Le streaming du jour #1758 : Féroces - ’Victor EP’
Musicalement, les fins d’année sont toujours l’occasion de bilans plus ou moins utiles, mais surtout de rattrapages. Le dernier EP de Féroces avait déjà été usé dans les couloirs de la rédaction au point de devenir un compagnon fidèle. Pourtant, nous n’en avions pas encore parlé dans ces colonnes. Les fins d’année sont surtout l’occasion de corriger de belles erreurs.
Et si tout cela n’était qu’un acte manqué ? L’occasion de garder le meilleur pour la fin ? Ou d’évoquer ce Victor à l’approche du solstice d’hiver ? Il n’y aurait rien d’illogique à cela tant l’atmosphère déployée par les Bisontins est sombre.
Il n’est donc pas étonnant de retrouver un Patrick Dewaere au visage (légèrement) déformé numériquement, tant le trio semble partager avec l’acteur cette ouverture d’esprit qui leur permet d’évoluer dans un territoire complexe et rempli d’amertume sans jamais faire preuve d’élitisme, acceptant en cela d’intégrer des éléments plus populaires à leurs travaux respectifs.
Et si Dewaere transcendait les quelques nanars dans lesquels il a joués, Féroces parvient à décupler la tension qui émane de certains dialogues issus du septième art. La recette est désormais connue de ceux qui suivent le groupe - que nous remercions encore au passage de sa contribution à IRMxTP avec le classique instantané qu’est Donna - et les samples vocaux de films - de la Nouvelle Vague en priorité sur l’EP Juliette - hantent et subliment des instrumentations post-rock.
Ainsi, sur Carole, la voix d’une Nathalie Baye - captée sur Les Sentiments de Noémie Lvovsky - implorant Jean-Pierre Bacri de lui vouer un intérêt quelconque évoquent La Maman Et La Putain de Diabologum avant que les guitares rutilantes ne reprennent leurs droits pour propulser l’ensemble vers une explosion électrique.
Sur J’Attends Qu’Il M’Arrive Quelque Chose, l’instrumentation se veut plus minimaliste, et les guitares aux accords lents et vaporeux sont accompagnées d’éléments digressifs plus clairs qu’accompagne la voix d’une Vanessa Paradis à la candeur perceptible.
Plus brut et rugueux, L’Odeur Du Cuir s’articule autour d’une batterie martiale et de guitares méthodiques, écrin parfait pour soutenir les échanges susurrés par Jean-Pierre Sentier et Bernard Giraudeau. Le débit plus enlevé met en avant l’aspect secret de cette conversation à laquelle l’auditeur assiste dans une démarche relevant presque du voyeurisme. Tout cela est aussi bien pensé qu’articulé par les musiciens qui opèrent une transition sur la première partie d’un Slalomer Entre Les Ivrognes dominé par une boîte à rythmes.
Avec Victor, ce synthétisme soudain est à peine digéré que Féroces revient aux bases pour mieux les transcender, et l’on croit assister à une fusion du post-rock de Mogwai et des murs de son vaporeux de My Bloody Valentine sur fond d’arpèges qui peuvent évoquer Pinback. "Du jour au lendemain, vous ne valez plus rien" clame Jean-Pierre Darroussin sur l’ensorcelant et survolté Ne Vous Retenez Pas. Est-ce le symptôme d’une peur qui hante le groupe ? Probable, mais avec un EP de ce calibre, cette angoisse est clairement irrationnelle.
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