Faut-il cracher sur Oasis ?

Et si les frères Gallagher étaient masochistes ? Ces propos qui pourraient paraître totalement infondés au premier abord semblent finalement bien plus pertinents si on prend la peine de creuser davantage l’idée et de la lier en profondeur à la carrière artistique des deux "bad boys" de la scène mancunienne.

Mais pour étayer cette théorie, un petit retour en arrière s’impose. Nous sommes en 1991, et Oasis n’est alors qu’un groupe sans saveur... Le leader de la formation, Liam Gallagher, vient de licencier (et remplacer) son chanteur, et en a profité pour affirmer son autorité en modifiant le nom du groupe, jusqu’alors nommé The Rain.

Pendant ce temps, Noël Gallagher, frère de Liam, roule sa bille dans un travail sans guère d’avenir, où il ne rencontre, en pleine saison, que deux personnes par semaine... Sa guitare lui permet de tuer l’ennui, et il compose quatre morceaux (dont Live Forever). Il est également roadie pour quelques groupes connaissant leur petit succès.

Lors d’un concert d’Oasis, il sera impressionné par le jeu scénique de son frère, tout en considérant la qualité des morceaux comme exécrable. Qu’importe, il réclame le poste de guitariste et les pleins pouvoirs du groupe, qui lui sont accordés, sur la base des morceaux qu’il sera capable de composer...

La formation menée par les frères Gallagher commence à se faire connaître et, dès 1994 sort son premier album : Definitely Maybe. Le succès commercial est sans précédent pour un premier essai, porté par les singles que sont Live Forever, Supersonic ou Cigarettes & Alcohool, et l’on rencontre également sur cet opus quelques merveilles plus mélancoliques (Slide Away, Digsy’s Dinner).

Conjuguant donc succès commercial et succès d’estime, Oasis retourne en studio l’année suivante, et signe (What’s The Story) Morning Glory, un album légèrement moins agressif que le précédent, où l’influence des Beatles semble évidente, notamment sur Don’t Look Back In Anger qui reprend les accords présents sur Imagine de John Lennon, et où les petites merveilles acoustiques pullulent (Champagne Supernova, Wonderwall, Cast No Shadow...).

Ces deux galettes ne seront bien sûr jamais égalés dans la suite de la discographie du groupe. Néanmoins, on possède là des albums d’une qualité rare, basés sur une recette simple : des mélodies pop diablement efficaces appuyées par une voix charismatique.

Alors, on pourra toujours reprocher à Oasis de ne rien inventer, c’est évident, tant les influences sont marquées dans leurs compositions (Stones Roses, Beatles), mais la vocation des frères Gallagher n’a jamais été autre que de faire une musique extrêmement accessible (les moqueries à l’égard d’œuvres autrement plus complexes comme celles de Massive Attack ou Radiohead période Kid A se répèteront d’ailleurs de la part de Liam).

Ce n’est d’ailleurs pas le point le plus souvent évoqué pour critiquer l’œuvre d’Oasis, mais nous allons y venir. Auparavant, nous nous empresserons néanmoins de rappeler qu’avec deux albums de cette trempe, Oasis mériterait le respect éternel de tous les amateurs de pop léchée.

L’objet de railleries le plus courant envers le groupe concerne donc ses dérives extra-musicales, et la haine que se vouent les frères Gallagher... Ainsi, Liam fut arrêté en possession de cocaïne, tandis que Noël, bien avant Britney Spears, se rasait le crâne les jours de folie, à ceci près qu’il disparaissait pendant quelques semaines (de concert...) sans donner signe de vie, lorsqu’il ne virait à coups de batte de cricket les ivrognes invités aléatoirement par Liam à jouer de ses guitares...

Oasis s’est également rendu célèbre pour annuler fréquemment ses concerts, ce qui constituera un paramètre que même les fans ne pourront excuser (alors que certains d’entre eux considéraient les événements relatés plus hauts comme faisant partie du folklore inhérent à un groupe de rock). Enfin, l’attitude hautaine du groupe (surtout après Morning Glory, lorsque les compositions n’étaient plus aussi convaincantes) finira par agacer même ses admirateurs les plus dévoués...

Mais revenons à l’aspect musical. Be Here Now sortira en 1997, soit deux ans après Morning Glory, et après un départ canon et encensé par les critiques, finira par épuiser les fans. On sent alors moins de sincérité dans la musique d’Oasis, qui sombre parfois dans la redite, et plus inquiétant encore, dans la facilité.

Suivront Standing On The Shoulder Of Giants (2000), puis Heathen Chemistry (2002), plus anecdotiques bien que la musique des frères Gallagher semble s’orienter vers un versant plus psychédélique. Malgré tout, quelques morceaux restent parmi les plus populaires du groupe, que ce soit pour leur qualité intrinsèque ou leur utilisation dans le cinéma, notamment Fuckin’ In The Bushes pour le film Snatch, ou encore Stop Crying Your Heart dans le générique de fin de L’effet papillon.

En 2005, Don’t Believe The Truth confirme le regain de forme aperçu sur Heathen Chemistry, et surtout, Oasis apparaît à la croisée des chemins, se renouvelant (l’utilisation de claviers, par exemple, sur The Importance Of Being Idle) tout en revenant à ses fondamentaux avec des mélodies plus directes (Lyla, et surtout Let There Be Love).

Trois ans plus tard, ce qui sera le dernier album d’Oasis, Dig Out Your Soul, est du même acabit, avec des hymnes pop convaincants tantôt énergiques (The Shock Of The Lightning, Bag It Up), tantôt mélancoliques (Falling Down). Sans bien sûr atteindre la qualité des deux premiers opus de la formation, cet album s’avère être une agréable surprise.

Mais une fois de plus, les déboires d’Oasis dans le domaine extra-musical vont leurs attirer les railleries. Car, avant leur show lors du festival Rock en Seine en août 2009, les frères Gallagher vont connaître la dispute de trop, celle qui marquera la rupture (définitive ?) du groupe...

On en revient donc à notre théorie formulée dans l’introduction... Masochistes les frères Gallagher ? Sans doute pas... Tellement malins qu’ils ont créé leur mythe autour de leurs déboires ? Nous n’irons pas jusque-là... Mais cette immédiateté qui a entraîné nombre de leurs péripéties est également celle qui permet à leur musique d’être si accessible.

Et si l’on remonte encore plus loin, aux jeunes années de Noël et Liam, qui trimaient sans formation dans des boulots mal payés et passaient parfois même quelques jours à l’ombre, on se dit qu’il ne pouvait y avoir d’autre fin au mythe qu’ils s’étaient eux-mêmes construit.

On regrettera néanmoins que la négation du groupe intervenue après deux albums en demi-teinte (mais pas mauvais ! A savoir Be Here Now et Standing On The Shoulder Of Giants ) n’ait jamais été contrebalancée, le retour en forme qui suivit ce passage à vide n’ayant été que trop peu souligné...

Finalement, si Oasis avait, comme Blur, débuté avec des albums anecdotiques pour terminer sur ses pièces maîtresses, celles-ci jouiraient toujours d’un réel succès d’estime. Au lieu de ça, le groupe mancunien est victime de railleries faciles, évidemment pas volées au vu des déboires et de la prétention des frères Gallagher. Mais il n’empêche que grâce à Oasis, nos discothèques sont alourdies de deux chefs d’oeuvre ( Definitely Maybe et Morning Glory, si vous avez bien suivi). Après Think Thank, on attend toujours le second de Blur...


Blog - 04.08.2010 par Elnorton
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