Ryuichi Sakamoto - 12

Le chant du cygne épuré d’un maître de l’ambient parti trop tôt.

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12. 20220304

date de sortie : 17-01-2023 Label : Commmons

Malheureusement, on apprend aujourd’hui la disparition à seulement 71 ans de Ryuichi Sakamoto, génie du piano impressionniste et de la bande originale de film qui s’était imposé, en particulier depuis ses travaux entre expérimentations électroniques et modern classical en compagnie de l’Allemand Alva Noto ou de l’Autrichien Fennesz, comme l’un des musiciens les plus importants et influents de l’ambient moderne. Depuis près de 10 ans, le Japonais luttait contre un cancer de la gorge qui a fini par l’emporter, avec des hauts et des bas, aussi bien dans son combat avec des périodes de rémission et de tournées, que dans sa discographie récente.

Parmi les hauts voire les très hauts du compositeur du Dernier empereur ces dernières années, les BOs exigeantes et inquiétantes du thriller Beckett et de la série animée Exception, tous deux produits par Netflix l’an passé, et surtout le fabuleux Async de 2017 (cf. ici) qui abordait frontalement le thème de la mortalité et du caractère éphémère de l’existence, culminant sur son requiem d’ouverture, le poignant Andata avec Fennesz en guest. Parmi les (petits) bas, le score un brin doucereux du film de science-fiction Proxima... et, comme certains l’avançaient déjà, ce 12 parfois qualifié de "léthargique" qui nous avait pourtant fait l’effet d’une jolie réussite épurée (jusque dans les titres des morceaux semblant porter le nom de leur date d’enregistrement), brillant surtout pour ses derniers instrumentaux un peu hantés au piano solo. Faute de vous en avoir parlé à sa sortie en janvier, ce dimanche était donc l’occasion de nous y replonger le coeur lourd, comme un pèlerinage, avec un regard quelque peu différent sur ce qui restera donc le chant du cygne de l’ex Yellow Magic Orchestra.

Après une intro aux synthés clair-obscurs évoquant un sentiment d’éternité, l’album déroule d’abord sur de longs instrumentaux allant de 5 à 9 minutes un classical ambient ample et minimaliste, aux arpèges de piano égrenés avec une lenteur consommée sur fond d’harmonies évanescentes laissant une grande place au silence (mais un "silence" jamais véritablement silencieux, toujours "résonant" comme Sakamoto le décrivait si bien), au point que l’y on entend souvent les respirations saccadées du musicien. De fait, 12 s’écoute plus volontiers de la manière dont Eno, et Satie avant lui, envisageaient l’ambient (ou la "musique d’ameublement" pour ce dernier), une musique d’accompagnement, d’humeur, pour faire autre chose tout en restant disponible à la mélancolie du disque qui finit par nous emporter sans avoir l’air d’y toucher.


En cela, la musique de 12 se révèle dans un premier temps, lorsque l’on est dans les bonnes dispositions, particulièrement touchante et enveloppante sans être pour autant dénuée d’une facette plus sombre et angoissée, à l’image de 20220202 dont les nappes crépusculaires émaillées d’échos de cloches lointaines semblent sonner le glas de la douceur qui précédait. Ainsi, lorsque le piano reparaît sur 20220207, il est d’emblée plus affligé, un peu éteint aussi et troublé par d’étranges arythmies, comme porteur d’un inéluctable désenchantement et d’une anxiété grandissante face à l’ultime dénouement. Un basculement que l’on n’avait pas forcément saisi à la première écoute et qui donne à la suite, à savoir les 9 minutes oniriques en apparence très sereines du synthétique 20220214, des allures de rêve d’au-delà.

Quant à la fin d’album, du bouleversant 20220302 - sarabande dont l’élégie s’avère d’autant plus terrassante aujourd’hui, jusqu’au point final lourd de regret de 20220404 et de la conclusion 20220304 toute en clochettes fantomatiques, en passant par la fugace tragédie de 20220302 ou les dissonances malaisantes de 20220307, rien ne nous avait préparés à soudain y déceler entre les accords majeurs une telle conscience des dernières heures. Que l’on ne s’y trompe pas, 12 n’avait rien d’un album mineur, il attendait simplement son moment pour laisser, comme son auteur, une trace indélébile dans nos coeurs.

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