". Les pensées intrusives étaient constantes et semblaient incontrôlables, si bien que j’ai consommé beaucoup de psychotropes pour maintenir une sorte d’état catatonique dans lequel mon cerveau s’apaisait simplement pendant quelques heures. Cela ressemblait à ce que Putnam suggère avec son hypothèse du "cerveau dans une cuve".
La fin des paroles peut suggérer une "fin totale" du personnage, bien qu’il puisse sembler qu’il continue paradoxalement à raconter la situation comme s’il était encore présent. Pour ce faire, je me suis inspiré de la chanson Ni Siquiera Las Flores d’Eduardo Darnauchans, dans laquelle l’auteur s’adresse à quelqu’un qui est déjà décédé et lui parle de ce qui se passera lorsqu’il ne restera plus que ses restes inanimés, réduits à presque rien. Pourtant, je me mets dans la perspective de cet être sans vie qui repose éternellement dans ce supposé trou dans la terre, attendant les offrandes que ceux qui se rendent sur sa tombe laissent en cadeau tout en essayant d’illuminer son âme par une prière, comme s’il "existait" encore d’une certaine manière pour cette tierce personne. De nombreuses personnes craignent encore d’être confrontées à la perte totale de soi, à l’idée de ne plus exister du tout. J’ai dit à Federico : "Si quelqu’un se reconnaît dans cette chanson, j’espère qu’il demandera de l’aide." C’est vraiment ce que j’aimerais ; que les gens qui s’identifient aux paroles se disent : "Si un morceau comme ça me parle, je dois commencer à réévaluer mon présent."


Stockholm Syndrome est la chanson la plus longue de l’album et ses paroles sont assez cryptiques. De quoi parle-t-elle ?

Cette chanson a été fortement influencée par le son shoegaze et Madchester, et ses paroles sont assez intenses. Elle aborde des thèmes tels que les relations abusives, le contrôle obsessionnel ou la manipulation qu’un sociopathe exerce sur une personne, qu’il s’agisse d’un partenaire, d’un ami, d’un employé, d’un collègue ou d’un membre de la famille proche. Il s’agit d’être l’otage de ses parents ou d’être l’otage de ses enfants. Il s’agit de déformer son passé tant de fois que l’on perd la trace de ce qui nous a conduit à devenir ce que nous sommes aujourd’hui. Lorsque j’ai écrit cette chanson, j’ai pensé à toutes ces choses simultanément et j’ai développé des paroles dont j’ai vraiment cherché à cacher la véritable signification. Mais en fin de compte, pourquoi le cacher ?

Tu es vraiment dans une démarche de transparence, d’honnêteté. Pour aborder un autre sujet, Hangwire est un sextet. Pas trop difficile de se mettre d’accord quand on est six ?

Pour faire court, lorsque Hangwire a été créé pour Farewell , en termes de composition, nous étions plutôt un duo, Federico Teixeira et moi. Par conséquent, de nombreuses décisions ont été discutées entre nous deux, d’un point de vue créatif. Plus tard, pendant la production, les autres m’ont beaucoup apporté, par exemple pour savoir si la caisse claire sonnait bizarrement ou si les voix étaient trop fortes - ce sont des questions techniques de mixage et de mastering. Vers la fin du processus, Gastón Leites s’est davantage impliqué et a joué le rôle d’un autre producteur pour l’album. Actuellement, toutes les personnes impliquées participent davantage, y compris notre nouveau collaborateur et potentiellement un nouveau membre, Eduardo Pi.

En dehors de toi, c’est Federico Teixeira qui est le plus crédité aux compositions. Comment se déroule le processus de création de vos morceaux ?

Federico et moi nous connaissons depuis environ neuf ans. Il y a beaucoup de respect mutuel et d’alchimie lorsqu’il s’agit de composer. Parfois, il apporte une idée complète, une ligne de basse ou un riff, et parfois même des paroles que nous complétons ensemble tout en respectant son concept initial. Il a composé l’idée initiale qui a donné naissance à des chansons comme Glimpse (ici, il a enregistré et composé les paroles et, pour dire les choses franchement, toute la structure de la chanson puisqu’elle a été construite autour de sa ligne de basse, d’une partie des paroles et de la mélodie vocale), Exploding-Head Syndrome (ce titre sonne ainsi parce qu’il a incorporé 90 % de ses idées stylistiques et compositionnelles pour la partie instrumentale), ou Satellites (encore une fois, à partir de la ligne de basse qu’il a créée, d’une partie importante de la structure et d’une partie des paroles ainsi que de la mélodie vocale). Il a également contribué aux guitares énergiques retardées à la fin de Stockholm Syndrome. Actuellement, nous continuons à procéder de la même manière : soit je compose une chanson complète, soit il le fait, soit nous joignons nos forces et créons quelque chose de plus collectif. La différence est que Nicholas, Gastón et notre nouveau membre Eduardo participent davantage.

Évoquons un peu de tes autres projets. Récemment, tu as ressuscité le grunge avec Skintaker. Peux-tu nous raconter l’enregistrement de Charlie’s First Shape et Face of Stone ?

Skintaker est né en 2010, puis il a connu une incarnation plus formelle, je ne me souviens plus si c’était en 2012 ou 2013, jusqu’en 2017 environ, où il y a eu des changements de lineup et beaucoup de malentendus qui ont finalement conduit à sa dissolution. En 2021, le groupe a été ressuscité pour enregistrer au Forestlab Studios à Rio de Janeiro, grâce à Alfo Delgado, qui jouait de la basse et s’est mis en contact avec Lisciel Franco, le propriétaire du studio. Il y a eu de nombreuses répétitions pour obtenir de bonnes prises, car l’enregistrement s’est fait en direct dans le studio. Les chansons qui sont déjà sur Spotify et d’autres comme Into the Black, Against et une chanson composée en collaboration avec le producteur (dont je n’arrive pas à me rappeler le nom pour le moment, peut-être qu’elles verront la lumière du jour à un moment donné, ou peut-être qu’elles resteront à jamais stockées dans les profondeurs du dossier "D"). En fin de compte, nous avons joué en live, et le projet est resté en stand-by pour finalement n’aboutir à rien. Chaque membre a suivi sa propre voie, et Federico et moi avons continué avec deux projets, Hangwire et The Red Llamas (ce dernier puise ses influences dans The White Stripes, les premiers Black Keys, beaucoup de Jimi Hendrix et Led Zeppelin). Il est intéressant de noter que la chanson Exploding-Head Syndrome est née pendant les sessions d’enregistrement de Skintaker. Alfo est venu avec la ligne de basse, et Federico s’est occupé de tout le reste, à l’exception du chant.


Tu as un vrai background nineties, non ? C’est une période qui t’a vraiment influencé ?

Oui, elle a eu une influence considérable sur moi. Bien que je sois né en 1990, j’ai beaucoup appris sur la musique de cette époque à travers des documentaires, ou parfois des amis plus âgés qui ont vécu cette période partageaient avec moi des groupes emblématiques et moins emblématiques sur des CD ou des cassettes piratés. A l’adolescence, j’ai eu les références propres à ma génération, comme Interpol, Editors, The Strokes, Yeah Yeah Yeahs, Arctic Monkeys, The White Stripes, The Black Keys, Tame Impala, MGMT, The Horrors, Bloc Party, qui ont heureusement existé au milieu de tous les déchets musicaux qui ont émergé à l’époque. Mes influences proviennent donc de différentes époques (et de nouvelles influences continuent d’émerger, heureusement). Je ne peux pas nier que j’ai eu une obsession pour le grunge à un moment de ma vie, et je l’apprécie toujours, même si j’en écoute moins souvent qu’avant.

Avant Skintaker tu t’étais déjà illustré dans un projet d’obédience psychédélique, Velvet Hallucinations and the Furry Animals. Shut Up the Alarms ! est un chef-d’œuvre à mes yeux. Je sais cependant que c’est assez compliqué pour toi de l’évoquer. Veux-tu bien quand même nous en dire un mot ?

Ce que je peux dire, c’est que cet album a été très difficile à réaliser, qu’il y a eu beaucoup de tensions et qu’au final, nous n’étions pas entièrement satisfaits. Pourtant, c’était ce que nous pouvions faire. Honnêtement, il n’a pas eu d’écho, ce qui m’a conduit à ne pas vouloir poursuivre le projet que j’avais initié. Ce fut une expérience amère, et depuis sa sortie jusqu’à aujourd’hui, je l’ai écouté peut-être trois fois. Cela fait des années que je n’ai pas joué quoi que ce soit en rapport avec Velvet Hallucinations. Le projet shoegaze Almohada était prometteur, mais il a fini par s’effondrer. C’était vraiment un groupe génial. Au départ, il se composait de Santiago Pintos aka Santiago Imaginario, Joaquín Brazeiro et moi-même. Plus tard, à ma grande surprise, Federico Texeira s’est joint au groupe, ce qui a donné Velvet Hallucinations sous le nom d’Almohada, créant du shoegaze et laissant le projet psychédélique mourir à petit feu. Finalement, ce qui semblait prometteur ne l’était plus, les mêmes malentendus menant à la disparition du projet. Nous avons joué deux fois avec Almohada et les deux concerts étaient pleins, même si nous n’avions sorti qu’un single intitulé Vanished avec une face B intitulée Good News. C’était vraiment surprenant, mais nous avons fini par y mettre un terme.

Pardon, j’insiste un peu sur Velvet Hallucinations, mais il y a quand même ce titre menaçant, Black Monday, que personnellement, j’aime beaucoup. on croirait entendre le Floyd des débuts avec la tension de celui de A Requiem For the Post War Dream...

Oui, c’est la chanson que Gastón me rappelle de temps en temps qu’il déteste (rires). Sa première version était différente, beaucoup plus sombre, plus bruyante et plus lugubre. De plus, elle est en espagnol. Je suis fier des paroles de cette chanson ; j’ai fait beaucoup d’efforts pour qu’elles ressemblent plus à de la poésie qu’à des paroles de chanson, même si je n’y suis pas tout à fait parvenu. Cette chanson, ainsi que Fridge Buzz, sont celles que j’aimerais retravailler avec Hangwire, mais nous avons tellement de nouveaux morceaux que nous n’en avons pas encore discuté. Merci, Ben, de l’avoir comparée à de si grandes œuvres ; c’est un grand compliment.


Tu es capable de trousser de sublimes pop songs (Las Flores Que Nacian De Su Ombligo, Permanent/Replica) ou d’envoyer du lourd avec une puissance vocale inouïe (Charlie’s First Shape, Face of Stone). Y a-t-il une facette de ton art que tu ne nous as pas encore montrée ?

Merci encore, Ben, pour ce que tu dis de moi ; c’est quelque chose que j’ai du mal à saisir. Oui, j’aimerais créer de la pop alternative comme Gorillaz, ou du trip-hop comme Massive Attack, Björk, ou Portishead, mais aussi quelque chose de plus intime et folk comme Nick Drake. Un style super lourd comme le post-metal de Neurosis, Cult of Luna, Isis, Jesu, Old Man Gloom, Amenra, etc., le post-rock comme Godspeed You ! Black Emperor, Explosions in the Sky, God Is an Astronaut, ou Sigur Rós, ou même de la musique plus industrielle comme Nine Inch Nails, Ministry, les premiers Swans, Skinny Puppy, ou Marilyn Manson à ses débuts. En fait, il pourrait y en avoir d’autres, mais je ne pense pas avoir assez de temps pour tout faire (rires).

À titre strictement personnel, j’aimerais vraiment t’entendre en version guitare / voix façon Nick Drake. Ce serait assurément un grand album. Je voudrais maintenant aborder un point qui, je le sais, te hérisse un peu. Sur Shut Up the Alarms !, il y a certaines chansons en espagnol. Depuis tu n’utilises plus que l’anglais. Penses-tu réécrire à nouveau dans ta langue natale ?

La langue est un sujet qui fait débat, surtout ici en Amérique latine. Chanter en anglais en tant que Sud-Américain est souvent considéré avec scepticisme, comme si nous trahissions notre patrie ou quelque chose du genre. Cette idée ne me dérange pas ; je n’ai pas envie de mourir pour un drapeau qui ne me représente pas ou pour des intérêts qui ne sont pas les miens. J’essaie d’éliminer les deux concepts que j’ai mentionnés de mon dictionnaire mental ; ils me semblent trop divisifs ou sectaires. Comme le dit le groupe brésilien Titãs, "je ne suis pas de quelque part, je suis de nulle part". J’ai quelques chansons en espagnol pour Hangwire que nous pourrions sortir, mais pour l’instant, je suis toujours intéressé par le fait de chanter en anglais, sans me faire demander pour la centième fois par de nombreuses connaissances : "Pourquoi ne chantes-tu pas en espagnol ?". Ce à quoi je réponds, sans aucune intention de provoquer ou de générer du ressentiment : "Pourquoi ne demandes-tu pas à Scorpions pourquoi ils ne chantent pas en allemand, à Björk pourquoi elle ne chante pas en islandais, à Daft Punk pourquoi ils n’écrivent pas en français, à The Hives, Ghost, ou Abba pourquoi ils ne chantent pas en suédois ?" C’est comme si, d’un commun accord, ils étaient dispensés de le faire, mais un Uruguayen ou un Latino-Américain est constamment interrogé là-dessus et, parfois, c’est comme si les gens vous jugeaient. Je ne comprends pas cette incohérence. Quoi qu’il en soit, je respecte les opinions des gens, mais je pense que la musique doit être considérée comme un tout et que la langue ne doit pas être un obstacle. Mais pour en revenir à ta question, Ben (et désolé pour tous les détours que j’ai pris pour y répondre), je te confirme que certaines paroles en espagnol verront le jour.

Là encore, nous avons la même problématique en France. Ici, c’est presque encore plus l’accent qui fait débat. Comme si tous les Français avaient fait le Wall Street Institute (rires). Ridicule. Parlons un peu de l’avenir, maintenant. Quels sont tes projets ? Un nouveau Hangwire ou un nouveau Skintaker est-il en préparation ?

Pour l’instant, à court terme, le projet le plus prêt de se concrétiser est un second album de Hangwire, et si nous continuons à enrichir notre répertoire avec Federico, Maurício, et El Moco, il y aura sûrement un album de Red Llamas aussi. Quant à Skintaker, c’est déjà du passé ; c’est un projet que je ne ressusciterais pas parce qu’il verrait probablement le jour mort-né. Je suis très heureux de ce que je fais maintenant, je me sens à l’aise et satisfait. Je m’identifie davantage au son existentiel du post-punk.

J’ai vraiment mais alors vraiment hâte de découvrir tout ça ! Merci pour ton temps, Andrés. Ce fut un véritable honneur d’interviewer un artiste tel que toi.

Merci, Ben, pour cette excellente interview. J’ai pu clarifier beaucoup de choses et aussi me défouler un peu ; c’était comme aller voir un thérapeute (rires). Je t’apprécie vraiment, toi et ta musique. J’ai hâte de collaborer musicalement avec toi dès que possible. Beaucoup de respect et d’affection à ton égard, mon grand ami.

C’est vraiment moi qui serait honoré de faire quelque chose avec toi. Merci encore.


ENGLISH VERSION


IRM : For the French, Uruguay is mainly about football. What about the alternative scene in your country ?

Andrés D’Souza : I completely agree with what you’re saying. Generally, from other countries, mostly the USA and Europe, Uruguay is often associated with football, but I think very little is known about the music that develops here. I’m not sure if there’s a defined scene, as with Hangwire, we don’t really feel part of one (to be honest, in none of our other projects do we feel part of a collective). But there are bands that go against the mainstream (I don’t want to speak for anyone). I know groups that at some point tried to formalize a scene, like Mountain Castles led by Ignacio Vecino, associated with other groups like Adan Yeti, to name a few. There are also other collectives of musicians and artists, although my knowledge of them is superficial. There’s Feel de Agua with groups like Mux, Amigovio (I don’t know if they’re part of this group of artists) or Señor Faraón, and then there’s Paulino Records with bands like Alucinaciones en Familia and Jesús Negro y los Putos. I’m mainly focusing on the capital here, but in the interior, there are groups like Las Cobras from Canelones or Incluso Si es un Susurro Soviético from Tacuarembó. But yeah, there are tons of excellent acts here like our beloved friends of Música Para Humanos, Flor Sakeo, Naoko, Martes Mártir, Niña Lobo, Hablan por la espalda, Los nuevos creyentes (I don’t want to leave anyone out, but I also don’t want to make this response too long). All these musicians are incredible and very creative. In essence, I believe that at some point, the paradigm will shift, and perhaps the more alternative scene will take the lead. I can’t confirm that, though, as here, unfortunately, there are people who decide who gets in and who doesn’t.

Well, let’s get to the heart of the matter. You’ve just released an album, Farewell, with your band Hangwire. It’s pure post-punk/new wave. Can you tell us a bit about this project ?

It was three challenging years of recording. We started about a month after my father had a stroke and at the beginning of the pandemic (imagine, my old man was in a coma since February 2020 when there was no declared health emergency, and two months later when he woke up from his deep coma, he found out we were in the middle of a global epidemic, quite surreal for him). It all began as a disinterested project between Andrés Faliú (Phalioo) and me. We started with the song Quarantine and when we saw it evolving into more than just a duo, we became a larger group with Federico Texeira (guitar) and Joaquín Brazeiro (drums). The idea was to release an EP of songs with a post-punk and drone aesthetic, something between instrumental and experimental. But then I found recordings from 2014/15 that I had discarded because they didn’t fit the projects I had at the time. For example, there was This Fun Machine, the chorus of Dasein, snippets of Quarantine, or the bassline Stockholm Syndrome, which almost became part of Velvet Hallucinations and the Furry Animals, but we discarded it (luckily, because it allowed the idea to mature, and it’s what you hear on the album now). As I explained earlier, the sound was going to be completely different, but my eagerness to create one of my favorite styles, post-punk, led to adopting that sound aesthetic, mixed with elements of gothic, shoegaze, and new wave as well. Most of the album was recorded by me, except for the bass on Glimpse and some bass parts on Bones. Some guitars on Dasein and Stockholm Syndrome were played by Federico ; he also recorded 95% of the guitars and synthesizers on Exploding-Head Syndrome. Joaquín Brazeiro played all the drums on the album. In that same year, Nicholas Bank joined the project and helped create the first bridge of the song Bones. In the final stage, Gastón Leites joined us, and he was crucial in remixing some of the songs, mastering most of them, and creating and editing the music video for Exploding Head Syndrome, among other things. My great friend and excellent guitarist Emiliano Leiva was also part of the project, but unfortunately, he left due to time and work constraints -it’s hard to dedicate ourselves 100% to music if our parents aren’t rich (laughter). In summary, a duo turned into a sextet with a complete album where everyone contributed to its materialization and realization.

I think it was an epic recording session, with the drums recorded in your apartment, which led to some pretty crazy anecdotes. Can you tell us about that ?

Yes, it was quite an odyssey because the drums were recorded during the pandemic when we couldn’t have much contact with each other. Then there was the annoying noise in the building where Joaquín lived because most of the drums were recorded there (poor neighbors, although I think they were understanding). There were takes that sounded terrible, and we had to re-record them, try different microphone placements, and deal with all the dilemmas that come with recording as amateurs and learning in the process. Although we ended up with interesting recordings, which we obviously used. There are only two songs that were recorded with an electronic drum kit in my apartment, Glimpse and Bones. Quarantine and Shimmer were recorded in a studio called Sala Jackson, managed by Inti Berro. The crazy part came before that, when we started recording the album in complete silence (I mean with headphones on to not disturb the building). We used VSTs like Guitar Rig and then re-amplified through my analog amplifier (thanks to Ignacio Vecino of Mountain Castles for teaching me that technique). There was a moment when a neighbor in my building started having extreme episodes of madness and became obsessed with wanting to bother me and other neighbors. I remember recording and hearing a loud knock on my door, and when I opened it, I saw a knife that had been stuck in it (she did it on four occasions). She also stole the doormats from my apartment and left urine on the floor and stairs. There were several weeks when she would go up and down the stairs incessantly from the 3rd floor to the 1st, over and over again, shouting, babbling, and spitting. We had to install a surveillance camera on the floor to make reports and prove that these events were real. Fortunately, she moved out afterward, and we never heard from her again. Honestly, it made recording the vocals difficult because you could sometimes hear her insane screams in the recordings, but some of those screams or knocks on my door might have been captured.


This is a crazy story ! I would say that the lyrics are very dark and quite introspective. What inspires them ?

The lyrics sometimes carry meanings, and sometimes they don’t say anything at all. By the latter, I mean that often the music is born before the lyrics, and we try to decipher some babbling or words that have been said. From there, I attempt to stay as faithful as possible to the original idea, linking words that relate to this kind of singing with random words, resulting in a collage of senseless phrases (that’s how the "metaphors" of our songs are born, I believe). Many times, it’s up to an external observer to give meaning to a sentence that lacks it, allowing for free interpretation. This is on one hand.
Then, there are songs where we try to write something we feel, like the chorus of Dasein, the lyrics of Exploding-Head Syndrome, or Satellites. In the first one, we explore the senselessness of absurdity and the issue that plagues many philosophers : suicide. The second one is about a love hanging by a thread, where all that’s left are ghosts of what it once was, and the uncertainty it generates when that relationship is automating itself towards nothingness. The third song is a lyric where one says to oneself : "Put your foot on the brake, pull over to the side of the road, and simply observe the majestic sky, where at least in those moments, nothing else matters."
But yes, in terms of inspiration, there has been a lot of influence from Camus’ absurdism, a bit of Sartre’s existentialism (and here, I realize that France had a significant influence on the music we make). Also, the pessimistic nihilism presented by Schopenhauer, novels written by Kafka like "The Trial," or the poetry of our beloved Uruguayan alternative prose pioneer Julio Inverso, whom we admire greatly. On the other hand, I’ve read a lot of Dylan Thomas, Sylvia Plath, and why not musicians and lyricists like Ian Curtis, Robert Smith, Thom Yorke, Titãs, and our dear Eduardo Darnauchans. There’s much more, but these are the ones we turn to the most for inspiration.

Continuing with the lyrics, it seems to have a strong literary influence. Sartre and existentialism influenced Shut Up the Alarms !, and in Farewell, there’s a reference to Heidegger in a title like Dasein. What role does literature play in your creative process ?

Yes, exactly. I mentioned some of the influences earlier, and in the album Shut Up the Alarms ! , you could say it was a "conceptual beginning" regarding the lyrics addressed in Farewell . Although they are two different projects, the question of "the human being thrown into this world to exist" or taking "the myth of Sisyphus" as a central theme continues to be present in Hangwire because, precisely in the music that is commonly heard, taboo themes such as suicide, pain, anguish, madness, loss, or death itself are often avoided. These are feelings, emotions, and events that we will inevitably experience because hiding them under the rug with superficial banalities are serious topics that should be addressed, talked about, and even remembered, like the classic phrase "Memento mori." I believe we were trained to constantly pursue happiness when that feeling is ephemeral. Why not seek mental peace, stop trying to find meaning in the senselessness ? This would help a lot in achieving that peace and accepting that we are destined to be alone. We must embrace that solitude and also make amends with "the shadow" that Jung posits, with that which we bury deep within our subconscious. I have no doubt that when you let the outside world influence your inner world too much, you end up sealing it almost hermetically. Sometimes when it explodes like a pressure cooker, you end up seeing something you don’t like about yourself, but it’s a part of who you are (excuse the redundancy), and that’s where knowing how to accept comes in.
Regarding Heidegger, he is a controversial figure due to his political-ideological inclination, with which I don’t identify. However, I was interested in philosophical concepts like "Dasein", which would be something like existence in German. I think in Spanish, it’s the dichotomy of the words "ser" and "ahí." The existential phenomenology he develops is fantastic, from living with a purpose and intensity to understanding that life has its possibilities. Obviously, I won’t delve into his thinking or what I understood based on what I read. That could take quite a while -and it’s better suited for a conversation like this in a café (laughter). But I did read some of his writings, as well as those of various philosophers or poets who have been and will continue to be sources we undoubtedly turn to when writing lyrics for this or any project. It’s good to discuss urges that are not just of Eros and to be aware of Thanatos as well.

Farewell is full of extraordinary themes. Among them, there’s a total masterpiece, on par with Joy Division and others, and it’s Dasein. Can you tell us about this track ?

Thank you very much for the recognition you’ve always given us and for being there, listening from the first demo. Truly, the affection and admiration are mutual. Dasein touches on a period in my life where I experienced what you’d call depersonalization/derealization, where you constantly believe that nothing around you exists, and everything is a product or creation of your mind. This includes looking in the mirror and not recognizing the face in front of you or sometimes recognizing it but believing it doesn’t belong to you. It’s the closest I came to feeling that "nausea" that Sartre describes in his famous novel. I went through this for three years, and it was chronic. I couldn’t put into words the "strangeness" I felt, sometimes in my chest, in my head, at the tips of my fingers, or even outside my body. I often thought about just giving in, surrendering to the absurd, and basically throwing myself into "nothingness." Intrusive thoughts were constant and seemed uncontrollable, so I used a lot of psychotropic drugs to maintain a kind of catatonic state where my brain would simply quiet down for a few hours. It was like what Putnam suggests with his "brain in a vat" hypothesis.
The end of the lyrics may suggest a "total ending" of the character, although it might seem that they are still paradoxically narrating the situation as if they were still present. For this, I drew inspiration from Eduardo Darnauchans’ song Ni siquiera las flores, where the author speaks to someone who has already passed away about what will happen when only their lifeless remains remain, reduced to almost nothing. Yet, I put myself in the perspective of that lifeless being resting eternally in that supposed hole in the earth, waiting for the offerings that those who visit their grave leave as gifts while they try to illuminate their soul through a prayer, as if they still "exist" in some way for that third party. Many people still fear facing the total loss of self, the idea of simply no longer existing at all. Something I told Federico was, "If someone identifies with this song, please, seek help to improve your situation." That’s what I would like, for people who identify with the lyrics to say, "Okay, if I relate to something like this, I need to start reevaluating my present."

Stockholm Syndrome is the longest song on the album, and its lyrics are quite cryptic. What is it about ?

This song was heavily influenced by the shoegaze and Madchester sound, and its lyrics are quite intense. It deals with themes like an abusive relationship, obsessive control, or manipulation that a sociopath has over a person, whether it’s a partner, a friend, an employee, a co-worker, or a close family member. It’s about being hostages to your parents or parents being hostages to their children. It’s about distorting your past so many times that you lose track of what led you to become who you are in the present. When I wrote it, I thought about all of these things simultaneously and developed lyrics that I really worked on hiding the true meaning of. But in the end, why hide it ?

Hangwire is a sextet. Isn’t it difficult to reach a consensus among the six of you ?

In short, when Hangwire was created for Farewell in terms of composition, we were more of a duo, Federico Teixeira and me. So, many decisions were mainly discussed between the two of us, creatively. Later on, during production, I had a lot of input from the others, such as how strange the snare drum sounded or if the vocals were too loud – those technical mixing and mastering issues. Towards the end of the process, Gastón Leites was more involved and acted as another producer for the album. Currently, there’s more participation from all those involved, including our new collaborator and potentially a new member, Eduardo Pi.

Apart from yourself, Federico Teixeira takes most of the credit for the compositions. What is your songwriting process like ?

Federico and I have known each other for about 9 years. There’s a lot of mutual respect and chemistry when it comes to composing. Sometimes he brings a complete idea, a bassline or a riff, and sometimes even lyrics that we both complete together while respecting his initial concept. He composed the initial idea that gave birth to songs like Glimpse (here, he recorded and composed the lyrics and, to put it bluntly, basically the entire song’s structure since it was built around his bassline, part of the lyrics, and the vocal melody), Exploding-Head Syndrome (this track sounds the way it does because it incorporated 90% of his stylistic and compositional ideas for the instrumental part), or Satellites (again, starting with the bassline he created, a significant portion of the structure, and part of the lyrics along with the vocal melody). He also contributed to the energetic delayed guitars at the end of Stockholm Syndrome. Currently, we continue in the same way, where either I compose a complete song or he does, or we join forces and create something more collectively. The difference now is that there’s more participation from Nicholas, Gastón, and our new collaborator Eduardo.

Let’s talk about your other projects. More recently, you revived grunge with Skintaker. Can you tell us about recording Charlie’s First Shape and Face of Stone ?

Skintaker was born in 2010, and then it had a more formal incarnation, I can’t recall if it was in 2012 or 2013, until around 2017, when there were lineup changes and a lot of misunderstandings that ultimately led to its dissolution. In 2021, it was resurrected to record at Forestlab Studios in Rio de Janeiro, thanks to Alfo Delgado, who played bass and connected with Lisciel Franco, the studio’s owner. There were many rehearsals to get good takes because it was recorded live in the studio. The songs that are already on Spotify and others like Into the black, Against, and a song composed in collaboration with the producer (whose name I can’t quite recall at the moment, perhaps these will see the light of day at some point, or maybe they’ll remain forever stored in the depths of the "D" folder). In the end, we played live, and the project went on standby, eventually leading to nothing. Each member went their separate ways, and Federico and I continued with two projects, Hangwire and The Red Llamas (the latter has a sound influenced by The White Stripes, early Black Keys, a lot of Jimi Hendrix, and Led Zeppelin). It’s worth noting that the song Exploding-Head Syndrome originated during the Skintaker recording sessions. Alfo came up with the bassline, and Federico handled everything else, except for the vocals.


You have a real background year 90, right ? Was it a period that really influenced you ?

Yes, it had a significant influence on me. Although I was born in 1990, I learned a lot about the music of that era through documentaries, or sometimes older friends who lived through that time would share iconic and not-so-iconic bands with me on pirated CDs or cassettes. My adolescence had its own references from my generation, such as Interpol, Editors, The Strokes, Yeah Yeah Yeahs, Arctic Monkeys, The White Stripes, The Black Keys, Tame Impala, MGMT, The Horrors, Bloc Party, which fortunately existed amidst all the musical trash that emerged at the time. So, my influences came from various eras (and new influences continue to emerge, thankfully). I can’t deny that I had an obsession with grunge at one point in my life, and I still enjoy it, although I listen to it less frequently than before.

Before that, you had already made a name for yourself with a psychedelic project : Velvet Hallucinations and the Furry Animals. Shut Up the Alarms ! is a masterpiece in my eyes. But I know it’s quite complicated for you to talk about it. Would you mind saying a few words about it ?

What I can express is that it was a very difficult album to make ; there were a lot of tensions, and in the end, we weren’t entirely satisfied. Still, it was what we could achieve. Honestly, it didn’t resonate at all, which led me not to want to continue with that project I initiated. It was a bitter experience, and from the moment it was released until now, I’ve listened to it maybe three times. I haven’t played anything related to Velvet Hallucinations in years. What was promising but eventually fell apart was the shoegaze project Almohada. It was genuinely a great band. Initially, it consisted of Santiago Pintos aka Santiago Imaginario, Joaquín Brazeiro, and myself. Later, to my surprise, Federico Texeira joined, basically making it Velvet Hallucinations under the name Almohada, creating shoegaze and letting the psychedelic project die a slow death. In the end, what seemed promising ceased to be so, with the same misunderstandings leading to the project’s demise. We played twice with Almohada, and both shows were packed, even though we only had a single released called Vanished with a B-side titled Good News. It was genuinely surprising, but in the end, we put an end to it.

There’s the menacing track Black Monday, which sounds like early Floyd with the tension of The Wall / A Requiem For The Post War Dream...

Yes, it’s the song that Gastón reminds me from time to time that he hates, (laughter). Its first version was different, much darker, noisier, and gloomier. Also, it’s in Spanish. I’m proud of the lyrics for this one ; I put a lot of effort into making it more like poetry than a song’s lyrics, although I didn’t quite achieve that. This song, along with Fridge Buzz, are the ones I’d like to rework with Hangwire, but we have so much new material that we haven’t even discussed it yet. Thanks, Ben, for comparing it to such great works ; it’s a great compliment.


You can create sublime pop songs (Las Flores Que Nacian De Su Ombligo, Permanent/Replica), as well as heavy tracks with incredible vocal power (Charlie’s First Shape, Face of Stone). Is there any aspect of your artistry that you haven’t shown us yet ?

Thank you again, Ben, for what you’ve said about me ; it’s something I find hard to grasp. Yes, I’d like to create alternative pop like Gorillaz, or trip-hop like Massive Attack, Björk, or Portishead, also something more intimate and folk like Nick Drake. A super heavy style like the post-metal of Neurosis, Cult of Luna, Isis, Jesu, Old Man Gloom, Amenra, etc., post-rock like Godspeed You ! Black Emperor, Explosions in the Sky, God Is an Astronaut, or Sigur Rós, or even more industrial music like Nine Inch Nails, Ministry, early Swans, Skinny Puppy, or Marilyn Manson from his early days. Actually, there might be more, but I don’t think I have enough lifetime to do it all (laughter).

In Shut Up the Alarms !, there are some songs in Spanish. Since then, you’ve only used English. Do you plan to write in your native language again ?

Language is a debated topic, especially here in Latin America. Singing in English as a South American is often viewed with skepticism, as if we were betraying our homeland or something similar. I don’t mind that idea ; I don’t feel like I would die for a flag that doesn’t represent me or for interests that are not mine. I try to eliminate those two concepts I mentioned from my mental dictionary ; they seem too divisive or sectarian. As the Brazilian band Titãs says, "I’m not from anywhere ; I’m from nowhere." I have a few songs in Spanish for Hangwire that we might release, but for now, I’m still interested in singing in English, without being asked for the hundredth time by many acquaintances, "Why don’t you sing in Spanish ?" To which I respond without any intention of generating resentment or negative discussions, "Why don’t you ask Scorpions why they don’t sing in German, Björk why she doesn’t sing in Icelandic, Daft Punk why they don’t write in French, The Hives, Ghost, or Abba why they don’t sing in Swedish ?" It’s like, okay, they are exempt from doing so, but a Uruguayan or Latin American is constantly questioned, and sometimes it’s like they are judging you. I don’t understand such inconsistency. Nevertheless, I respect people’s opinions, but I believe that music should be taken as a whole, and language should not be an impediment. But getting back to your question, Ben (and sorry for all the detours I took to answer), I will confirm that some lyrics in Spanish will emerge.

Let’s talk about the future now. What are your plans for the future ? Is there a new Hangwire or Skintaker project in the works ?

For now, in the short term, the closest thing to materialize is a second Hangwire album, and if we keep preparing more repertoire with Federico, Maurício, and El Moco, surely there will be an album from Red Llamas as well. As for Skintaker, it’s already in the past ; it’s a project I wouldn’t bring back to life because it would probably born dead. I’m very happy with what I’m doing now, and I feel comfortable and quite satisfied. I identify more with the existential sound of post-punk.

Thank you for your time, Andrés. It was truly an honor to interview an artist such as you.

Thank you, Ben, for this excellent interview. I was able to clarify many things and also vent a bit ; it was like going to a therapist, haha. I truly appreciate you and your art. I’m looking forward to collaborating musically with you as soon as possible. Much respect and affection towards you, my great friend.


Interviews - 02.10.2023 par Ben


Chroniques // 25 août 2023
Hangwire

Trois ans qu’on annonçait la sortie de ce Farewell, premier album de Hangwire. Forcément, on en attendait beaucoup. La bonne nouvelle, c’est que c’est encore mieux que ce que l’on pouvait imaginer.