Noise schizophrénique, blues-rock psychédélique, dub mathématique et philosophie de l’absurde entre autres errances discordantes et groovesques, nos deux nageurs en eaux troubles télescopent tout et n’importe quoi sur ce premier véritable EP de leur feuilleton sonique La Prophétie Éventuelle, forts de leurs parcours musicaux éclatés et de leur goût pour l’approximation intrigante et les mixtures d’effets drogués.

Le duo français, qui avait notamment produit le lo-fi et jazzy Les Poches Vides sur le superbe Soigne Tes Blessures de Monsieur Saï, y retrouve le rappeur manceau au mixage et au mastering après avoir invité son fidèle saxophoniste Arth ? plus tôt dans l’année sur la conclusion free et lancinante de l’EP Pilote, manifeste d’abstraction presque no wave fourmillant suffisamment de trouvailles inspirées, de collages incongrus (cf. les cordes de Philip Glass surgies des broken beats et de la basse jazzy sur Le Phare 01) et de contrepieds saugrenus pour transcender sa nature hétéroclite de compil’ de fonds de tiroirs.

C’est d’ailleurs cette tendance à sauter du coq à l’âne toujours largement cultivée ici qui fait une grande partie du charme des compos hirsutes et semi-improvisés de Romain Breton et Baptiste Bondu, parfait compromis entre spontanéité du live et bidouillages sonores à tête reposée, ces morceaux inaboutis datés pour certains de plusieurs années ne trouvant qu’aujourd’hui leur forme définitive de chaos maîtrisé. Cette fois les samples laissent place au chant noyé sous les saturations, les distorsions et autres nébulosités, dévoilant par petites touches par-delà son apparente opacité une certaine dissonance identitaire, cette même impossibilité à rentrer dans nos petites cases toutes faites qui façonne l’esthétique résolument mutante de ce projet à suivre de près :