Radiohead - Ok Computer

Ok Computer. Il y a de ces albums qui marquent à vie. Laissant une trace indélébile. Ces albums qui au delà d’être une référence reconnue de tous sont vos albums. Intimes. Personnels. Malgré leur caractère presque biblique. Ok Computer signifie tellement de choses. Le coup du grand album donc. Encore. 11 ans déjà. Même pas mort. Toujours à tourner sur notre platine. Le disque du siècle ?

1. Airbag
2. Paranoid Android
3. Subterranean Homesick Alien
4. Exit Music (For a Film)
5. Let Down
6. Karma Police
7. Filtrer Happier
8. Electioneering
9. Climbing Up the Walls
10. No Surprises
11. Lucky
12. The Tourist

date de sortie : 13-07-1997 Label : Parlophone

Pourtant qui aurait cru quelques années auparavant que Radiohead aurait un jour pu sortir ce disque ? Le quintette aurait pu être le groupe d’un tube. Creep. Un déferlement sur les ondes. Un jouet devenu incontrôlable qui a vite fait d’ensevelir le groupe. Comme quelques années années avant le Smells Like Teen Spirit de Nirvana. Le meilleur moyen de couler un groupe. Radiohead va se montrer subtil. Va enterrer ce hit. Rebondir plus loin. Plus fort. Ce sera The Bends en 1995. Un rock taillé pour les stades. Un succès qui ne plaît guère à Yorke. Pourtant. C’est un mal nécessaire. Après la tournée qui s’en est suivie Parlophone donne carte blanche au groupe. Radiohead a gagné son duel avec les majors et les médias. Il va pouvoir enregistrer l’album qu’il souhaite. Un manoir anglais du XVe. Le groupe. Nigel Godrich aux manettes. Toute électronique est dégagée. Seule compte la musique. C’est dans cette ambiance flippante qu’est enregistré ce disque. Un univers froid et hostile. Tout comme l’album en lui même. On rentre donc dans le temple. A l’entrée on nous donne un Airbag. En prévision de la tempête qui arrive ? Un riff simple. Menaçant. On retrouve peut-être quelque chose de The Bends . Le son est pourtant différent. Plus travaillé. Plus mature. Aidé par la production parfaite de Nigel Godrich. La rythmique métronomique de Phil Selway fait son effet. Jonny Greenwood et Ed O’Brien mettent en place leurs guitares. L’esprit est angoissant. Mais pourtant. On se sent bien. C’est là tout le paradoxe de Radiohead. L’ambiance n’est jamais chatoyante. Plutôt hostile. Repoussante. Mais on est attiré. Presque bercé. Le morceau suit son cours. Une alternance Couplet/Refrain classique. Puis sur sa fin le morceau s’accélère. Se désintègre. On brûle à l’approche de l’atmosphère de la planète Radiohead. Un final noisy et agressif. On est arrivé. L’épopée peut commencer.

Une montagne se dresse déjà devant nous. Paranoid Android. Premier single. Imposé par Radiohead à Parlophone. Une tentative d’échapper à la radio et à sa dictature des formats. Une odyssée à l’intérieur de l’album. Menée par la guitare de Greenwood. Elle est triturée. Dans tout les sens. Alliant habilement arpèges, acoustique et distortion. “Please could you stop the noise, I’m trying to get some rest”. La chanson décolle. Grimpe. Paranoid Android est une chanson complexe. Nihiliste et noire. Puis c’est le déchainement. Le rythme s’accélère. La charge est lancée. “Why don’t you remember my name ?” La voix de Yorke hurle. Les guitares attaquent de tout les côtés. On est cerné. On ne peut plus résister. Alors on fuit.

Une rupture.

On plonge dans l’eau. Une eau glacée. Tentant d’échapper à cet univers oppressant. “Rain down, rain down/ Come on rain down on me/ From a great height”. Puis on est rattrapé. Le titre repart. Atteint une nouvelle fois les sommets. Nous lessive. Avant de nous jeter en pâture au reste du monde. Car que l’on ne s’y trompe pas. Ok Computer est un album difficile. Il faut une nombre d’écoutes considérable pour arriver à saisir toutes les émotions qu’il peut procurer. Car oui. Le disque regorge d’émotions. Belles. Complexes. A l’image de leurs auteurs. Les pensées noires qui parsèment Ok Computer font penser a un Pink Floyd névrosé. Sparklehorse en plein cauchemar. Mais, au-delà d’exprimer des émotions humaines, Ok Computer décrit la société. Notre société. Robots, police de la pensée, stress et effets de masse sont des thèmes dominants. En témoigne cette fabuleuse course entre l’homme et la machine dans le clip de Karma Police. L’artwork de l’album, splendidement mis en scène par l’énigmatique Stanley Donwood, reste mystérieux. Pourtant, on en distingue rapidement les lignes de force. Toujours les mêmes thèmes. Obsédant. Yorke va même jusqu’à supplier les extraterrestres de l’emmener vers un monde meilleur dans Subterranean Homesick Alien. Toute cette haine que le groupe exprime envers notre monde culmine dans Filter Happier. Interlude délirant décrivant la vie trop rangée, trop "comme il faut" que les individus vivent. “Eating well (no more microwave dinners and saturated fats)/ A patient better driver/ A safer Car ( baby smiling in back seat/ Sleeping well (no bad dreams)/ No Paranoia”. C’est cette sensation de mal-être, qui donne à l’album ce côté si particulier. Cette sensation d’étouffement atteint par deux fois son paroxysme. Exit Music (for a film) tout d’abord. Une grande ballade. Un morceau superbe. Dépouillé. D’un noir d’encre. Le morceau lui-même décrit une fuite. C’est exactement ce que l’on ressent. On s’échappe. On est dérobé à la réalité. La voix fragile de Thom Yorke entraine le morceau. “Wake from your sleep/ The drying of your tears/ Today we escape”. Radiohead frappe juste. Toujours. Le décor se met à changer. La voix de Thom se fait menaçante. Les guitares croisent le sabre. La route est barrée. Enfin le morceau redescend. “We hope that you choke that you choke/ We hope that you choke that you choke/ We hope that you choke.. that you choke”. Cette voix qui glace le sang....

Mais Radiohead a tout compris. Ils remettent ça. Climbing up the Walls. Mais cette fois-ci on ne triche pas. On ne triche plus. Pas un moment de répit. Une atmosphère écrasante. Dès les premières mesures on tente de fuir. Une nouvelle fois. Mais une logique implacable nous accable. La tension monte encore. Jusqu’à l’insoutenable. Les murs se referment. Claustrophobie. Puis c’est l’explosion. Pour le première fois la voix de Yorke hurle plus qu’elle ne chante. Un cri qui nous donne la chair de poule. Glacial. Superbe. Puis on ne sait plus qui des guitares ou de la voix crient. La tension retombe. La vertigineuse descente vers les abîmes s’achève enfin. Lentement. On est mis à nu. Grandiose vraiment. Radiohead est aujourd’hui un des seuls groupes capable en une chanson de procurer de telles émotions. De toucher juste la où il faut. Ok Computer est un album de contraste. On l’a dit. On le sait. Après un Exit Music poignant ou ce Climbing up the Walls éprouvant, on passe aux calmes Let Down et No Surprises. Verdoyantes plaines après les grottes et les canyons. Enfin libérés. Singles beaucoup plus évidents en dépit de la complexité et de la subtilité de leur architecture. Pourtant rien n’est jamais totalement calme. Le clip de No Surprises nous renvoie à ces sensations d’enfermement. La tête de Yorke dans un bocal. L’eau qui monte. Doucement. Et qui se vide. Juste avant l’asphyxie. Belle allégorie du sentiment qu’éprouve les cinq membres du groupes. Bien sûr Radiohead doit beaucoup. Au 1984 d’Orwell et autres inquiétantes dystopies qui forment sa trame narrative. A Nick Drake, Pink Floyd et autres Joy Division pour le côté musical. Mais avec Ok Computer , Radiohead touche au sacré. C’est maintenant à son tour d’inspirer des générations entières. Des groupes d’horizons divers qui doivent tous quelque chose à Radiohead. De Midlake à Tv on the Radio en passant par Coldplay et Air. Ok Computer est plus qu’un album. C’est un manifeste capital. Ouvrant des horizons infinis au groupe. A la musique des 90’s et 00’s toute entière.

Mais dans tout cela ne réside toujours pas LA réponse. Pourquoi on aime tant ce disque ? Car c’est un disque humain. S’adressant directement à nous. Touchant. Une prairie. A chaque écoute re-découverte. Comme si on était les premiers à l’explorer. La bande son d’une vie. En réponse à la question rhétorique du début d’article, je réponds. Finalement. Oserai je ? Oui. Ok Computer est bel et bien l’album du siècle !

Chroniques - 09.03.2008 par Casablancas
 


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