Katel - Elégie
Nous avions laissé Katel après un concert mémorable aux Trois Baudets. C’était en 2010. Depuis, la Française a produit des albums, participé à différents projets et c’est accompagnant des artistes tels que Joy, Fiodor Dreamdog ou Maissiat, entre autres, que nous pouvions la trouver. Ce furent aussi six années de travail qui ont ainsi permis de donner le jour à Elégie, sorti il y a un an. Et c’était de nouveau aux Trois Baudets que Katel nous présentait ses nouvelles compositions avant la sortie officielle quelques semaines plus tard.
1. Voûtes
2 Cyclones
3. À L’Aphélie
4. Au Large
5. Danse Sur Le Lac de Constance
6. Hors-Foule
7. Ralentis
8. Saisons
9. Échos
10. De L’ombre
11. Élégie
"Quelle claque !", avais-je écrit en 2010. En 2016, aucun mot ne pouvait exprimer l’émotion tant les retrouvailles et ces chansons à fleur de peau étaient belles. Et quelle surprise, de prime abord, de constater que Katel, autrefois seule avec sa guitare, avait laissé ses cordes et son line-up rock qui l’accompagnaient sur Décorum, pour donner la place aux claviers et aux chœurs. C’est vrai pourtant que lors de rares concerts, en 2011, A l’Aphélie s’était déjà glissé dans les tracklists, laissant entrevoir les prémices de ce changement de direction. Une fois de plus, Katel ne nous a pas déçus, que ce soit au travers de son chant, de ses compositions ou de sa plume.
Jouant avec les voix, tel que cela avait été amorcé sur des morceaux comme Chez Escher à la quadrature harmonique parfaite, Elégie fait figure d’ovni sur la scène musicale française et toute réponse à la question "c’est quel style exactement ?" devient difficile. Mais qu’importe après tout. L’intérêt de la musique ne réside pas dans ce quelle est mais dans ce qu’elle dégage, le reste n’étant que littérature. Et donc, cela passait par la voix. La voix dans les harmonies, la voix dans les rythmes. La voix tel un instrument non seulement nécessaire pour déclamer un texte mais également indispensable pour transmettre des émotions. Et d’émotion, Elégie n’en manque pas, l’enchaînement Voûtes/ Hors-Foule en concert mettant l’auditeur K-O debout. Hors-Foule... où pendant une minute, le combo piano-voix prépare le terrain en nous déposant en apesanteur dans des nuages (noirs) avant que batterie et chœurs ne viennent nous arracher les tripes pour qu’enfin, les claviers nous remettent à l’endroit pour planer sans danger. Il apparaît alors clairement que ce disque se traverse à bord de montagnes russes passionnelles, nous menant d’euphorie pernicieuse (A l’Aphélie) en désespoir touchant (Elégie).
Dès lors, plus qu’une surprise, ce troisième album s’inscrit davantage comme une suite logique, où chacun des talents de Katel atteint sa quintessence, faisant écho à l’ensemble de sa discographie. Là où nous étions dans l’instantanéité, nous entrons finalement dans un univers plus construit et réfléchi, trouvant ses fondations autour du thème du deuil et de la perte d’un être cher. De La Frontière, Tigres En Papier ou encore Carapace sont autant d’anciens morceaux dans lesquels Elégie trouve ses racines.
Katel se livre aussi davantage, jusqu’à reprendre des vidéos de famille dans ses clips. Cyclone (voir ci-dessus) nous entraîne ainsi dans ses souvenirs, au commencement même de l’histoire. Cette rencontre tempétueuse entre un passé jamais complètement révolu et un présent qui s’impose à nous est d’autant plus renforcée par la dualité du clavecin face aux sons plus synthétiques des claviers, la binarité du rythme tout au long du morceau n’ayant pas non plus empêché la destructuration du final. Et cette attention particulière dans la construction se retrouve sur chacun des titres, rendant l’ensemble d’une cohérence sans faille. Surtout, elle réussit brillamment l’exercice consistant à combiner des influences contemporaines / néo-classiques à des formats plus pop. C’est d’ailleurs peut-être ce qui avait manqué à Décorum : malgré l’immédiateté des certaines chansons (Vue Sur Le Ring, Quelque Chose), l’ensemble, d’apparence plus complexe a pu en effrayer certains. Le potentiel de ce deuxième opus était pourtant bien présent avec, déjà, cette recherche permanente de musicalité dans les textes. Mais il était, il est vrai, possible de se perdre dans ce parcours labyrinthique pourtant de toute beauté.
Finalement, Elégie est à Katel ce que White Chalk est à PJ Harvey - la comparaison si souvent effectuée n’ayant jamais autant fait sens : un album charnière rendu passionnant par ses différents niveaux de lecture, ce genre d’album qui va nous clouer sur notre fauteuil un bon moment avant que nous puissions reprendre nos esprits.
Elégie est l’album touchant de sincérité d’une artiste d’une authenticité pure.
Au terme de ce bilan de l’année 2010, j’ai bien failli décider de m’exiler en Islande pour être aux premières loges lorsqu’un artiste émerge. Et, aux vues de mes écoutes de dernière minute, je ne peux m’empêcher de penser que nous passons sans doute à côté de sacrés grands albums.
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Précédemment sur indierockmag, j’avais déclaré ma flamme autour du Raides à la Ville de Katel, première mouture d’un album composé alors de 8 titres. L’histoire était belle, éphémère, rêveuse, pourquoi se lancer dans l’acte II sur fond de Décorum ? Je me le demande encore.
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