Katel - Les Trois Baudets (Paris)
le 7/09/2010
Katel - Les Trois Baudets (Paris)
Quelle claque !
Après l’excellent concert de juin dernier au Sentier des Halles, je ne pensais pas écrire à nouveau un live-report de Katel. J’étais alors à mille lieues d’imaginer la claque qui m’attendait mardi soir aux Trois Baudets où l’évidence d’un article m’est apparue dès le deuxième morceau, Les Parfums d’Été. Un retour en arrière s’impose.
J’ai découvert Katel à un moment de ma vie où, tel un jeune oiseau, je décidai de prendre mon envol... sauf que j’avais oublié de vérifier si je savais voler. C’est dans ma descente en piqué qui suivit que je croisai sa musique, à la Flèche d’Or, il y a presque 5 ans. J’étais sur le point de partir après un premier groupe peu emballant, dont je ne me rappelle d’ailleurs plus le nom, lorsque je remarquai les deux seuls instruments en plus du micro installés sur la scène : une guitare acoustique, et surtout, une Telecaster noire - de droitier. Ma curiosité avait été éveillée. Je resterais encore un peu et au moins, j’étais au chaud. Alors oui, sur le papier, ce n’était pas forcément fait pour me plaire : guitare / chant, en français de surcroît. Dans le monde réel, il y avait ce supplément d’âme qui fait toute la différence.
D’abord, mon attention se porta sur le jeu de guitare. Comme je le disais, c’étaient des guitares de droitier et les cordes n’étaient pas inversées. Or, elle est gauchère, d’où la particularité de son jeu. La voix ensuite, entre fragilité et force qui, déjà, fait de Katel bien plus qu’une simple "bonne choriste" pour reprendre les termes d’une tristement célèbre chroniqueuse du Nouvel Observateur. D’ailleurs, à sa question faussement rhétorique quant aux textes trop compliqués "on fait de la chanson, on fait quoi ?", j’ai envie de lui répondre : on fait de le musique, madame, ou, autrement dit, de l’Art.
Cette parenthèse sur les textes n’est d’ailleurs pas qu’anecdotique me concernant puisque c’est le troisième point qui attira mon attention ce soir d’hiver avec Carapace, que l’on trouve sur le premier album Raides A La Ville , et qui figure régulièrement sur les setlists. Un morceau salvateur tant je m’y suis identifiée.
Le set terminé, je rassemblai mes derniers euros pour acheter le disque de 6 pistes (pour le prix d’une bière), et l’artiste suivant ne faisait pas mieux que le premier : je ne m’en souviens plus. Après cette soirée, ma chute libre s’est arrêtée. Si je ne volais pas encore, je pouvais désormais planer, de concerts en concerts dans la capitale, et plus tard en province.
Voilà donc comment tout a commencé. Depuis, même si je vole de mes propres ailes, la musique de Katel m’accompagne toujours, et son talent s’est avéré bien réel - comme l’a récemment démontré Décorum , son deuxième album, et les nombreux lives auxquels j’ai pu assister. Et la question que je me pose depuis quelques jours c’est finalement, qu’est-ce que ce dernier concert en date avait de plus que la vingtaine de précédents pour en faire l’un de mes meilleurs souvenirs tous artistes confondus ? Évidemment, tous n’ont pas atteint des sommets, mais certains, à l’instar de mon tout premier, avaient quand même mis la barre bien haut. Aux Trois Baudets, Katel a rejoint Radiohead, Portishead ou encore Pixies dans mon "top concerts".
Tout d’abord, dès le premier morceau, il était clair que la qualité sonore serait au rendez-vous. Il faut dire que ça a envoyé du son d’entrée avec Le Voyage Impossible comme mise en bouche explosive. Je n’en avais pas encore conscience, mais j’étais déjà déconnectée de la réalité. Pas vraiment remise de ce souffle sonique, que résonnait déjà la batterie de Charles-Antoine pour Les Parfums d’Eté. Comme je le disais plus haut, ce fut la révélation. Je savais alors que ce concert serait particulier et si j’avais été propulsée sur un nuage au Sentier des Halles, ce soir, c’est une autre dimension que je visitais. N’ayant jamais eu la chance d’assister à un concert des Cocteau Twins, je ne peux rien affirmer mais je ne les ai jamais sentis aussi proches et surtout, ce morceau - l’un des tout meilleurs de Décorum - n’avait jamais, à ce point, effleuré la perfection sur scène. J’en tremble encore. Il ne fallait alors rien de moins que Tombée Dans l’Escalier, litanie exorcisante, pour se remettre de cette introduction. La suite n’en fut pas plus calme pour autant et tout alla très vite avec l’enchaînement Le Chant Du Cygne / Human Behaviour / Quel Animal Vit... et je dois bien reconnaître qu’à ce moment là, je ne savais plus trop où j’étais. Je ne percutais qu’à moitié que Charles-Antoine, Julien et Nicolas quittaient la scène pour laisser Karen seule avec sa guitare (la fameuse Telecaster noire). Les quelques notes jouées pour s’accorder me ramenaient en arrière pendant qu’elle lançait "une vieille chanson que j’avais envie de jouer". Mon cerveau au ralenti venait enfin de comprendre, juste avant le début de la chanson, et ce que j’entendais quelques millièmes de secondes plus tard me confirmait l’incroyable : L’Oiseau Rare. Je n’avais plus entendu ce titre - ne figurant sur aucun album - depuis un concert à Caen en 2007. Autant dire que ça fait long pour une chanson que je considère comme l’une des plus belles. J’aurais voulu crier merci, mais ma gorge serrée m’en empêcha fort heureusement. Le concert aurait bien pu s’arrêter après ça, je n’aurais pas réagi. Cependant, c’eut été bien dommage compte tenu du fait que je n’étais pas au bout de mes surprises.
Le groupe est donc remonté deux morceaux plus tard pour attaquer la deuxième partie du set avec One Day, fort à propos en ce jour de grève. Si le rythme s’était apaisé, ce n’était pas le cas du verbe, tant acéré que poétique. Puis, ce fut au tour du morceau que j’avais prédit comme étant un tube en puissance : Vue Sur Le Ring. Je ne comprends pas le manque d’intérêt des "grands" médias pour ce titre (et plus généralement pour Katel). Il est pourtant suffisamment direct pour qu’ils ne soient pas perturbés par toute la subtilité (inversement proportionnelle) dont il fait preuve, tant au niveau des textes que de l’arrangement musical. Ou alors, est-ce trop direct pour qu’ils prennent conscience de cette subtilité ?... Passons. Car ce soir, le final était somptueusement puissant. C’est à ce moment là que je réalisais que le groupe avait vraiment l’air content d’être là et que leur état de grâce se transmettait complètement au public à travers la musique. Suivirent La Bouche aux accents faussement trip hop, La Vieille ancienne chanson qui a su évoluer au fil des années, et enfin Raides A La Ville, titre phare de l’album éponyme. Vu l’attention de l’audience, il ne fut pas surprenant de voir Katel remonter sur scène pour un rappel plus que mérité. Accompagné aux chœurs par Nathalie et Diane, le groupe a joué Hurlevent et Chez Escher, dans une version ré-arrangée pour la scène. Malheureusement, la fin arriva inéluctablement avec Décorum avec mandoline et toy piano, une version totalement unplugged surprenante et bien sentie, d’une puissance émotionnelle inégalée.
La soirée terminée, c’est sans métro et sous la pluie que je rentrais chez moi, mais qu’importe. Ce soir, le ciel pouvait bien me tomber sur la tête...
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