Maria Goretti Quartet - s/t

Paru initialement en octobre 2010 dans sa version physique, cet éponyme connait une seconde vie, mais au format numérique, en 2011. Tant mieux, il aurait été plus que dommage de passer à côté du punk plutôt post, à la fois urgent et aventureux de Maria Goretti Quartet.

1. Prelude
2. Owls
3. Ciccone
4. Krishnou
5. Connection’86
6. Lissbeth
7. Ainsi Parlait Tintin
8. Pan-Ich
9. DSTNTN Nowhere
10. Armless Kenny
11. Cyclope Turismo
12. Minuut Pappillon
13. Tractors & Cows (Down To St James Infirmary)
14. Romantik Avec Elles

date de sortie : 04-03-2011 Label : Rockerill Records

Si ce disque-là retrouve régulièrement les chemins de ma platine depuis quelques mois, c’est que sous son apparente simplicité, les choses justement ne sont pas si simples. Le groupe montre un goût prononcé pour les chausses-trappes et les fausses-pistes : déjà ce nom, un hommage à Maria Goretti et à son parcours météorique de Cendrillon transalpine qui bute, un jour de juillet 1902, à presque 12 ans, sur quatorze coups de poinçons administrés par un prince vaguement charmant éconduit et frustré. Et c’est la dégringolade : mort, béatification et canonisation. Non contente de prêter son nom à une loi sur le viol dans l’état de Pennsylvanie, Maria Goretti peut désormais s’enorgueillir de le prêter en plus à une formation franco-belge parfois fâchée avec la numération : si le disque comporte autant de titres que la petite Marietta reçut de coups fatals, le groupe en revanche s’affuble du vocable « Quartet » quand ils ne sont en fait que trois.

Et côté musique, ça ne s’arrange pas : alors qu’une première écoute pousse à le ranger au rayon punk-rock, les suivantes font systématiquement valser les étiquettes : un coup noise, un coup post-punk, un coup rock’n’roll, un coup no wave et que sais-je encore. Restons prudents et disons simplement que le punk-rock fiévreux de Maria Goretti Quartet est avant tout iconoclaste, pataphysique et se trouve être fortement attiré par les chemins de traverse. Quatorze titres qui convoquent évidemment quelques ombres tutélaires (The Fall, The Ex, un poil de Gang Of Four, un zest de Dead Kennedys, une pincée de P.I.L. pour faire bonne mesure, etc.) mais dont la belle énergie leur permet de ne ressembler finalement qu’à eux-mêmes. Quatorze titres pour lesquels le trio ne se ménage pas et qui filent rapidement, sans accrocs ni temps morts, passant par cimes et abysses, portés par une rythmique inébranlable, élastique et qui sonne parfaitement, apportant tout le liant nécessaire à des compositions qui, sans elle, seraient probablement un poil déstructurées. Dans le même temps, le groupe tire justement sa force de sa grande variété, parfaitement traduite par cette guitare fureteuse, bien plus fine et élégante qu’elle n’en a l’air de prime abord et il n’est pas rare de l’entendre bifurquer et prendre soudainement un chemin de terre alors que la rythmique est déjà bien engagée sur l’axe principal : on passe ainsi d’un Prelude tranquille à un morceau clairement post-punk dans sa construction mais qui développe contre toute attente des accents surf sur sa fin (Owls), de chœurs on ne peut plus punk et frontaux (Ciccone) à d’autres plus nuancés, rappelant de loin Les Thugs (Krishnou), de titres aux idées empilées et aux changements incessants (Ainsi Parlait Tintin, carrément deux morceaux dans le morceau et c’est finalement un peu la même chose pour tous les autres titres) à un impeccable instrumental sec et rugueux qui file droit (Armless Kenny) jusqu’à ce final d’Elvis fatigué et aphone ayant ingurgité la pinte de trop, avec piano titubant, un final branlant et touchant. Et sur ce très efficace boucan, cette voix crachée, comme passée au mégaphone qui n’est pas sans rappeler le timbre caractéristique de canard sous amphétamines d’un Jello Biafra et même si elle peut s’avérer monocorde sur la longueur, elle s’accorde pourtant parfaitement à la musique du trio.

Il ne s’agit-là bien sûr que de leur premier album mais les membres du trio ont déjà usé leurs instruments respectifs dans diverses formations : Rico Blanco qui tient ici la basse le faisait également pour les Tournaisiens éclectiques de Kofeee, Thomas Rasseneur qui officie à la guitare et à l’invective a usé ses cordes au sein des très punks et très barrés Fucking Canaries mais développe également un projet plus personnel mais toujours sombre et essentiellement instrumental sous le nom de Täksüp (déjà deux albums au compteur), où l’on retrouve d’ailleurs certains titres ou passages de Maria Goretti Quartet mais déformés, altérés, joués sur des tempi et des arrangements différents (Ainsi Parlait Tintin en particulier), un travail franchement singulier et intéressant où le guitariste explore la répétition, expérimente les ambiances et joue avec les possibilités de son instrument. Voilà pour le côté belge de la formation, le régional de l’étape se cachant quant à lui derrière la batterie, Bastien Loufranis dont on retrouve les baguettes à l’œuvre au sein des instrumentaux bigarrés des Lillois de Oui Mais Non entre autres. Bref, en plus de la production sans faille de Phil Scrotum, « découvreur de talents » de La Grand Triple Alliance Internationale De l’Est, le trio peut compter sur ses racines profondes, ce qui explique probablement la facilité déconcertante avec laquelle il est capable de passer du coq à l’âne en un clin d’œil, non seulement tout au long du disque mais souvent aussi plusieurs fois dans le même morceau tout en gardant sa cohésion et sa cohérence.

Tout est réuni pour faire de ce bel éponyme une incontestable réussite, cachée qui plus est derrière une chouette pochette, parfaite illustration du malaise paysan à moins qu’il ne s’agisse d’une ode au caoutchouc. Avec ce groupe-là, de toute façon, il faut toujours se méfier. Trop attiré par la polysémie. Il se murmure d’ailleurs dans certaines arrière-salles qu’un second album est en préparation et qui sait alors quel masque choisira de revêtir le groupe ? Impatience, impatience...

Franchement recommandé.


Le blog de Maria Goretti Quartet où vous pouvez vous procurer le CD contre 6 petits euros ou le LP contre 10 euros (frais de port compris), vous y trouverez également quelques dates de concert, le groupe jouera d’ailleurs en France dès le mois d’octobre.

Chroniques - 12.08.2011 par leoluce
 


Chroniques // 21 août 2013
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Deuxième long format du trio franco-belge, 14:02 rappelle Maria Goretti Quartet à notre bon souvenir. Toujours cette même mixture post-punk/noise bigarrée et fuselée. Toujours ce même talent pour trousser des morceaux iconoclastes et sans queue ni tête qui tiennent miraculeusement (...)