Parfois, la destinée d’un artiste rappelle celle d’un de ses glorieux aînés. Et si Ryan Patrick Rebo partage avec Mark Oliver Everett quelques points communs, nous ne pourrions qu’être ravis s’il transformait le quart des attentes qu’une telle comparaison peut générer.

En effet, celui qui se cache derrière le pseudonyme de Man At War est, à trente-deux ans, un artiste audacieux dont se moquent éperdument ses compatriotes. Il en allait de même pour E au même âge, un an avant la réalisation d’un album intemporel signé pour une major balbutiante.

A l’instar d’Everett, Ryan Patrick Rebo a roulé sa bosse dans différents états américains. Natif de Seattle et passé par le Montana pour désormais s’établir à Portland, il a également publié quelques disques plus dispensables sous un autre patronyme avant de trouver la formule la plus adaptée sur I’m A Rainbow, A Promise of God’s Care, EP plombé sur lequel la lumière émane de certaines pistes teintées d’une atmosphère parfois cheap (Dreams In Color).

Mais la comparaison avec le leader de Eels se justifie surtout au niveau musical. Certes, la parenté n’est pas immédiate, mais comment ne pas penser à Beautiful Freak lorsque quelques synthétiseurs détraqués viennent soutenir un Digital Mind chaloupé et feutré ?

Les six titres qui composent cet EP prometteur alternent entre ce versant entraînant à la mélancolie diffuse et une paire de ballades au piano déchirantes, qu’il s’agisse d’un I Guess I Showed You plombé ou de la structure sautillante mais désarmante de On An Empty Street At Night.

Celui qui emprunte son pseudonyme à une chanson de Daniel Johnston achève cet EP avec un Fabric of Time renversant en duo avec Gregory and the Hawk, et l’auditeur ne pourra qu’être frappé par l’harmonie et la complicité entre les artistes. Aussi à l’aise quand il partage le micro que lorsqu’il est seul armé de sa guitare et de synthétiseurs hésitant entre causticité et luminosité, Man At War est assurément l’un des secrets les mieux gardés des Etats-Unis...