The Blood Of Heroes - Nine Cities

2023 marque le grand retour de The Blood Of Heroes, collectif déjà auteur de trois longs formats qui n’a encore jamais déçu. Et ça ne sera toujours pas avec celui-là.

1. Jerush-A-Salem
2. New Orleans
3. Rome
4. Skara Brae
5. Dharamshala
6. Kata Tjuta
7. La Guerra
8. Lower Atlantis
9. Erebus

date de sortie : 24-03-2023 Label : Ohm Resistance

Je n’y croyais plus. Et quand bien même. Je me disais que si jamais le collectif avait l’idée saugrenue de réapparaitre, le risque était grand qu’il soit à côté de la plaque. Qu’il ait vieilli. Mal. Qu’il soit devenu obsolète et inutile. J’ai toujours cette foutue tendance à projeter sur la musique mes propres névroses mais heureusement, The Blood Of Heroes s’en fout pas mal de mes névroses. C’est un collectif. Alors plus de dix années après The Waking Nightmare, la première information que livre Nine Cities, c’est que les cauchemars restent vifs. À peine se sont-ils patinés. Le parterre rythmique est légèrement moins disloqué et l’ensemble sonne plus assagi. Enfin ça, c’est ce qui prévaut après une première écoute et - évidemment - ce n’est qu’un leurre.
La matière demeure in fine toujours aussi heurtée. Le prêche de Dr. Israël surplombe un champ de ruines. La guitare oscille entre Godflesh et JK Flesh, la basse est mortifère, les claviers, agonisants et le beat est tout de même bien fracassé. Les morceaux se succèdent, tous différents mais partageant le même souffle moribond et comme à l’habitude avec The Blood Of Heroes, ça ne rigole pas. Des morceaux comme Skara Brae ou La Guerra par exemple expirent un air glacé qui a tôt fait de se transmettre au corps tout entier. Et ce n’est là que pour en citer deux car tous gardent cette étrange capacité à tout repeindre en noir. Finalement, sur Nine Cities, on retrouve exactement le même moteur que sur les trois précédents : l’onirisme bilieux qui débouche sur des visions saisissantes.
Parce que les images que fournissent ces neuf morceaux n’ont rien à voir avec le printemps naissant et décrivent un monde à l’agonie. Kurt Gluck avait prévenu : l’éponyme représentait le présent du monde post-apocalyptique imaginé par David Webb Peoples, celui d’après, le passé, celui-ci sera le futur. Ce n’est même plus post-apocalyptique, c’est post-post-apocalyptique et le message est clair, on n’a pas fini d’en baver. En même temps, étant donné le pedigree des participants, on pouvait difficilement s’attendre à autre chose mais encore une fois, ce qu’il ressort de tout ça, c’est que personne ne tire de son côté et que tout ce petit monde se met au service de Nine Cities. Cela a toujours été, reste et restera la grande force de The Blood Of Heroes : le collectif n’est pas une façade et c’est bien parce qu’on fait ensemble que c’est mieux. Et quitte à malaxer des idées glauques, des projections qui ne rassurent pas sur l’avenir, des sentiments complexes que tout seul on n’ose pas trop regarder, autant plonger arnaché aux autres dans l’œil du cyclone.


Alors je ne vais pas faire un paragraphe fastidieux sur qui fait quoi : ce qu’il y a à savoir, c’est qu’ils sont seize et que si l’on retrouve les habituels Submerged, Enduser, Justin K. Broadrick et Dr. Israël, ils sont cette fois-ci rejoints par Mick Harris, Burton C. Bell, Ajamari ou Julia Gaeta par exemple (liste non exhaustive) et que tous participent à l’édification de morceaux certes secs et majoritairement désolés mais aussi très denses.
Aux côtés de choses très prototypiques telles que Jerush-A-Salem, Rome ou La Guerra, à la fois plombées, arrachées et disloquées, on compte quelques enclaves de calme relatif. New Orleans, Dharamshala ou Skara Brae sont à ranger parmi ces titres presque apaisés mais qui restent tout de même bien fracassés dans leur assise rythmique. On compte aussi des choses plus hallucinées : Kata Tjuta qui montre que le dancehall de l’enfer franchit de nouvelles limites, Lower Atlantis, tout à la fois tribal et foutraque ou l’ultime et très rampant Erebus, cauchemar schizoïde qui se rapproche d’une transe pas nette. Au final, une vraie variété même si le vernis paranoïaque fournit l’unité. On comprend mieux pourquoi chaque titre porte le nom d’une ville fantasmée ou bien réelle : ça sent la mégalopole cosmopolite où l’humanité résiste comme une fleur au milieu du béton hostile, elle n’a rien à y faire mais apparaît pourtant par intermittence, incongrue et fragile.
Une nouvelle fois, le sentiment général est des plus sombres et ça sonne quand même pas mal désespéré mais difficile de ne pas être subjugué par ces New Orleans, Skara Brae ou Erebus (entre autres, tous sont également intéressants), portés par des mantras étranges qui poussent sur des beats finement explosés, une basse rebondissante, une guitare qui file une dentelle élégante quand elle ne montre pas les crocs et des nappes moribondes. Quand tout ça se met en place - tout le temps - Nine Cities referme ses filets et nous fait croire à sa doxa apocalyptique. Pas d’affadissement, pas de sons datés ou répondant aux exigences du temps présent (appelé à devenir daté à son tour) mais, à la place, une vraie vision, de vraies idées à expulser et une rage toujours intacte (à l’image de l’arme que présente la pochette que l’on doit, comme à l’habitude, à Khomatech).
C’est pourquoi il ne fait aucun doute que celui-ci se place tout à côté de ses trois aînés en clôturant de la plus belle des manières une expérience qui n’aura jamais perdu sa pertinence et la gardera pour un paquet de temps encore.

Remarquable.


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