IRM Expr6ss #31 - "indie rock pas mort ?" : Cyrod, Luke Haines & Peter Buck, Pile, Portugal. The Man, Thalia Zedek & Elie Zoé
Après l’ambient, le rap et l’électro (et en attendant, très probablement, le jazz, le modern classical et les musiques extrêmes), on continue cette série automnale de sélections Expr6ss en mettant l’accent sur un indie rock comme on l’aime, d’une sincérité toujours vivace chez ceux sur lesquels les tendances à la grandiloquence tapageuse ou aux télescopages ostentatoires n’ont pas de prise.
Cyrod Iceberg - A Bad Game (Autoproduction, 12/10)
L’infatigable Narbonnais, moitié des aventureux Red Space Cyrod, nous gratifie généralement d’une ou deux sorties par an, sans compter les échappées kosmische de son projet OIZAK. Avec A Bad Game, Cyrod trouve l’équilibre entre les ballades folk-rock cafardeuses de Dark Days et l’indie rock abrasif d’It’s a conversation between me and myself, ses deux livraisons de 2024, pour toucher à une forme d’épure de songwriting aux écrins électriques feutrés. Un excellent cru, qui refuse la facilité du couplet/refrain au profit de progressions singulières, non sans atomes crochus avec la mélancolie aux dissonances discrètes de la grande Thalia Zedek dont on parle justement plus bas.
Elie Zoé - Shifting Forms (Humus Records, 10/10)
Après toute grande transformation, il y a forcément un temps d’adaptation. Ce fut le cas à n’en pas douter pour Elie Zoé, qui après sa transition commença logiquement par se chercher, prendre le pouls d’une voix désormais plus grave, notamment avec le morceau Les incendies étonnamment chanté en Français, dont on se demandait s’il s’agissait d’un aperçu de sa direction musicale à venir. Et ce fut également le cas pour nous, habitués à la voix d’Émilie, dont j’avoue qu’elle continue de m’émouvoir davantage. Néanmoins, avec Shifting Forms, même un octave plus bas, on retrouve déjà ce que l’on aimait tant chez le Suisse : ce rock sensible et écorché aux crescendos incandescents, par moments plus poli peut-être (le morceau-titre, avec ses arrangements de claviers aux réminiscences 80s, la ballade pale eyes) mais dans l’ensemble toujours aussi intense (the whole of the moon, l’orageux change my name dont la mue élégiaque en plein milieu de titre serre le coeur, l’ample slow burner how we break), même lorsque cordes et piano s’en mêlent (le magnifique dormant plants), et mené par une voix qui semble avoir retrouvé son assurance et cette manière d’assumer fièrement une fragilité toujours à fleur de peau.
Luke Haines & Peter Buck - Going Down To The River… To Blow My Mind (Cherry Red Records, 25/07)
Malgré toute l’affection que l’on peut avoir pour Luke Haines, dont la période du tournant des 90s/00s, entre Black Box Recorder, The Auteurs et le premier album solo The Oliver Twist Manifesto constitue sans le moindre doute le pic de créativité, force est d’admettre que sa trajectoire des années 2010 ne fut pas des plus emballantes, avec des albums inégaux aux incursions synthétiques ou théâtrales un brin douteuses, la palme à sa dystopie British Nuclear Bunkers d’il y a 10 ans, pas loin du foutage de gueule. Heureusement, au contact de Peter Buck, guitariste historique de feu R.E.M. également entendu chez Robyn Hitchcock & The Venus 3, le Britannique retrouve depuis 2020 une nouvelle jeunesse mélodique, riffesque et sans chichis, en témoigne notamment ici l’irrésistible Sufi Devotional aux refrains imparables. Sans être tout à fait du même tonneau (à l’exception peut-être du typiquement Hainesien Radical Bookshop Now), le reste du disque, entre ballades plus ou moins arrangées et gros rock décomplexé aux saillies emphatiques bien dosées, ne démérite pas et nous réconcilie gentiment avec l’auteur du génial England Made Me.
Pile - Sunshine and Balance Beams (Sooper Records, 15/08)
Trajectoire remarquable pour le combo bostonien des guitaristes Rick Maguire (également au chant et aux synthés) et Matt Connery (qui retrouve le groupe après quelques années d’éloignement) : en une dizaine d’albums et une demi-douzaine d’EPs (dont l’excellent Hot Air Balloon chroniqué ici l’an passé) sur près de 20 années d’activité, Pile a su se détacher des étiquettes successives qu’on lui avait hâtivement accolées - freak folk, noise rock, math-rock, post-punk, post-hardcore - pour culminer depuis quelques disques sur l’intensité d’un rock fébrile et tourmenté aux arrangements magnétiques. Cette fois, le quatuor s’adjoint les services d’une section de cordes (quatre violonistes et deux violoncellistes) dont la contribution s’avèrera primordiale pour éclairer ici et là de ses lumières élégiaques ces crescendos rugueux (Holds) ou enfiévrés (Carrion Song), ou au contraire les malmener encore davantage (Bouncing in Blue, Born at Night), entre deux hymnes rock véloces toutes guitares dehors et d’une redoutable efficacité (Deep Clay, Uneasy). Claque !
Portugal. The Man - SHISH (Thirty Tigers/KNIK Records, 7/11)
Plus encore que l’inégal Woodstock, c’est le médiocre Chris Black Changed My Life blindé d’hymnes dégoulinants et de collaborations vomitives (de Natalia Lafourcade au producteur et vocaliste Jeff Bhasker) qui nous avait fait pour la première fois désespérer de Portugal. The Man, dont le bel équilibre à la fois radiophonique et exigeant dans un pop-rock psyché et métissé au songwriting idiosyncratique semblait avoir basculé pour de bon du mauvais côté du mainstream. Heureusement, John Gourley a repris en main la production et resserré le projet sur le duo créatif qu’il forme depuis 2008 avec sa compagne Zoe Manville, renouant sur SHISH avec les élans mélangeurs des albums du tournant des 00s/10s (cf. les très efficaces Denali et Angoon) et autres contrepieds aussi constants qu’improbables (Mush, ou Father Gun qui pourrait faire office de quintessence mélodique pour le groupe), tout en multipliant les digressions du côté du noise rock (Tyonek) ou même du punk harcore (Pittman Ralliers). Restent quelques tentations excessivement emphatiques (Knik), théâtrales (Shish) ou FM (le néanmoins tout à fait potable Tanana, aux faux airs de tube oublié des 90s), mais dans l’ensemble on y croit à nouveau, on vibre même un coup sur deux et c’est bien là l’essentiel !
Thalia Zedek Band - The Boat Outside Your Window (Thrill Jockey, 23/05)
Increvable et droite dans ses bottes, Thalia Zedek reste fidèle à Thrill Jockey avec le 7e opus de son Thalia Zedek Band, défendu comme tous les précédents par le label de Chicago. Toujours au programme, un indie rock mélancolique et racé aux nombreuses circonvolutions mélodiques et aux fûts bien détachés, tenus par Gavin McCarthy de Karate qui officiait précédemment au sein du trio E de l’Américaine. Moins abrasive que celle des susnommés - que l’on adore à IRM et dont les prestations scéniques sont toujours de haute volée - au point comme souvent de lorgner sur l’americana, la guitare slide aidant (Naming Names, Boat), la musique du Thalia Zedek Band n’en reste pas moins, sur The Boat Outside Your Window, dense en riffs rugueux et en nappes électriques (Aliyah, Disarm) voire même en distos bien senties (Under Weather). Un superbe réussite de plus !
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