Nada Surf - Transbordeur (Lyon)

le 7/04/2006

Gonzo-Lapinot se met à poils...

A l’origine (dans une autre vie...), deux couples venant chacun de leur côté voir un concert en amoureux, pour se chantonner "Always Love" avec l’aide de Matthew Caws en se regardant dans les yeux (disons au moins un des deux couples). Le jour J, trois célibataires au rire amer (disons au moins deux des trois célibataires) en train de négocier leur "place du mort" devant le Transbordeur, après deux heures et demie de route dont une entière depuis Lyon à chercher Villeurbanne puis la salle, heures passées à écouter le très joli nouvel album de Ginger Ale et à réviser leurs classiques (en l’occurence Let Go et The Weight Is A Gift) presque à contrecoeur. Il allait vraiment falloir que Nada Surf fasse fort pour que leur mur de son ne se transforme pas en mur des lamentations, et au moins aussi fort pour intéresser le frérot du lapin venu en renfort - et en "curieux" un peu poussé.

La place enfin vendue, à peine le temps de passer les vigiles de l’entrée et de se faire haranguer par le sympathique chargé de promotion de MOK, groupe condamné ce soir à l’after, que la première partie commence. J’imagine le concert à guichets fermés, mais si les places assisses sont déjà toutes occupées ou presque, dans la fosse on respire encore. Ce qui est parfait pour écouter le duo mixte Clovis de pas trop loin et dans le calme, et profiter du joli set de ce frère caché espagnol de Belle & Sebastian, formé alors que ses deux membres étaient exilés à Williamsburg, un quartier de Brooklyn où ils étaient voisins de Matthew Caws (qui leur offrit leur premier quatre-pistes ! - il n’a pas que l’air sympa, le Matt). Des chansons en anglais ou en espagnol, tout aussi charmantes que leur chanteuse...

Après ça, la part la plus grande et la moins informée du public - dont je dois bien avouer faire partie pour une fois, les circonstances aidant -, guettant l’entrée en scène du power trio tant attendu, est surprise de voir débarquer sur les planches un second duo mixte. Un binoclard mince et discret, limite effacé, et une nouvelle fois une charmante jeune femme, grande, cheveux courts et tâches de rousseur, l’air timide et un peu gauche. Elle se présente, Inara George, et introduit son compagnon, John Wood, au clavier. Les spectateurs s’attendent à tout sauf à ce qu’ils vont voir (et surtout entendre) : une voix et un charisme exceptionnels, qui font penser à Björk, rien de moins, un univers à la Tim Buckley, onirique et mélancolique, mais en moins arrangé, parfois carrément lo-fi, un son totalement intemporel pour une musique à la croisée des chemins, qu’on pourrait à la limite qualifier d’électro-folk, mais ça serait bien trop la limiter, des chansons à la fois directes et impalpables, à la puissance émotionnelle dévastatrice mais sans être jamais démonstratrices, bref, en un mot, pour une fois pas le moins du monde galvaudé : révélation. Et de celles qui n’en finissent pas de nous étonner : Matthew Caws monte sur scène en avance et s’incruste en duo au chant et au clavier ! Puis il repart comme il était venu : avec l’humilité et la discrétion des plus grands. Dont Inara fait d’ores et déjà partie pour un public qui lui accorde depuis le début autant d’attention que s’il était venu exprès pour elle. Et il a grandement raison : un nouveau morceau et c’est Daniel Lorca, clope au bec et verre de vin à la main, qui rejoint la belle au micro pour un second duo tout bonnement magique... avant de la quitter après un baiser sur la bouche. Ira Elliot montera lui aussi sur scène pour accompagner Inara à la batterie le temps d’un morceau, bouclant la boucle. Peu après, le set se termine et la charmante demoiselle remercie tout ce joli monde avant de quitter la scène. La lumière revenue, mon pote me lance : "Faut plus que Nada Surf revienne, ils vont faire chuter le niveau !" Il rigole qu’à moitié : pas vraiment fan du groupe, c’était son ex-moitié justement qui l’avait entraîné là-dedans. La mienne aussi, mais je lui avais fait connaître leur musique. Alors bon j’attends quand-même le retour du trio.

22H. Cette fois ça y est, c’est Nada Surf au complet qui prend la scène d’assaut sous les applaudissements nourris d’une salle on ne peut mieux chauffée, et c’est déjà "Popular" qui résonne : grande classe d’un groupe qui sait se débarrasser des attentes de son public dès les premières minutes, pour se libérer de toute pression et permettre aux spectateurs de profiter pleinement du moment présent tout au long du set (bon OK j’abuse un peu : les fans deuxième génération attendaient plus "Always Love" que "Popular"...). Ils enchaînent sur "Hi-Speed Soul", ma chanson préférée de leur discographie, et priviligieront par la suite Let Go et The Weight Is A Gift, ne manquant pas de faire preuve entre les morceaux de leur sympathie coutumière avec le public : Daniel corrige Matt sur un mot de français, traduit les paroles d’une chanson au fur et à mesure que son ami la chante... Côté musique le mur du son rock du groupe sur scène nuit quand-même un peu à la finesse pop des morceaux, mais les mélodies accrocheuses et l’ambiance très sympa me maintiennent la tête hors de l’eau. A un moment, le groupe joue "Blankest Year", et alors que Matthew chante "Oh fuck it, I’m going to have a party", Inara George, John Wood et une partie du staff investissent la scène et miment avec humour une fête très "swinging London". A un autre moment, quelqu’un me file un coup de pied au derche : c’est mon frère, qui quand je me retourne me regarde avec un air interrogateur en faisant mine de jeter un coup d’oeil à ma droite et tentant vainement de me faire lire quelque chose sur ses lèvres. Devant mon incompréhension il se rapproche et me demande en me gueulant dans l’oreille si j’ai vu qui était à côté de moi depuis tout à l’heure, un peu derrière et collé à mon bras. "Non..." - "La chanteuse du premier groupe ! Putain t’as même pas fait attention !..." Ben non.

Le groupe joue depuis une heure et entame "Always Love". Je pensais sérieusement devoir sortir de la salle à ce moment tant redouté du concert, mais finalement il n’en est rien. La mélodie tente de m’accrocher mais mon cerveau est détaché. Je pense à quelqu’un qui était partie intégrante de ma vie, qui était ma vie : "la condition sine-qua-non de ma raison", chantait Gainsbourg à propos d’une certaine Melody. Quelqu’un qui s’est perdue à peine une vie après s’être trouvée. Notre vie, si courte. Mais pour la première fois aucune larme même intérieure sur cette vie déchue. Je pense à quelqu’un d’autre, rencontrée il y a peu. Quelqu’un qui aurait aimé être là. Quelqu’un qui m’a peut-être bien sauvé la vie sans le savoir. Je réalise que même indépendament de la situation, j’aurais vraiment aimé qu’elle soit là. Et si finalement ce concert était un tournant de ma vie ? Et qui sait, n’importe quel tournant peut être LE tournant ? Je retrouve Nada Surf, et tout est différent. Ma vie a repris ses droits. D’ailleurs pour une fois les circonstances sont avec moi : pour marquer le coup, Matthew sort sa guitare acoustique pour reprendre "There Is A Light That Never Goes Out" des Smiths !... Une très jolie version, qui contentera même mon pote fan de la première heure du groupe de Morrissey. Au rayon des reprises, les rappels ont peu longs verront néanmoins un joli medley entre un morceau du groupe et "Love Will Tear Us Apart" de Joy Division. A un moment je me dis : "Tiens, et si tu commençais à faire des live reports ?" A un autre moment : "Et tant qu’à faire, si tu proposais au FIR de participer au Mag Indie Rock ?" Un tournant, vous dis-je... Finalement, Inara George, montée discrètement sur scène déposer une rose devant chaque membre du trio, interprétera un dernier duo avec Matt avant que le concert ne se termine, après pas loin de 25 chansons en 1h45 de set.

Séparés dans la foule, on se retrouve au marketing où je ne vois pas l’album d’Inara (que je suis depuis déjà deux heures bien décidé à acheter dans les plus brefs délais - bon OK 10 jours après je l’ai toujours pas !... mais bon sur le moment l’envie est toujours décuplée... même si ce n’est que partie remise). Puis direction le bar. MOK c’est plutôt pour mon frère. Un peu trop métalleux pour moi mais vaguement sympa, malgré une prétention philosophique à deux balles... et oui, dur de terminer une soirée comme ça ! En fin d’after, toute la bande à Nada Surf se retrouve au bar. Mais l’attroupement est rapide, et nous fait renoncer à aller les féliciter. Une autre fois peut-être... Pour moi sûrement : je l’ai déjà promis à quelqu’un...

Site officiel Clovis : http://www.clovis.es/

Site officiel Inara George : http://www.inarageorge.com/

Site officiel Nada Surf : http://www.nadasurf.com/


( RabbitInYourHeadlights )

 


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