The Blood Of Heroes - s/t
Présenté comme une rencontre au sommet entre Justin K. Broadrick, Bill Laswell, Dr. Israel, end.user ou encore Submerged entre autres participants, le collectif The Blood Of Heroes allait-il tenir ses promesses ? À l’issue de la première écoute et puis de toutes les autres, la réponse est clairement... oui.
1. Blinded
2. Chains
3. Salute To The Jugger
4. Breakaway
5. Transcendent
6. Repositioned
7. Remain
8. Wounds Against Wounds
9. Descend Destroy
10. Bound
11. Drift
Bien plus qu’une référence à une série B post-apocalyptique réalisée par David Webb Peoples, le scénariste entre autres d’ Impitoyable, The Blood Of Heroes est avant tout la réunion de forces apparemment contradictoires, quelque chose comme un colosse musical dont les membres, liés les uns aux autres par la force de sutures apparentes, auraient leur vie propre.
Sous la peau diaphane de son bras droit, on devine clairement le réseau tissé par les six cordes barbelées d’un stakhanoviste de la guitare incisive que l’on ne présente plus, Justin K. Broadrick (Godflesh, Jesu pour ne s’en tenir qu’à ses projets les plus connus).
En incisant le bras gauche, surgissent à intervalles réguliers, charriées par le cœur de la bête, les ondes caoutchouteuses mais terriblement précises de la basse de Bill Laswell, autre figure quasi-mythique de l’expérimentation impliquée à divers degrés en tant que musicien, producteur ou remixeur dans probablement un bon milliard de projets ayant tous pour point commun l’exploration des multiples facettes du dub.
Dans les profondeurs de sa gorge, les cordes vocales prédicatrices de Dr. Israel, producteur-ingénieur-acteur new-yorkais œuvrant quelque part à la croisée du dub, du dance hall et du reggae.
Puis viennent les jambes et muscles striés d’end.user et Submerged (big boss d’Ohm Resistance), activistes jusqu’au-boutistes du monde électronique aux machines portées sur une drum’n’bass très efficace aux accents à la fois industriels, hip-hop et breakcore.
Or, on le sait, le problème avec les colosses, c’est qu’ils ont la fâcheuse habitude d’avoir des pieds d’argile. C’est qu’on ne compte plus les déceptions que représentent ces projets qui pourtant sur le papier mettent immédiatement l’eau à la bouche. Mais pas ici. Pas avec ce pavé monolithique d’ombre et de tension, noir et rageur. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à ce que cette réunion au sommet fasse varier le jeu de chacun : de la même façon que tous les autres participants, Laswell fait clairement du Laswell et Broadrick navigue au gré des morceaux tantôt vers les rivages industriels et désolés caractéristiques de Godflesh (Blinded ou Breakaway), tantôt vers ceux plus accueillants et éthérés de Jesu (Transcendent, Repositioned). Mais il faut bien admettre qu’entendre les riffs massue et/ou rampants de Broadrick se débattre avec les fréquences de Laswell et la psalmodie ténébreuse de Dr. Israel sur fond de rythmique drum’n’bass (pour faire vite) est assez jubilatoire et propulse celle-ci – certes encore active mais légèrement laissée à l’abandon depuis la fin des ‘90s – directement dans le 21e siècle. Et puis de toute façon, il ne s’agit pas là d’un album de drum’n’bass, la musique que donne à entendre The Blood Of Heroes est bien plus que cela.
La basse est omniprésente et ses intonations dub parent les morceaux de bandes élastiques où rebondissent les guitares de Broadrick, elles-mêmes apportent élan et profondeur à la production et aux rythmiques électroniques tour à tour véloces, martiales, voire parfois apaisées d’end.user et Submerged quand celles-ci poussent Dr. Israel à alterner passages toastés caractéristiques du dance hall, spoken word et diatribes hip-hop. Et c’est là toute la subtilité de la chose : chacun reste clairement dans son champ de prédilection mais est amené à en explorer les frontières, poussé dans ses derniers retranchements, par la présence de tous les autres participants et le projet prend alors tout son sens. Dès lors, bien que la couleur dominante demeure irrémédiablement le noir, sous son aspect de prime abord très monolithique, les directions explorées sur cet opus sont nombreuses et en déclinent diverses nuances. De ce véritable maelström bien flippant, on retiendra les plus belles réussites, véritables morceaux de bravoure que constituent, par exemple, Transcendent – un morceau tout en guitares shoegaze qui prend le temps de développer à coups de drones vicieux et de rythmiques downtempo martiales une sorte d’ambient musclée et désespérée – ou encore le dévastateur Wounds Against Wounds qui enfonce la platine de quelques bons mètres dans les fondations et alterne passages massifs où les riffs puissants se combinent à une rythmique des plus aléatoires et moments presque silencieux où ne subsistent que quelques beats apaisés. On trouvera aussi au gré des morceaux quelques mélopées orientales et puis finalement un peu tout ce que la musique urbaine – tranchante ou atmosphérique – a à offrir de plus ténébreux.
Quand on sait qu’en sus des participants déjà évoqués, KJ Sawka (Pendulum) et Balázs Pándi (Merzbow, Venetian Snares) se relaient derrière une batterie qui se fait entendre sur certains titres (le rythmiquement atteint Bound), que M. Gregor Filip (l’un des fondateurs d’Ohm Resistance) épaule parfois Broadrick aux guitares et amène une foultitude de sons connexes à la variété déjà importante de l’ensemble, on ne peut qu’admettre que sur une grande majorité de morceaux, la collaboration a joué à fond et trouvé un parfait point d’équilibre.
Provoquant le glissement du dubstep vers le métal extrême, de la drum’n’bass vers l’ambient et du dance hall vers la nébuleuse industrielle, le résultat est vraiment impressionnant.
Derrière ce nom belliqueux se cache ainsi tellement plus qu’un disque gorgé de testostérone. L’écoute de cet éponyme sécrète une palette évidemment bien plus large d’hormones puisqu’adrénaline, endorphines et sérotonine sont également conviées au grand festin apocalyptique concocté par The Blood Of Heroes. Et comme la créature qui orne sa pochette, la musique du collectif est fascinante et le mélange des genres, poussé à l’extrême, époustouflant.
À écouter très fort et dans le noir.
The Blood Of Heroes sur myspace.
The Blood Of Heroes sur Ohm Resistance.
Au terme de ce bilan de l’année 2010, j’ai bien failli décider de m’exiler en Islande pour être aux premières loges lorsqu’un artiste émerge. Et, aux vues de mes écoutes de dernière minute, je ne peux m’empêcher de penser que nous passons sans doute à côté de sacrés grands albums.
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