Maria Goretti Quartet - 14:02
Deuxième long format du trio franco-belge, 14:02 rappelle Maria Goretti Quartet à notre bon souvenir. Toujours cette même mixture post-punk/noise bigarrée et fuselée. Toujours ce même talent pour trousser des morceaux iconoclastes et sans queue ni tête qui tiennent miraculeusement debout.
1. 1st würst
2. Thaï Nana
3. Grape Groove
4. Sadnessong
5. Wholalota
6. Put Our Belt
7. Polaristik
8. Halftone Clrs
9. Hit Connection ’88
10. Russkof Love
11. Xylo
12. Nausea
En son temps, l’éponyme avait déjà fait forte impression. Ses morceaux à la grammaire Exienne parfaitement maîtrisée faisaient immanquablement mouche comme le font aujourd’hui ceux de 14:02. Entre le Quartet de 2010 et celui d’aujourd’hui, peu de différences. Line-up identique, énergie à revendre et toujours ce goût pour le foutraque et le pied de nez. Le son en revanche semble légèrement plus charpenté et quelques muscles sont apparus sur l’écorché tout en nerfs que l’on connaissait jusqu’ici. Pour preuve, Thaï Nana, l’ouverture d’Halftone Clrs ou encore Russkof Love et leurs riffs gras (mais jamais vulgaires) que l’on retrouve d’ailleurs disséminés dans quelques autres morceaux. Partout ailleurs, la sécheresse demeure et surtout ce singulier apex à tête chercheuse qui coiffe la charpente du trio. Et sa grande variété. Écouter Maria Goretti Quartet, c’est la promesse de ne jamais savoir vraiment ce que l’on écoute : on passe ainsi d’une introduction psycho-noise à du proto-hard rock puis à du punk sautillant avant de bifurquer vers quelque chose de (légèrement) plus post et mélancolique. Et ainsi de suite. Comme une boule à facettes punk et bariolée. Dès lors, bien que la structure des morceaux aime explorer les bienfaits de la répétition, les affres de cette dernière ne risquent pas de dénaturer la musique du trio. De la répétition dans les morceaux, certes, mais sûrement pas entre eux. On comprend très vite qu’il s’agit exactement du même disque que le précédent parce qu’il n’a justement rien à voir. Une gageure quand on y pense. Et c’est bien ce qui fait tout le sel de 14:02. Pour le reste, on retrouve avec plaisir cette voix trafiquée à l’hélium, la rythmique quatre roues motrices amalgamant basse maousse et batterie finaude et cette guitare qui n’en fait qu’à sa tête, arborant successivement (et parfois même simultanément) ballerine et gros sabots.
Tout cela permet à Maria Goretti Quartet de délivrer son lot de titres imparables, véritables bombinettes profilées pour aller droit au but en empruntant un chemin pourtant cahoteux : Put Our Belt, son introduction punk, son riff adhésif et ses chœurs expulsés sur une ossature qui explore toutes les directions à la fois en moins de deux minutes trente, Hit Connection ’88 (qui suit celle de 86 sur l’album précédent) plus noise et massif, Sadnessong qui voit le groupe sacrifier son petit cœur tendre sur l’autel de Current 93 à qui il emprunte le morceau, le xylophone entêtant de Xylo le bien nommé, tout à la fois carré et de guingois jusqu’à Nausea, particulièrement barré, mettant un point final de fort belle manière à un disque circulaire, aliéné et furibard. Le sans titre inaugural était déjà une incontestable réussite que 14:02 fait bien plus que confirmer. En épaississant légèrement sa mixture tout en gardant sa polysémie, le Quartet rend sa frénésie encore plus efficace et qu’importe le genre dont il s’empare, il le maltraite avec la même jubilation. Tout à la fois fragmenté et cohérent, ce post-punk de petit chimiste se fait encore plus varié qu’à l’accoutumée en appuyant fortement tous les à-côtés qui donnent au trio sa singularité : encore plus punk, plus noise et plus métal. Encore plus The Ex, Wire ou l’illustre clique Skin Graft Records et surtout encore plus lui-même. Encore plus pertinent et varié. Enregistré le neuvième mois de 2012 par Lo Spider du Jerry Spider Gang qui vient d’ailleurs prêter son Casio sur 1st Wurst, sorti le troisième de 2013, 14:02 reste aussi énigmatique que son titre. Une nouvelle référence aux quatorze coups de surin reçu par la petite Maria en 1902 ? Une heure précise de la journée ? Allez savoir... Quoi qu’il en soit, qu’un truc aussi bigarré tienne debout a de quoi laisser perplexe et montre qu’il y a bien du talent derrière le trio. Une nouvelle fois parfaitement emballé sous une chouette pochette (œuvre de Véronique Poppe), ce petit bout de vinyle devrait s’incruster sur la platine un petit bout de temps encore. De quoi aussi donner l’envie d’aller rencontrer les Maria Goretti Quartet sur la route qu’ils sillonnent sans relâche, parfois accompagnés, comme ce fut le cas avec les transalpins foutraques de Sexy Rexy ou Io Monade Stanca avec qui le trio partage quelques accointances écervelées.
Sorti conjointement sur Hovercraft, Rockerill Records, Love Mazout Records et enfin Tandori Records (label de Bastien Loufranis), il va de soi que 14:02 devrait très vite trouver le chemin de votre boîte aux lettres. Dix petits euros, ce n’est pas cher payer pour un bout de noise inventive et amalgamée qui résiste au temps qui passe par la grâce d’une répétition ne se répétant jamais.
Vivement recommandé et vivement la suite.
Paru initialement en octobre 2010 dans sa version physique, cet éponyme connait une seconde vie, mais au format numérique, en 2011. Tant mieux, il aurait été plus que dommage de passer à côté du punk plutôt post, à la fois urgent et aventureux de Maria Goretti Quartet.
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