Versari - Jour Après Jour

Blottie dans le coton clair-osbcur d’un folk-rock atmosphérique rétro pour limiter les assauts d’une cold-wave fièvreuse et oppressante, la mélancolie de Versari vient prolonger celle de feu Les Hurleurs de la plus belle des manières : avec élégance, tension et émotion.

1. Shine
2. And Then She Said
3. Les Silhouettes
4. Dans Un Rêve / Dans Un Cauchemar
5. D’autres Lendemains
6. Les Amours Quotidiens
7. Le Retour
8. Les Lignes Blanches
9. Blunt
10. Sweet
11. Atmosphere [Joy Division]

date de sortie : 29-01-2007 Label : T-Rec

Au commencement étaient Les Hurleurs, sextet mené par Jean-Charles Versari et auteur de trois albums entre 1996 et 2002. Avec le dernier, Blottie , sommet de mélancolie sur ambiance feutrée, ils inventaient un rock français atmosphérique, tribal et un peu hanté, entre les Tindersticks et Nick Cave. Produit par le grand Ian Caple (vu au côté des Tindersticks justement mais aussi d’Alain Bashung, Stina Nordenstam ou Tricky) et supporté par des performances live à la hauteur, cette très belle réussite avait eu de quoi nous faire regretter la séparation prématurée du groupe l’année suivante.

Mais heureusement la place ne sera pas restée vacante très longtemps, puisque dès janvier 2006, on retrouve avec satisfaction un trio du nom de Versari crédité au générique de l’album de reprises de Tuxedomoon Next To Nothing pour une relecture de Time To Lose. Toujours emmené, comme son nom l’indique, par Jean-Charles Versari (chant, guitare, hammond, rhodes, piano, theremin), accompagné cette fois de l’ex-Sloy Cyril Bilbeaud (batterie, percussions) et de l’ex-Clem Snide Jason Glasser (dont le groupe Fruitkey voit également les collaborations de ses deux collègues), Versari, avec son premier album sobrement intitulé Jour Après Jour et finalement sorti un an plus tard sur T-Rec (le label de Jean-Charles Versari et Cyril Bilbeaud, qui compte également dans ses rangs le guitariste de Noir Désir et compagnon de tournée Serge Teyssot-Gay), reprend donc les choses là où Les Hurleurs les avaient laissées.

Passé un Shine qui traîne un peu en longueur et peine à sortir de sa torpeur malgré le chant majestueux de Jean-Charles Versari, l’album démarre véritablement avec And Then She Said, emporté par une guitare à la New Order et à la fin duquel Sophie Glasser vient prêter sa voix irréelle.
A partir de là, chaque morceau nous entraînera un peu plus dans l’univers du groupe, avec l’appui de Ian Capple toujours fidèle au poste. Ainsi, Les Silhouettes, avec son fender rhodes, ses cuivres et la douce voix de Céline Bary au premier plan, renoue sans mal avec l’ambiance feutrée de Blottie , tandis que Dans Un Rêve/Dans Un Cauchemar, d’abord tendu et doucement hanté, est bientôt submergé par un déluge électrique.



C’est un peu entre ces deux pôles que balance l’album : d’une part un folk-rock atmosphérique cotonneux teinté de cordes et de sonorités rétro (on pense à Mazzy Star et toujours bien sûr aux Tindersticks, influence avouée que Les Hurleurs avaient cultivée au point d’inviter Stuart Staples en personne à chanter sur The Other Side Of Town, reprise de Curtis Mayfield et sommet du EP de reprises livré avec l’édition limitée de Blottie ), d’autre part cold wave (cf. la reprise finale de Joy Division) et ambiances ténébreuses à la Tricky. Patrice Chevalier, guitariste sur Pre-Millennium Tension , fait d’ailleurs partie des invités, aux côtés de l’ex-Hurleurs Brice Pirotais (guitares folk et électrique, basse), de Jérôme Lorichon (Herman Düne, Berg Sans Nipple) à la trompette, du guitariste improvisateur Jean-François Pauvros et même de Joseph D’Anvers, autre compagnon de tournée invité aux choeurs sur Les Amours Quotidiens. A l’énoncé de cette liste, on se souvient avec bonheur de la présence d’Adrian Utley (Portishead) en multi-instrumentiste de luxe sur Blottie , et des concerts magistraux des Hurleurs en première partie de Beth Gibbons qui avaient suivi.

C’était hier (nostalgie, quand tu nous tiens), mais aujourd’hui D’autres lendemains occupent Versari, électriques et désabusés. L’écriture poétique et un obscure fait plus que jamais penser à Dominique A, dont l’influence sur le chant de Jean-Charles Versari, déjà présente de façon plus discrète sur le Blottie , le révèle véritablement ici comme l’un des meilleurs héritiers de l’auteur de La Mémoire Neuve . Pour preuve les paroles magnifiquement évocatrices et la douce lumière des Amours Quotidiens, retour à la vie qui met en parallèle une ville qui s’éveille et le quotidien matinal d’un couple aux relations apaisées.

Mais Le Retour de l’amertume et de la mélancolie de se fait guère attendre, appuyé en backing par la voix de Pascale Daniel, déjà entendue sur deux chansons de Blottie . L’émotion retenue prend à la gorge, et prépare l’ambiance fantômatique des Lignes Blanches. "Tous tes baisers, tout est baisé, tout est pris... dans les reflets de tes nylons, ma chérie", un chant répétitif et hypnotique, une boîte à rythme discrète, des notes de guitares et claviers qui s’étirent, des cuivres atmosphériques et un peu free, pour un road-movie nocturne, intime et résigné vers l’effondrement du couple, pile entre Dominique A et les Tindersticks.

Après ces trois sommets, Blunt, plus rock, rejoint Noir Désir, et Sweet déroule sa mélancolie empreinte de nostalgie et d’apaisement mêlés : le temps fait son office, les souvenirs parfois douloureux demeurent ancrés mais la vie continue. Et si Jour Après Jour se termine sur un réveil brumeux avec un morceau signé Joy Division, on émerge dans le coltard mais heureux, en se disant que chez Versari les chansons et les mélodies semblent avoir pris le pas sur l’Atmosphère, et que finalement c’est tant mieux. Alors certes on aura vu Blottie cité de nombreuses fois depuis le tout début de cette chronique, mais même si ce sommet n’est pas tout à fait égalé ici Les Hurleurs s’éloignent peu à peu, laissant la place à l’univers non moins passionnant d’une formation nouvelle dont l’itinéraire risque fort d’en surprendre plus d’un dans les années à venir. En tout cas c’est le moins qu’on puisse leur souhaiter, pour notre plus grand plaisir.


Quatre extraits de Jour Après Jour sont en écoute sur la page myspace de Versari.

Chroniques - 16.02.2007 par RabbitInYourHeadlights
 


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