Le streaming du jour #1738 : IRM presents - ’IRMxTP Part VII - Where We’re From, There’s Always Music in the Air (Heaven Is a Large and Interesting Place)’

Après le volume 11 vient le 7. Rien de logique dans tout cela, et si Where We’re From, There’s Always Music in the Air (Heaven Is a Large and Interesting Place) était le seul des onze premiers volets de notre projet hommage à Twin Peaks à ne pas encore avoir été partagé, c’est parce que sa réalisation fut pour nous un véritable parcours du combattant.

Alexander Vatagin du label autrichien Valeot Records, déjà à la manœuvre sur les volets ambient 2 et 4, assure de nouveau un impeccable mastering. Si la septième des seize faces prévues a finalement pu voir le jour, le travail du musicien et ingé son basé à Vienne a été indispensable, et nous tenons à l’en remercier. L’artwork a pour sa part été réalisé par l’excellent dessinateur Half Bob, auteur des bandes dessinées Gimme Indie Rock et du blog du même nom.

Notre fierté n’en est probablement que décuplée. Il faut dire que ce volet, le plus "pop" et accessible des seize qui composeront cette compilation, comporte de nombreux sommets accédant à des cimes de grâce que nous ne nous serions jamais permis d’espérer côtoyer à l’aube de ce projet.

Des cimes qui culminent peut-être bien sur le Black Mountain de Tadash aux percussions profondément Lynchiennes. Si l’on reparlera prochainement du duo à l’occasion de la sortie d’un nouvel EP, Cyrille Poumerie et Clément Malherbe s’associent ici à Sasha Andrès et la voix hantée de la chanteuse d’Heliogabale ne fait qu’accentuer le caractère hypnotique d’une composition fantasmagorique aux effluves jazzy.

Mais avant cela, Féroces avait ouvert les hostilités avec une entrée en matière post-rock s’intéressant à Donna Hayward, ancienne meilleure amie de Laura Palmer. Monologue en VF à l’appui, l’atmosphère aérienne et vaporeuse, comme un clin d’œil à la complicité des deux jeunes femmes, recèle une dimension profondément adolescente hésitant entre brume et insouciance lumineuse, laquelle trouve un prolongement dans les images surexposées du formidable clip réalisé pour l’occasion :


En roue libre pour une interprétation expérimentale s’étirant sur près de huit minutes, Mei propose en duo avec son bassiste Will Wistik de sensuelles variations profondément libertaires dans une Pink Room qui use des clichés - jamais totalement absents de la filmographie de David Lynch - de la gent féminine pour leur tordre le cou et prendre le pouvoir... on en parlait plus amplement par là.

Pour clore une première phase cinématographique, la pop du duo Helen Why ? (aka Lonny Montem et Guillaume Charret de YuLeS) se veut aussi ambitieuse qu’intrigante sur un Blue Rose Case très Nancy & Lee dont les références à la Dame à la Bûche font écho à notre pochette, avant que The Chevrons ne se réapproprient pour la troisième fois Audrey’s Dance (une quatrième relecture figurera au générique de la partie 14 à paraître le mois prochain), faisant évoluer le thème composé par Angelo Badalamenti vers des territoires obsédants contrastant avec sa légèreté initiale.

S’ouvre ensuite une phase au débit plus enlevé qu’introduit la pop aérienne de Death Hags, seule chanson en français qui, l’interprétation de Lola G. (DTCV) aidant, n’est pas sans évoquer l’univers de Françoiz Breut. Puis le Beyond The Grave d’Orouni fait grimper la dramaturgie d’un cran, la voix d’Aldwin transcendant une instrumentation jazzy empruntant et digérant habilement certains gimmicks de productions d’Angelo Badalamenti. Avis aux vidéastes, l’artiste cherche un collaborateur pour réaliser le clip de ce morceau.

L’Australien Mathew Barker aka Water Music nous offre ensuite un sommet de tension feutrée avec le sublime Voices sur lequel sa voix psalmodiée ravage un ensemble instrumental associant guitares en bois, ligne électrique et souffles contemplatifs. Une douceur électrique que prolonge Zemog Otrebor, le nouvel alias de Robert Gomez, sur un 101 instrumental dont les chœurs clairs-obscurs nous ramènent aussitôt au cœur de la forêt qui entoure la bourgade aux 5.201 habitants.

L’avant-dernier mouvement de ce volet s’ouvre ensuite sur le And It’s Enough de Laëtitia Sheriff, merveille de délicatesse associant un caractère lo-fi à la bienveillance vocale de la Rennaise d’adoption qui semble se méfier, pour trop bien les connaître, des épreuves que la vie peut réserver.

Comme une extension de ce titre classieux, la déambulation atmosphérique proposée par M. Ostermeier et T. Maus semble suspendre les minutes au gré de ses arpèges de piano évanescents, avant que Moongazing Hare, en duo avec Distortion Girls le temps d’une histoire de deuil amoureux sur instrumentation minimaliste, ne vienne accentuer cette cotonneuse impression de rêve éveillé.

Si plusieurs artistes ont proposé des contributions spontanées, Glass Coat est l’un des rares à avoir retenu notre attention et il ouvre le quatrième et dernier mouvement de cet IRMxTP Part 7, consacré aux titres synth-pop gagnés par un spleen éthéré. Et de mélancolie il est déjà question sur ce Belvedere au demeurant plus enlevé, mais celle-ci est hantée par une multitude de détails dans les arrangements et la production - de cloches synthétiques en drones distordus - auxquels seule une écoute au casque saura rendre justice.

Inspiré par la Dame à la Bûche, comme un écho de plus à la pochette de Half Bob, Nicolas Courret aka Invaders a pour la première fois composé une chanson, délaissant les atmosphères cinématographiques de l’excellent Carnival of Sounds, et s’appuie sur la voix trouble et soyeuse à la fois de Rachel Langlais pour bouleverser l’auditeur, la progression fantasmatique finissant par le percuter au beau milieu de ses rêveries.

The Holy Circle, le trio synth-pop de Terence Hannum (Locrian), fait également des mélodies transcendées par une voix féminine le cœur de son propos avec une reprise cristalline et désarmante de The Nightingale, dont nous vous dévoilons aujourd’hui même la vidéo :


Enfin, les incantations minimales et quasi-chamaniques de l’Indonésien Agura Matra viennent renforcer l’impression de planer bien au-dessus d’un tout-venant que Robin Foster, souverain d’une fusion entre rêveries synthétiques et progression post-rock, scrute avec encore davantage de hauteur sur la version instrumentale de The Hardest Party inspiré par l’œuvre de David Lynch et qu’il nous fait l’honneur de partager ici.

Diversité et cohérence ont donc été - nous l’avons en tout cas souhaité ainsi - les maîtres-mots faussement antinomiques de ce volet qui, ne le cachons pas, fait partie des plus excitants de ce projet, du moins pour ceux qui ne se régalent jamais autant que lorsque les mélodies rencontrent l’audace d’expérimentations diverses. Et si Where We’re From, There’s Always Music in the Air (Heaven Is a Large and Interesting Place) a été difficile à finaliser, c’est probablement parce que les despotes de la Loge Noire nous ont mis à l’épreuve : l’accès à la grâce se mérite, et nous ne pouvons qu’espérer qu’au cours de ces 75 minutes, vous saurez également atteindre cet état de transe consciente et vous en délecter.

A télécharger librement via Bandcamp et en écoute ci-dessous :