Unik Ubik - s/t
On trouve de tout dans les élans métissés d’Unik Ubik, ce qui rend sa musique bien difficile à décrire. Mais comme ce premier disque est des plus réjouissants, on a tout de même essayé. Tentative.
1. Topix
2. Aldi
3. Massive
4. Papah
5. Kravan
6. Serrano
7. Waitz
8. Majax
Tout aussi bigarré que sa chouette pochette, Unik Ubik se montre particulièrement résistant aux tentatives d’étiquetage et emprunte des chemins tarabiscotés délaissés par le tourisme de masse : mélange étonnant et détonnant d’afrobeat, de rock déstructuré, de muzak et de folklore indéterminé, on comprend très vite qu’il sera difficile de le circonscrire avec de simples mots. Il faudrait rajouter des images et des odeurs pour commencer à être un tant soit peu exhaustif mais puisque l’on ne dispose pas encore d’un tel arsenal, on tentera de le faire à l’ancienne et tant pis s’il y a des blancs. Commençons tout de même par ce que l’on sait même si l’on voit bien que l’on ne sait rien. Unik Ubik n’est pas tout seul dans sa tête et comprend un Maria Goretti Quartet à la basse, un Louis Minus XVI au saxophone, un Koffeee à la guitare et un Adolina à la batterie, une belle réunion de psychopathes du bruit qui n’aiment rien tant que de provoquer un sacré bordel dans les boîtes crâniennes trop bien rangées et quand nombre de synapses crient « jazz » à son écoute, un nombre au moins aussi conséquent répond « Iron Maiden » (pour reprendre l’un des tags absurdes de leur page bandcamp qui n’aide pas vraiment). Et quand on a dit ça, on n’a encore évidemment rien dit. Ce que l’on sait encore - mais ça n’amène pas beaucoup plus loin - c’est qu’Unik Ubik pratique une musique assez bien résumée par son patronyme. Unique dans sa façon de se montrer insaisissable, voire confuse de prime abord, un peu tout ce que l’on ressent en lisant le roman de Philip K. Dick. Unique également dans sa façon de régresser dans le passé en atteignant des bornes érigées depuis longtemps (Fela, Captain Beefheart, The Ex, Firewater, Charly Oleg et j’en passe) pour mieux les contourner et en façonner de nouvelles, ressemblantes certes mais avec tout de même leur part de singularité. Et puis à mettre les pieds comme cela sur tous les secteurs de la mappemonde, on en vient à louer le véritable don d’ubiquité que le groupe arbore. Sautant d’un point cardinal à l’autre, rien n’est oublié et tout se retrouve dans ces morceaux : du klezmer confronté aux grigri de l’Afrique, du punk et du metal, une certaine exaspération occidentale se frottant à des élans bien plus aérés typiquement slaves, le groupe va partout, est partout et vient de partout.
On retrouve donc quelques accents familiers empruntés aux formations dans lesquelles les divers protagonistes sont impliqués (le saxophone est ainsi typiquement Louis Minus XVI quand le côté fou fou rappelle plutôt clairement le Quartet par exemple) mais la confrontation mène également à des chemins qu’elles n’avaient pas encore explorés : on retrouve ainsi disséminés ici et là quelques réminiscences du Caravan de Duke Ellington mais dans sa version La Souris Déglinguée, de curieux accents bal musette (au détour de Topix, Waitz ou Majax par exemple) mêlés à d’autres bien plus solaires et psychédéliques (Kravan), des rythmiques garage et carrées ou progressives (Serrano) ou lascives et carrément funk (Massive) télescopant des cuivres issus du Bitches Brew de Miles Davis, beaucoup de ci, un peu de ça venus d’ici et plus sûrement de là-bas. Il ne faut toutefois nullement se méprendre : le vernis dilettante et l’humour punky inondant chaque titre font mouche car tout est parfaitement bien écrit et l’impression de grand n’importe quoi absolument jouissive que provoque le disque ne tient qu’au fait qu’Unik Ubik, justement, sait ce qu’il fait. Un laboratoire foutraque qui repose sur des fondations solides et bien établies. On pourrait parler de folie maîtrisée ou de pragmatisme sans queue ni tête entre autres expressions oxymores à même de décrire les télescopages bigarrés que nous offre ce premier essai mais on parlera plus sûrement de talent quand on sait par ailleurs que le groupe est un tout jeune bébé qui vient à peine de fêter sa première année. Alors, certes, « la frite est moins chère quand on a dix-huit ans » reste un message topique et pertinent mais hormis ses paroles, c’est bien celui que véhicule la musique tout entière de cette hydre franco-belge qui se montre le plus subversif. En ces temps de replis sur soi et de dérives populistes, le grand melting-pot métissé, bariolé et iconoclaste d’Unik Ubik charrie un air frais des plus salutaires que je ne saurais trop vous conseiller d’inhaler à grandes goulées.
Jubilatoire et vif.
Toujours difficile à circonscrire et encore plus à catégoriser, la musique d’Unik Ubik gagne encore en envergure avec I’m Not Feng Shui.
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