Senators In Bondage - Senators In Bondage EP

N’ayez crainte, amis lecteurs : Senators In Bondage ne fait pas de politique, et les parisiens n’auront pas besoin de vous attacher au lit avec des menottes pour vous faire goûter au plaisir de leur rock débridé.

1. SB8
2. SB7
3. SB14
4. SB5
5. SB4
Hidden track : SB13

date de sortie : 18-07-2007 Label : Autoproduction

Je ne sais pas grand chose de Senators In Bondage (référence au film éponyme du cinéaste expérimental Kenneth Anger ?), quatuor parisien fondé à l’hiver 2005, si ce n’est qu’il est constitué de trois "sénateurs" et d’une "sénatrice" qui multiplient les concerts dans les clubs de la capitale depuis fin 2006 tout en recherchant un label pour enregistrer leur premier album.

Ce que je sais, par contre, c’est qu’ils carburent au rock à guitares comme on aime, celui né du Velvet et radicalisé par les Stooges, celui, aussi, auquel Sonic Youth et les Pixies ont ouvert de nouveaux horizons, celui, enfin, des horizons en question, que parcourent aujourd’hui des groupes tels que les Queens Of The Stone Age ou TV On The Radio.

Aussi, ne vous laissez pas abuser par leur nom ou par l’esthétique de cette pochette très psychobilly : les Senators In Bondage sont des enfants du rock des 60’s aux 90’s, et leurs influences englobent le post-punk comme le "shoegaze" (notre ami Lloyd_cf appréciera). Le groupe avait ainsi pour habitude de terminer ses concerts par la reprise de That Girl Suicide du Brian Jonestown Massacre.

Les noms des morceaux de ce premier EP enregistré en avril et sorti le mois dernier sont donc à l’image de leur musique : sans fioriture. Ce qui ne veut pas dire qu’elle manque de finesse pour autant : compte-tenu de la nature directe et percutante de ces six morceaux, ça serait même plutôt le contraire.

Ainsi, sur SB8, le chanteur d’un Bloc Party qui aurait tout compris aux riffs des Pixies et aux déflagrations de Sonic Youth nous encourage vivement à entrer dans la danse. SB7, introduit par des rythmiques tribales, continue d’abord dans cette veine noisy pour ensuite faire la part belle au chant dissonnant d’une punkette élevée aux girls bands 60’s. En suivant la piste myspace, on apprendra qu’elle se nomme Eudoxie (Siouxie et ses Banshees ne sont pas loin...), et qu’elle est également actrice. De là sans doute ces vocalises plutôt extraverties qui rappellent celles de Josephine Olausson, chanteuse du groupe suédois Love Is All, logiquement rejointes par les mêmes basse rythmique, guitare hâchée et batterie dance-rock alors que le morceau s’emballe. On sent toujours cette influence post-punk, celle de Gang Of Four peut-être, au début de SB14, mais les chuchotements à la Kim Gordon laissent bientôt place à l’énergie d’un chant soul-rock digne des Bellrays. Puis avec SB5 et sa basse jazz-rock, c’est à Television que l’on se prend à penser, mais le groupe n’est pas du genre à faire dans l’imitation facile et un refrain répétitif permet au chanteur de se lâcher comme les Hot Hot Heat des débuts, avant de convoquer Devo dans les couplets. L’instrumental SB4, animée par une basse en liberté héritée de Kim Deal, lui permettra de reprendre son souffle, mais l’auditeur ne bénéficiera pas du même répit. Annoncée par des éclairs de guitare dissonnante, une tempête se lève et se mue peu à peu en un déluge presque post-rock. Enfin, alors même que l’on pensait le calme revenu pour de bon, SB13 laisse éclater en bonus caché l’influence sauvage des Stooges, qui se mêle de nouveau à celle de Devo en une orgie musicale répétitive et absurde, d’où montent des cris et autres dérapages vocaux jouissifs empruntés au Black Francis de Surfer Rosa .

A ce stade de la chronique, vous vous dites sans doute : "Que de comparaisons !", et l’envie vous prend peut-être de demander : "Mais alors, c’est quoi ce groupe, Senators In Bondage ? Les nouveaux chantres d’un revival malin ? Les chargés de visite d’un petit musée du rock à guitares ? Les descendants anachroniques d’un dogmatisme rock voué à disparaître ?" Eh bien essayez donc de citer ne serait-ce qu’un seul des groupes sus-mentionnés qui ne soit pas plus actuel aujourd’hui que jamais, et vous aurez la réponse à toutes vos questions. Car Senators In Bondage, en deux mots, c’est tout simplement du bon rock. Et quoi que puissent parfois en dire les toqués de défrichage sonore dont je dois bien avouer faire partie, cette musique-là, on y reviendra toujours.


Les quatre premiers morceaux de cet EP, SB8, SB7, SB14 et SB5, sont disponibles à l’écoute sur la page myspace de Senators In Bondage. Idéal pour découvrir la musique du groupe parisien.

Chroniques - 19.08.2007 par RabbitInYourHeadlights